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Les grosses ficelles de Macron pour refuser aux Outre-mer ce qui leur est dû…

En ce mois d’août, les élus et hauts fonctionnaires territoriaux de l’île pensaient pouvoir prendre des vacances plus ou moins méritées. Pas de chance pour eux, le gouvernement attendait juste la trêve aoûtienne pour leur jouer un de ces mauvais tours dont il a le secret, ce qui a mis un peu d’émoi dans plusieurs […]

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 10 août 2018 à 14H53

En ce mois d’août, les élus et hauts fonctionnaires territoriaux de l’île pensaient pouvoir prendre des vacances plus ou moins méritées. Pas de chance pour eux, le gouvernement attendait juste la trêve aoûtienne pour leur jouer un de ces mauvais tours dont il a le secret, ce qui a mis un peu d’émoi dans plusieurs états-majors politiques.

Pour comprendre l’histoire, il faut remonter à février 2017 et à la fameuse loi Bareigts sur l’égalité réelle dont on nous a tant rabattu les oreilles à l’époque. La « grande » mesure du texte, c’était son article 7 : il créait des plans de convergence qui, sur dix à vingt ans, devaient planifier pour chaque Outre-Mer une stratégie de convergence avec l’Hexagone, appuyée sur des objectifs chiffrés et mesurables et sur une programmation financière. Ces plans devaient être signés entre l’Etat, les Régions et départements et les intercommunalités avant le 1er juillet 2018 pour les premiers.

L’idée derrière ces machins était, prétendument, de créer une stratégie commune entre l’Etat et les pouvoirs locaux pour développer les territoires. En réalité, plus probablement, de forcer l’Etat à s’engager sur des montants contractuels pour préserver nos territoires des réductions de dépenses publiques alors même qu’ils sont encore loin d’avoir rattrapé le développement de la métropole.

En soi, pourquoi pas. Mais depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron, les différentes collectivités n’avaient plus guère de nouvelles de ces plans. Tout juste savait-on que les Assises des Outre-Mer devaient les nourrir. Tant et si bien que le 17 avril, une réunion de travail entre les présidents de collectivités, les parlementaires et le cabinet de la Ministre des Outre-Mer avait dégénéré en foire d’empoigne de 4 heures. Les élus s’y plaignaient en effet du manque de transparence sur l’élaboration de ces plans et leur financement, sur le contenu des assises ainsi que sur la réforme des aides économiques aux Outre-Mer (mais nous aurons l’occasion d’y revenir dans les prochains mois, et croyez-moi il y a de quoi). Mais depuis, silence radio du côté de la rue Oudinot.

Un mois plus tard, Emmanuel Macron, lors des conclusions des Assises des Outre-Mer, nous a fait son show à l’américaine, faisant virtuellement une déclaration d’amour aux Outre-Mer qui lui a, par ailleurs, valu des critiques moqueuses des élus une fois bien à l’abri d’éventuelles oreilles gouvernementales.

Mais, comme le veut la sagesse populaire, il n’y a pas d’amour : il n’y a que des preuves d’amour. Et de preuves d’amour il n’y en aura pas. En effet, pour tenir sa ligne politique centrale pour ce quinquennat, le retour de la France dans les critères de Maastricht, Macron n’a pas souhaité desserrer les cordons de la bourse de Bercy et a annoncé que les assises se feraient… à budget constant. Pas un euro de plus pour les projets sélectionnés, que les ultramarins devront financer de leur poche.

Et tout cela nous ramène aux plans de convergence. Fin juillet, des hauts fonctionnaires territoriaux ont été surpris d’être convoqués en réunion à la préfecture. Ils s’y font expliquer que l’Etat a l’intention de signer les plans de convergence… en septembre. Ce qui revient à dire que les collectivités devront y travailler pendant le mois d’août, période bien connue pour l’activité débordante qu’elle entraîne dans les services !

En l’espace de quelques semaines, les collectivités devront donc travailler sur des documents complexes et stratégiques portant, pour ainsi dire, sur toutes les politiques publiques en Outre-Mer. Je vous passe l’inventaire à la Prévert fait par la loi EROM mais pour les plus masochistes, vous pouvez aller lire l’article 7 de la dite loi ici.

Le mois d’août pour tout ça ! Une gageure. Mais surtout, une stratégie assez maligne. En effet, Emmanuel Macron sait qu’il n’a absolument aucune intention de donner aux Outre-Mer les moyens dont ils ont besoin.

A son arrivée au pouvoir, son entourage ultramarin s’est empressé de monter les assises des Outre-Mer sous un format calibré pour que les réponses coûtent le moins d’argent possible : consultation en ligne (ce qui facilite la manipulation des résultats), choix de projets plutôt que de politiques publiques, interrogation d’associations moins aguerries à ce type de manipulations que les élus (d’où le manque de transparence dont se plaignaient ceux-ci en avril)…

Grâce à cela, l’Elysée a gagné un an en renvoyant toutes les décisions qui coûteraient de l’argent aux conclusions des assises. Puis, pour financer celles-ci, il supprime des dispositifs existants pour les remplacer par d’autres moins coûteux ([voir notre article]urlblank:https://www.zinfos974.com/Quand-Annick-Girardin-se-fiche-de-notre-gueule_a129749.html ) . Enfin, les collectivités se voient donner le mois d’août pour travailler aux plans de convergence. Elles n’y arriveront vraisemblablement pas et viendront avec des propositions à moitié abouties, sans cohérence dans leurs approches, pour se faire au final balader par les services préfectoraux qui leur imposeront les conclusions des assises. Et comme celles-ci étaient faites pour être moins-disantes…

Les collectivités ne pourront même pas protester : même si les Assises étaient une farce dont tout le landerneau politique ultramarin a conscience, il s’agissait d’un acte de démocratie directe. L’Etat pourra aisément se réfugier, pour défendre ses décisions les plus assassines, derrière la volonté populaire manifestée par ce sondage géant.

Pire, les plans de convergence s’imposeront ensuite à tous les documents de planification et de programmation rédigés entre l’Etat et les collectivités : documents d’urbanisme ; contrats de plan Etat-Région ; schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation… Et ceux-ci pourront donc logiquement être revus également à la baisse puisque s’appuyant sur des plans de convergence manquant eux-mêmes d’ambition.

Conscients du danger, certains dans les collectivités commencent à sérieusement se poser la question : face à une telle attitude de l’Etat et de tels risques, ne serait-il pas plus prudent de refuser de signer le document à la rentrée ? A minima, manière de gagner du temps pour rédiger quelque chose de sérieux. Au risque autrement que nous soyons perdants sur tous les tableaux : perdants sur les décisions prises sur la première année du mandat, perdants sur les Assises, perdant sur les contrats qui nous lieront pour l’avenir.

Merci Macron !

 

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