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Les méthodes de la direction de CMM montrées du doigt après un suicide et deux tentatives

La direction de la concession automobile CMM du groupe CFAO doit profondément revisiter sa méthode managériale pour éviter de nouveaux drames. Les signaux d’alerte consécutifs au suicide de l’un de ses salariés en 2018 n’ont apparemment pas servi de leçon. Un rapport mené par des experts en risques psychosociaux met en lumière une façon de manager qui a profondément affecté certains collaborateurs, au point qu’ils envisagent le pire.

Ecrit par zinfos974 – le mercredi 24 juin 2020 à 07H00

Le 30 octobre 2019, les membres du CHSCT de la société CMM mandataient un cabinet d’expertise après une tentative de suicide survenue dans les locaux du siège à Saint-Denis. Cette tentative était la deuxième de ce responsable du service après-vente de la concession automobile du site dit du « Triangle » à Sainte-Clotilde. Une tentative qui survenait dans un contexte déjà lourd : celui du suicide d’un chef d’atelier un an plus tôt. 

Agréé par le ministère du Travail, le cabinet d’expertise ECCF a donc mis à profit ses trois mois d’enquête – entre fin 2019 et début 2020 – pour procéder à des entretiens croisés avec les salariés et la direction. Le but de l’audit visait à diagnostiquer les risques pour la santé physique et psychologique des membres du personnel de la société, d’en examiner les déterminants (organisationnels, relationnels,…) et les conséquences qu’ils peuvent engendrer.

Un extrait du rapport qui met au jour des méthodes managériales discutables :

 

Les trois événements majeurs que sont le suicide et les deux tentatives de suicide avaient été précédés d’une démission qui donnait déjà une idée du management plus frontal mené par le nouveau DG.

Même s’il n’a pas été mandaté sur ce fait précis, le cabinet d’audit évoque ainsi le cas d’un conseiller commercial Premium qui a préféré démissionner en février 2019. Les rapports étaient devenus trop conflictuels avec ce même directeur général nouvellement arrivé, le rapport relevant tout de même « 19 échanges de mails (entre les deux hommes, ndlr) avec des propos inappropriés dans un cadre de relations professionnelles et d’un état de souffrance psychologique vécue par le démissionnaire ».

Des nombreuses entrevues réalisées au sein de l’entreprise, les experts en risques psychosociaux retiennent pourtant le témoignage d’employés qui, jusqu’à présent, décrivaient leur groupe comme « un groupe qui sait travailler les valeurs humaines et la valorisation des personnes au travail ». Mais les conditions managériales ont évolué à l’arrivée du nouveau DG fin 2017.

 

Le 15 octobre surviendra donc sa tentative de suicide dans le hall du service après-vente, à la vue des clients de la concession.

 

Les méthodes de la direction de CMM montrées du doigt après un suicide et deux tentativesCe rapport a été rendu en février 2020. En ses 97 pages, il fait ressortir des conditions managériales propices à la survenue des événements malheureux qui ont émaillé la vie de la société ces deux dernières années. Commençons par l’événement de trop, celui qui a fini par réellement faire prendre conscience que quelque chose ne tournait décidément pas rond.

Le 15 octobre 2019, le responsable du service après-vente du site du Triangle est pris d’un malaise. Il s’effondre dans les bras de la directrice des ressources humaines qui, aidée d’autres employés, prend en charge son collègue avant l’arrivée des pompiers et du Smur 30 minutes plus tard, relate le rapport d’expertise. Sur le bureau du suicidaire, ils retrouveront de nombreuses boîtes de médicaments dont la prise était suffisante pour entraîner la mort, établira le rapport du CHU. 

Sur le moment, le geste désespéré est fortement suspecté puisque l’intéressé revenait d’une longue période d’arrêt. Six mois plus tôt, en juin 2019, alors qu’il était attendu sur son lieu de travail, le responsable du service après-vente avait été retrouvé par son épouse dans un état de prostration, assis sur un trottoir du pont Vinh San. Mais « l’événement » n’avait pas été prise en considération par sa direction puisque cette tentative s’était produite en dehors de son lieu de travail. 

En octobre 2019, lors de la deuxième tentative de suicide, la direction du groupe prend cette fois-ci la mesure de l’incident. Elle organise dès le lendemain une DUP extraordinaire (délégation unique du personnel) à l’issue de laquelle plusieurs mesures sont prises : les salariés peuvent échanger avec un psychologue et une cellule d’écoute collective par petits groupes est organisée avec les membres du SAMU. Un dispositif proposé à tous les salariés qui en sentiraient le besoin. 

L’état dépressif de ce responsable SAV résonnait encore plus au sein de l’entreprise puisqu’un an auparavant, en 2018, le chef d’atelier-véhicules de ce même site de Sainte-Clotilde s’était suicidé à son domicile. Ce décès brutal avait été un électrochoc au sein de toutes les antennes de la société, les personnels des sites du Port et de Saint-Pierre étaient même venus aux obsèques.

La deuxième tentative du responsable SAV survenait donc dans un contexte déjà lourd au sein du groupe CFAO. 

C’est en questionnant le personnel de façon anonymisée que le cabinet d’expertise a pu établir un point commun entre tous ces évènements : l’arrivée en décembre 2017 d’une nouvelle direction aux méthodes décriées. 

Tout à coup, les qualités des collaborateurs qui leur valaient des félicitations deviennent bizarrement des points faibles. Le rapport d’expertise s’applique à démontrer que c’est bel et bien la logique de pression de la nouvelle direction qui a changé la donne.

Avec l’arrivée d’un nouveau directeur, les bonnes appréciations d’hier deviennent étonnement les points faibles des salariés :

 

Remis en cause par sa hiérarchie, le responsable du service SAV auteur de sa deuxième tentative de suicide a pourtant toujours été apprécié de ses collègues comme a pu l’attester l’audit mené au sein de l’entreprise :

 

Le rapport souligne aussi le manque de tact de la direction alors qu’après 6 mois d’arrêt – les tout premiers de sa carrière – le responsable SAV est reçu sèchement à son retour. « Monsieur (…) reprend le travail le 1er octobre 2019 avec un mois d’avance, le travail lui manque », fait remarquer le rapport. Mais dès le lendemain, son enthousiasme est vite douché. Le 2 octobre, le directeur général notifie au responsable SAV qu’il doit régler une dette de près de 7.000 euros sur la fiche de salaire de septembre à cause d’une avance faite par l’employeur dans le cadre d’un accident du travail.

Cette annonce fera replonger l’employé dans un état d’extrême angoisse aux dires de ses collègues qui se rappellent l’avoir vu désarçonné par cette somme à rembourser. Pour ne rien arranger, cette somme devait être réglée sans possibilité d’échelonnement, comme pour mieux enfoncer un employé déjà fragilisé.

Le rapport met en lumière « les mécanismes de banalisation de la situation, de minoration de la souffrance » vécue par l’employé :

 

Méthodiquement, page après page, le rapport liste l’ensemble des manoeuvres qui ont conduit à la déconsidération du responsable du SAV. 

En 2018, le déplacement de son bureau au sous-sol a par exemple été noté. Un déplacement qui « n’est pas recevable », conclut l’expertise. Son changement de bureau a été logiquement perçu comme une mise au placard par l’intéressé « alors que monsieur (…) était apprécié de tous ses responsables directs et indirects jusqu’à l’année 2018 », font ressortir unanimement tous les témoignages de ses collègues. Il aura fallu attendre l’arrivée du nouveau DG pour qu’il prenne le premier arrêt maladie de sa carrière et son premier avertissement.

Le rapport souligne d’ailleurs la différence de perception que la hiérarchie et la base ont de la méthode managériale employée :

 

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