Revenir à la rubrique : Société

Les pensionnaires d’autrefois: Une sacrée bande de loustics !

Retrouvez la première partie ici: [Au bon vieux temps du lycée Leconte-de-Lisle: Pensionnat lontan, c’était in zafair mounoir!]urlblank:http://www.zinfos974.com/1-2-Au-bon-vieux-temps-du-lycee-Leconte-de-Lisle-Pensionnat-lontan-c-etait-in-zafair-mounoir_a110383.html Nous étions ainsi, en 1958, une bande de gamins lâchés dans la nature, sans les frangins, sans les copains d’école et de jeux, sans famille. Rien qu’avec des « grands » jouant aux gros bras parce qu’ils étaient là […]

Ecrit par Jules Bénard – le samedi 04 février 2017 à 16H23
Retrouvez la première partie ici: [Au bon vieux temps du lycée Leconte-de-Lisle: Pensionnat lontan, c’était in zafair mounoir!]urlblank:http://www.zinfos974.com/1-2-Au-bon-vieux-temps-du-lycee-Leconte-de-Lisle-Pensionnat-lontan-c-etait-in-zafair-mounoir_a110383.html

Nous étions ainsi, en 1958, une bande de gamins lâchés dans la nature, sans les frangins, sans les copains d’école et de jeux, sans famille. Rien qu’avec des « grands » jouant aux gros bras parce qu’ils étaient là depuis l’an dernier, des « anciens ».

Poux, puces, punaises rouges…

Le soir, on était au dortoir à 19h30. Plein de lavabos, quelques auges pour se laver les pieds et tout ça à l’eau froide, y compris en plein hiver. On avait quelques minutes pour se décrasser, y compris les pieds, ce qui allait très vite en saison froide et n’améliorait pas vraiment le fumet de l’atmosphère du dortoir. On faisait avec.

Extinction des feux à 20h00 et on aurait entendu une mouche voler car interdiction absolue de causer avec le voisin du lit d’à-côté ! Seuls les « grands » de Terminale disposaient d’une minuscule pièce à côté des lavabos pour travailler leurs cours jusqu’à 23 heures, surveillés de près par le pion qui ne rigolait pas.

A 6h00, « drrrringgg », la fichue sonnette nous tirait de rêves faits des souvenirs de la maison trop éloignée. Le pion, encore lui, passait de lit en lit pour secouer les puces des attardés. Et quand je dis les puces… il y en avait aussi dans ces trois dortoirs. Le plancher avait beau être imbibé de pétrole pour chasser les bestioles, elles résistaient apparemment à tout. On passait notre temps à nous gratter avec acharnement mais il y avait toujours quelques poux, puces, punaises rouges qui achevaient de gâcher un univers déjà  pas drôle. Je me souviens d’un pote chinois originaire de l’Est, qui était constellé de piqûres sur tout le corps, son matelas ayant été choisi comme lieu de ponte de ces satanées bébêtes.

« Dégommatage » au dentifrice

On avait quelques minutes pour se débarbouiller. Certains étaient obligés de se « dégommater », terme ignoré du Larousse et désignant une farce très spirituelle.

La nuit, quelque mauvais plaisant, aussi silencieux qu’un Sioux sur le sentier de la guerre, s’en allait passer les cheveux de sa victime au dentifrice. Sans lésiner sur la quantité. Au matin, la pâte ayant séché, le malheureux avait toutes les peines à s’en débarrasser. J’ai été moi-même plus d’une fois victime de cette « plaisanterie », mais c’est notre pote Emile Vélia, de la Plaine-des-Palmistes, qui y eut droit le plus souvent chaque année. Quand il devint costaud, les mauvais plaisants y regardèrent à deux fois car…

… Car une nuit, Emile, pas né de la dernière pluie, se coucha à l’envers. Lorsqu’il sentit la pâte glacée sur ses orteils, il se leva brusquement et le farceur le paya de quelques dents et horions divers !

Le pain-z’achards de chez le Chinois du Jardin

Nous avions quelques minutes pour avaler un grand bol de lait chocolaté (avec du Tonimalt), mettre une quille de beurre à l’intérieur d’un quignon de pain d’une avarice sordide et en route pour la salle d’études jusqu’à 7h30, heure du début de la première classe de la matinée.

L’emploi du temps était réglé comme du papier à musique : 4 heures de classe jusqu’à midi et 2 ou 3 heures les après-midi. Sauf le jeudi où les après-midi étaient « libres ». Enfin, quand je dis « libres », pour les grands pensionnaires de 2nde, 1è et terminale sans doute. Ils avaient le droit de s’en aller promener au-dehors du lycée. Nous, les « petits », on se collait d’interminables heures d’étude… sinon d’heures de colle tout court. Vers les 16 heures, un pion nous réunissait par deux et nous conduisait au Jardin, à la piscine d’eau douce du BOTC, au fond de la rivière, ou encore, exceptionnellement, sur le  terrain de foot de la Redoute. Il y avait parfois un match intéressant entre le Royal Star et les Juniors dionysiens, équipes appartenant aujourd’hui à l’histoire.

Au retour, on nous permettait d’acheter un pain-z’achards chez le Chinois, le meilleur z’achards de ma vie dont on n’a que des ersatz maintenant.

« Mano macro »

La discipline était d’une sévérité à faire pâlir.

On se mettait ainsi en rangs par deux pour aller au réfectoire, dûment chapitrés par le pion. Au rang de ces derniers, il y avait Bouboul, aussi appelé « Chatoyant » car il brilla de tous ses feux un soir en passant sous un lampadaire. D’où son surnom, un surnom que nous évitions de prononcer en sa présence car Bouboul, outre d’être très beau, était d’une force herculéenne. Il y avait encore Adam de Villiers, lointain parent de la copine Françoise, beau, blond, grand et à la voix douce. On ne l’emmerdait jamais.

Je me souviens encore de Mano Lambert, qui se voulait plus intransigeant que le censeur et qui s’était vite attiré l’appellation de « Mano Macro ». Quand nous étions en panne de refrain, les « Mano macro «  expulsés à tue-tête réveillaient tout Saint-Denis.

Il y avait encore Paul Marodon, ami de tous les pensionnaires dont il tentait de soulager le quotidien en fermant les yeux sur les broutilles. Enfin, nous avions droit à la sollicitude de Raymond Lauret, à peine plus âge de quelques années, qui finançait ses études supérieures d’enfant pauvre, en jouant les surveillants. Comme il était d’une intelligence extraordinaire, et d’une serviabilité à fleur de peau, Raymond n’hésitait jamais à dispenser ses conseils pour quelque théorème barbare ou une règle de grammaire mal assimilée. Le soir, dans le box où il avait son petit lit (le même que le nôtre) et sa table de travail, la lumière restait longtemps allumée. C’était un sacré bosseur.

L’apprentissage des clopes clandestines

Pour revenir sur la notion aujourd’hui oubliée de « discipline », il faut savoir que si quelques « grands » se cachaient dans les chiottes (à la turque) à plusieurs pour boucaner, il y avait grand risque.

Les censeurs par exemple, messieurs Cresta ou Arnaud, y faisaient des incursions aussi soudaines que déconcertantes. Les contrevenants passaient direct en conseil de discipline, avec éjection de quelques jours à la clef. Sinon un mois entier à être consigné matin et après-midi, tout un dimanche pendant que les copains allaient au Bassin-Z’hirondelles.

On ne plaisantait pas, même contre son gré. Un soir ainsi, Claude Hoareau, futur politicien très connu, est arrivé en retard au réfectoire le dimanche soir. En retard parce que le train le ramenant du Port l’était lui-même. Il s’est fait engueuler devant les autres par le censeur Cresta (à qui il répondit vertement) qui l’expédia aussi sec à l’infirmerie, conseil de discipline le lendemain et retour la case papa momon dans la foulée. Les ennuis de Claude avec l’autorité ne datent donc pas d’aujourd’hui.

Mademoiselle Legros, madame Saint-Fidèle…

Pour échapper parfois à la discipline pesante ou à quelque devoir de maths particulièrement ardu donné par « Mangue-Carotte » (M. Claude Payet, un con…) ou Misner (efficace mais sévère et grande gueule), on se faisait porter pâle. A savoir qu’on allait aux consultations médicales du matin se faire délivrer deux ou trois jours d’infirmerie et quelques doses de boisson pétillante dont nous n’avions nul besoin. Mademoiselle Legros, l’infirmière, était d’une grande gentillesse, possédant en outre une poitrine qui suscitait certains changements dans notre anatomie. Ce qui la faisait bien rigoler…

Pour passer le temps, le lundi matin, nous allions au service lingerie récupérer nos vêtements sur lesquels madame Saint-Fidèle, charmante grand-maman noire et souriante, veillait jalousement. Chacun disposant d’un numéro de lingerie cousu sur champ, pas moyen de se tromper.

Nous adorions madame Saint-Fidèle mais plus encore son adjointe, madame Vidot, très belle, très poitrinée, bien fessue et mignonne comme un cœur. On s’y attardait un peu plus que nécessaire, avouons-le. Bande ti vicieux va !

Le fameux Bassin-Z’Hirondelles

Pour se distraire, le dimanche, jour où nous avions le droit de sortir seuls comme des grands, nous avions le ciné ou le pique-nique. Le ciné, il y en avait trois, Rio, Plaza et Casino, devenu le Ritz longtemps après. Les séances commençaient à 14 heures et présentaient deux films, réglo.

Pour le pique-nique, c’était simple. Depuis la vieille, nous avions prévenu le responsable des cuisines, monsieur Bertaut. Le dimanche matin, nous avions droit au pain frais, saucisson, jambon, fromage La Vache-Qui-Rit, oranges, pommes… Ce gentil vieux monsieur ne lésinait pas sur les quantités.

Nous allions vite fait au fond de la rivière, crapahut jusqu’au Bassin-Z’Hirondelles, surnommé Bassin-Pigeons aujourd’hui. Nous passions là des journées merveilleuses une fois les provisions mises à l’ombre.

Avant les interminables séances de baignades, nous jouions aux grands en fumant goulument quelque paquet de cigarettes « Royal », « Mélia » filtres, « Craven » pour les plus fortunés, ou « Matinées » achetées chez le Chinois du coin du Jardin. Chinois à qui notre proviseur, Zéphirin (M. Albert Lougnon) avait bien demandé de ne pas nous en vendre.

Parfois encore, pour changer un peu, nous allions pique-niquer à la Vierge-Noire ou du côté de l’ancien terrain d’aviation en passant par le fond de la rivière des Pluies, merveilleux terrain de jeux pour s’exercer à « Pont de la rivière Kwaï », « Far-West 89 », « Winchester 73 » ou autre « Côte 465 » récemment vus au ciné.

Dormeuil, Bastide, Vinh San…

Chacun d’entre nous gardait soigneusement en ses valises la petite somme nécessaire pour prendre le train du dernier samedi, attendu avec impatience.

Ah oui !… Faut pas que je les oublie, aussi. Le dimanche matin, nous allions souvent au Foyer de Joinville où, à partir des années 60, s’entraînaient les Chats Noirs, la bande à Max Dormeuil, « Pépère » Personné, « Mickey » Nativel, Jean-Paul Boyer. Nous étions à leurs fenêtres, les yeux rivés sur leurs guitares qui nous fascinaient littéralement. Max Dormeuil nous stupéfiait par son époustouflante rapidité tandis que nous étions en émerveillement devant la basse bricolée par Mickey, gaucher. Sinon, nous allions au foyer de l’AJER, face au commissariat, admirer le savoir-faire de la bande à Bastide avec son sourire tranche-papaye.

Le dimanche soir, après le ciné, nous passions derrière les grilles de l’Hôtel d’Europe, pour écouter Julot Arlanda ou Claude Vinh San… et surtout les demoiselles faussement désoeuvrées attendant le client. « Monsieur » Antoine nous gratifiait souvent d’une limonade, le cher homme, sinon d’un bonbon-piment.

Au titre des distractions, il y avait aussi le temps passé à « lookater » les filles de Juliette-Dodu qui nous faisaient rêver pendant leur repas.

Voilà, en gros, ce qu’était la vie d’un pensionnaire d’autrefois. Cela en fera soupirer plus d’un jeune, je présume. Personnellement, je n’ai pas aimé ! Surprenant, non ? Mais tant qu’à faire, puisque nous ne pouvions y couper, autant passer le temps du bagne à apprendre. Ce que nous fîmes avec succès : les pensionnaires avaient presque toujours leur Bac, ce qui était une haute récompense alors : le Bac, véritable tapis rouge déroulé sous nos pieds, ouvrait les portes des concours administratifs élevés, pour lesquels aujourd’hui, on vous réclame un Bac  + 8.

 

Thèmes :
Message fin article

Avez-vous aimé cet article ?

Partagez-le sans tarder sur les réseaux sociaux, abonnez-vous à notre Newsletter,
et restez à l'affût de nos dernières actualités en nous suivant sur Google Actualités.

Pour accéder à nos articles en continu, voici notre flux RSS : https://www.zinfos974.com/feed
Une meilleure expérience de lecture !
nous suggérons l'utilisation de Feedly.

S’abonner
Notification pour
0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires

Dans la même rubrique

Découvrez les prix des carburants au 1er avril

Le prix du Gazole baisse de trois centimes au 1er avril. Celui du Sans plomb reste stable. Le soutien financier des collectivités permet aussi de maintenir le gel du prix de la bouteille de gaz à 15 euros.

Pas de remise gracieuse pour les 477.885 euros réclamés à l’ancien comptable public de la Région

L’affaire a semé le trouble chez les élus de la Région, ce jeudi matin. Alors que la majorité régionale avait choisi de s’abstenir, deux seules voix de l’opposition ont suffi pour faire échec à la demande de remise gracieuse de l’ancien payeur régional Ahmed Abdallah. Le frère de l’ancien DGS de la Région Mohamed Ahmed devra donc bien s’acquitter de la somme de 477.885 euros réclamée par la Cour des comptes.

Débrayage des préparateurs en pharmacie au CHOR

Une vingtaine de préparateurs en pharmacie hospitalière ont manifesté leur colère ce jeudi et ont pris part au mouvement de grogne nationale. Ils demandent notamment une révision des échelons et l’officialisation du diplôme d’État.

«  La disparition d’Air Austral constituerait une perte sèche pour l’économie réunionnaise à hauteur de 100 millions d’euros »

L’assemblée plénière de la Région, réunie en petit comité ce jeudi matin, a voté à l’unanimité un prêt d’un montant maximal de 5 millions d’euros à la compagnie Air Austral, qui fait face à d’importantes difficultés de trésorerie. Le conseiller de la majorité Wilfrid Bertile a toutefois regretté l’abandon par la compagnie aérienne de son ambition originelle de participer au désenclavement régional.