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Lettre d’un père Pied Noir, à sa fille

Bonjour ma très chère fille, Je vais, par la présente, répondre à ta question. Je te remercie d’essayer de comprendre mon histoire . Cela te permettra aussi de comprendre mes comportements et mes engagements.. Cela fait plaisir que notre histoire  soit transmise par notre descendance . J’étais alors très jeune. Je ne te rapporterai que […]

Ecrit par Alain NIVET – le mardi 24 novembre 2020 à 09H10

Bonjour ma très chère fille,

Je vais, par la présente, répondre à ta question. Je te remercie d’essayer de comprendre mon histoire .
Cela te permettra aussi de comprendre mes comportements et mes engagements..

Cela fait plaisir que notre histoire  soit transmise par notre descendance .

J’étais alors très jeune. Je ne te rapporterai que ce que j’ai vécu et entendu personnellement .
Aucun respect chronologique, au regard de mes souvenirs et de mon jeune âge à l’époque .

Il me sera difficile d’être bref.

Mon souvenir le plus marquant:

Nous habitions alors à St Hubert à Oran,  un petit immeuble de la  météo , de quatre appartements.

Un soir, il y a  eu la fameuse nuit bleue de l’OAS . Bombes au phosphore qui ont embrasé le ciel. Tous les locataires de ce petit immeuble sont montés sur la terrasse pour voir cela . Impressionnant !

Il me faut préciser que devant chez nous, il y avait une caserne de Gendarmerie, et les villas des officiers dont les fils étaient mes copains.
Sur la villa des officiers, il y avait un nid de mitrailleuses;

A l’époque, mon père fumait. Il faut savoir que, la nuit, lorsqu’une arme tire, tu vois d’abord le rouge de la flamme , et ensuite tu entends le son.
Les gendarmes ont vu mon père tirer sur sa cigarette, et n’ont pas attendu le son pour riposter. Ils croyaient qu’on leur tirait dessus..

Quelques rafales à la A52 qui ont atterri derrière chez nous, dans les logements de l’Armée de l’air . Des patrouilles tournaient pour assurer la sécurité. Ceux-ci ont répondu avec leur PM, et c’est ainsi que nous avons été sous le feu de tirs nourris toute la nuit.
Mais l’histoire ne finit pas là;…..Le lendemain, nous avons eu droit à une perquisition  : engin blindé Half Track (engin chenillé armée américaine), avec la 12.7 (mitrailleuse lourde) pointée sur nous ! La perquisition n’a rien donné.

Un jour, alors que les arabes envahissaient le quartier HLM d’en face à dos de chameaux, j’ai vu, sous ma fenêtre, des gendarmes en position de tir agressés au couteau par derrière . Heureusement, un gendarme s’est retourné à temps et les a fait prisonniers.

Nous n’avons pas été à l’école (qui se trouvait au bout de la rue François Mansard, notre rue ).durant un an , pour cause de guerre.
Auparavant, alors que nous étions à l’école, à la récré, nous avons vu des mamans apeurées, dont ma mère , en chemise de nuit, bigoudis sur la tête, arriver à l’école chercher leurs enfants car les arabes  faisaient une razzia, avec des planches cloutées…

J’étais le partenaire de mon père à la pétanque et au baby-foot. on était très complices. Un soir, nous jouions à la pétanque avec des amis, sur la place des Palmiers, lorsque nous nous sommes fait tirer dessus par des fellaghas qui tournaient autour de la place pour nous abattre . Heureusement, nous avons pu nous aplatir ou nous cacher derrière les arbres;

Suite à cette attaque, les habitants du quartier se sont  transformés en milice d’auto-défense. nous ne pouvions pas compter sur la Gendarmerie, nos voisins.

Il te faut savoir que des détenus avaient été enrôlés par la Gendarmerie, avec à la clé une remise de peine pour casser du Pied-Noir. Je crois, mais n’en suis pas sûr, qu’il s’agissait du commando, ou de la section Chambord. (A vérifier)

Mon père et ses amis avaient acheté du barbelé ,pour boucler le quartier, et  toutes les nuits, ils patrouillaient armés.. Mon père était armé; mais avait un permis de port d’armes.

Mon père nous avait envoyés à Paris, chez ma Grand-Mère, pour nous protéger Mais ma mère , ne s’entendant pas avec sa belle-mère, nous sommes revenus à Oran.
Pendant  notre séjour à Paris, mon père a failli se faire tuer avec son ami météo. En effet, alors qu’avec notre Renault Dauphine, ils se promenaient dans la campagne oranaise, ils se sont fait arrêter à un barrage de fellaghas La voiture a été peinte aux lettres du FLN. Mon père et son ami voyaient leur dernière heure arrivée. Ils ont réussi à reprendre la voiture, à fuir,  et ont fait plus de 150 km pour contourner le barrage et rentrer à Oran. Ouf !

Mon père,  Papi, était civil, réserviste de l’Armée française . A ce titre, il a été engagé dans les UT (Unités Territoriales) Le rôle des UT était le maintien de l’ordre. Une forme de supplétifs. Le soir, ils patrouillaient pour assurer la sécurité des habitants. Oh, ils ont essuyé quelques embuscades, et quelques coups de feu .Il a été reconnu comme ancien combattant.
J’étais mal, le soir, lorsque je le voyais revêtir ses habits de militaire…..

Certains soirs, toute la ville d’Oran tapait sur les casseroles et criait « Algérie Française » . Ma mère, Nani, ouvrait en grand la fenêtre et mettait à fond le tourne disque : « C’est nous les africains’, notre hymne.

La TV était souvent brouillée par l’OAS qui émettait ses messages…
Nous avions des enregistrements clandestins, bien sûr.

J’aurai toujours en mémoire le massacre de la rue d’Isly à Alger , le 26 mars 62, où l’armée française a tiré sur une foule de civils faisant 😯 morts et 200 blessés , et cette phrase terrible  d’un sous- officier ( je crois) horrifié, criant à son supérieur : « Halte au feu mon lieutenant, halte au feu » ……..!

J’aurai toujours en mémoire : le 5 juillet 62, nous étions encore à Oran, le terrible massacre, si ce n’est carnage, des européens suite à l’annonce de l’Indépendance.

Notre vie de jeunes était un peu comme au Liban durant la guerre . J’allais jouer chez mes copains , alors qu’au loin ça tirait fort ..

Il faut que tu intègres que tous les arabes n’étaient pas fellaghas. Le FLN prélevait l’impôt dans les villages reculés. Et les villages qui refusaient étaient éliminés, brûlés et les habitants tués… pour servir d’exemple.

Dans la famille, nous avions une ferme à Georges Clémenceau, famille XXX,, et tout se passait bien , en bonne entente entre les comunautés . Les ouvriers agricoles étaient musulmans. 

A Oran nous avions un ami qui avait une filature. Ce sont les arabes eux-mêmes qui nous disaient « Ne sortez pas demain, il y aura une « descente » !.
Nous avons été sauvés par des arabes !

Voilà, ma fille, des souvenirs de ton père, alors très jeune. Ces souvenirs , en vrac, sont gravés à jamais dans ma mémoire .
Je pense que si j’avais eu 20 ans à l’époque, j’aurais été « actif  » .
 
Papa.

 

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