Sapins, cadeaux, dindes, bûches, décorations, musique… Ce que l’on connaît du jour de Noël aujourd’hui est bien différent des souvenirs de nos gramounes. Qu’ils aient les moyens ou non, Noël était plus « simple » que ce qu’attendent nos enfants chaque année.
Pour Evelyne, 92 ans, il y a l’avant et l’après guerre. « Je suis née en 1922. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiale, nous avions des Noël merveilleux, se souvient-elle. Mon père était fonctionnaire et nous manquions de rien ».
Si la famille d’Évelyne – qui habitait dans les hauts de la Saline – avait les moyens de fêter Noël comme il se doit, c’était davantage dans la simplicité qu’aujourd’hui. Les sapins n’existaient pas et les enfants mettaient leurs souliers au pied de la cheminée pour que le Père Noël y dépose des petits cadeaux. « Les filles avaient des petites poupées et les garçons des voitures. Papa nous ramenait aussi des gros sabots en chocolat ».
Pas de réveillon non plus. Sa famille partait à la messe de minuit, puis les enfants trouvaient leurs souliers remplis de cadeaux le matin de Noël, avant le repas familial. « Une dinde ou du poulet, la plupart du temps ».
Les cinq premiers enfants ont connu ces Noël-là. Sa sœur Clélie, 81 ans, quant à elle, est née en 1933. « Pendant la guerre La Réunion importait de la nourriture mais certainement pas de décorations ou de cadeaux pour les enfants, explique-t-elle. Nous avions deux ballots de letchis et quelques pétards. Plus tard nous avons eu des poupées en chiffon que les couturières de Saint-Denis nous fabriquaient ».
Elle faisait aussi des jouets à base de boîtes de conserve et de cirage. « On se satisfaisait de ce que l’on avait. Nous étions heureux. Nos parents assuraient notre bonheur avec ce qu’ils avaient », insiste-t-elle.
« Chaque année on espérait avoir un cadeau du père Noël, mais on ne retrouvait qu’un letchi ou un berlingo »
Pas le même sentiment pour Marie, 81 ans, originaire de Saint-Louis, qui garde un sentiment de tristesse nourri par des souvenirs qui la hantent. « Chaque année on espérait avoir un cadeau du père Noël, mais on ne retrouvait qu’un letchi ou un berlingo dans les chapeaux qu’on laissait pour lui ». Chaque réveillon le même rituel: décoration de chapeaux avant de se rendre à la messe de minuit. « On était toujours déçus », ajoute-t-elle.
Trop jeune pour comprendre que ses parents n’avaient pas les moyens, elle se souvient: « Nos voisins un peu plus aisés avaient au moins des petits sifflets ou moulins à musique. J’étais gentille toute l’année et le Père Noël ne m’apportait rien… » et surtout, les autres avaient leurs parents. « Notre père était agent forestier donc il vivait très souvent ailleurs sur l’île avec notre mère. Nous, les cinq premiers enfants, on ne les voyait pas beaucoup. Nos frères et sœurs qui sont nés plus tard ont eu la chance de vivre avec eux ».
Les enfants et leurs grand-parents se contentaient donc de peu à Noël mais se retrouvaient au moins autour d’une table pour déguster un « chapon » ou une dinde offerte par une tante qui les élevait.
Claude, son mari, 80 ans, vient aussi d’une famille pauvre. « Mais au moins nous avions des semblants de cadeaux dans nos souliers ou nos chapeaux, comme des petites voitures, affirme-t-il, on acceptait que c’était ainsi et que nos parents n’avaient pas les moyens ».
Pour Marie, « ça a beau être la fête maintenant, je suis toujours triste le jour de Noël », termine-t-elle. Un sentiment que n’auront jamais son fils et ses petits enfants: « Je me suis assurée qu’ils passent des Noël formidables ».