« Mettre en corrélation les paroles d’un Gouvernement avec ses actes
Monsieur le Président de la République,
Par décision du 11 septembre dernier, le Conseil des Ministres a nommé Madame Claudine Ledoux, Maire de Charleville-Mézières en qualité d’Ambassadeur chargé de la coopération régionale dans la zone de l’océan Indien.
Cette décision émeut toute la classe politique réunionnaise, au-delà des clivages politiques traditionnels. Il est vrai que cette nomination est pour le moins surprenante et injuste. Surprenante car elle est en totale contradiction avec le rapport Letchimy et même avec la mission confiée au Député réunionnais Patrick Lebreton afin de permettre aux ultramarins un meilleur accès aux postes disponibles sur leur territoire d’origine.
Injuste car cette désignation d’une élue métropolitaine se fait au détriment de la candidature d’un universitaire réunionnais, que j’avais soutenue par écrit auprès de vous, celle de M. Wilfrid Bertile, qui a occupé les fonctions de Maire, de Député, de Conseiller général, de Vice-président de la Région Réunion chargé de l’action internationale et qui a aussi, été Secrétaire Général de la Commission de l’océan Indien dont la France est membre au titre de La Réunion.
Qui connaît mieux que lui la coopération régionale dans la zone ? Sûrement pas, quelles que soient ses qualités par ailleurs, la Maire de Charleville-Mézières.
Je suis heureuse de constater aujourd’hui les réactions unanimes des élus et des médias réunionnais. J’espérais de telles réactions. J’ai, pour ma part, préféré attendre avant de vous saisir à mon tour, ne voulant pas être accusée de partialité dans cette affaire, M. Bertile travaillant actuellement à temps partiel au Conseil Général comme Conseiller pour… la coopération régionale.
Personne ne comprend ce choix, qui peut être lu comme une marque de mépris pour les Réunionnais : le Conseil des Ministres en nommant Mme Ledoux a ignoré l’avis unanime des Collectivités et des élus qui soutenaient la candidature de M. Bertile ; il lance aussi un signal très contestable ignorant la candidature d’un Réunionnais pour la zone océan Indien mais nommant un Antillais pour la zone Caraïbe.
Comment peut-on nommer un ambassadeur chargé de coordonner les actions de coopération de l’Etat et des Collectivités locales dans l’océan Indien sans tenir compte de l’avis des Collectivités concernées ? Comment faire admettre à la représentation nationale et à la population de La Réunion qu’un Antillais est digne d’occuper le poste correspondant dans la Caraïbe, mais qu’un Réunionnais ne l’est pas concernant celui de l’océan Indien ?
Je ne doute pas, Monsieur le Président de la République, que vous ne preniez en compte ce front uni pour demander une révision de cette nomination. Nous sommes, à La Réunion, trop habitués au système de cooptation clanique pour accepter qu’il provienne maintenant du plus haut sommet de l’Etat. Or c’est bien cet exemple qui est donné, la qualité première de Mme Ledoux, à en croire la presse, étant d’être amie du Ministre des Affaires étrangères.
Le Gouvernement apporte ainsi de l’eau au moulin des parlementaires (parmi lesquels le député François Loncle et le sénateur Christian Cointat) et de tous ceux qui dénoncent l’inutilité de ces postes d’ambassadeurs thématiques qui seraient autant de sinécures destinées à recaser des proches du pouvoir.
Si les élus de La Réunion et le monde économique soutiennent la candidature de M. Bertile, c’est qu’ils attendent du Gouvernement une vraie politique de la France dans le sud-ouest de l’océan Indien à partir des terres françaises qui y sont localisées, principalement de Mayotte et de La Réunion.
Encore une fois, il ne s’agit pas de dénigrer Mme Ledoux. Mais il s’agit de mettre en corrélation les paroles d’un Gouvernement avec ses actes. Et je veux croire que le Conseil de vos ministres sera sensible à cette indispensable adéquation et reviendra sur sa première décision.
Dans cette attente, je vous prie d’agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de ma haute considération.
Nassimah Dindar – Présidente du Conseil Général »