
Le Dr Edouard Kauffmann, président de l'Espace éthique de la Réunion, donne la mesure du constat. L'industrie pharmaceutique consacre environ 3 milliards d'euros chaque année (environ 12% de leur chiffre d'affaires) rien que pour la tenue de visites médicales, ces démarches commerciales des représentants des firmes auprès des médecins. La sollicitation de ces derniers est à son comble. Les médecins reçoivent en moyenne 330 visites par an (certes d'une courte durée : environ 8 minutes). Ces visites représentent pour une société pharmaceutique une dépense de pas moins 25.000 euros par généraliste.
80% des consultations finissent par une prescription
Le corollaire à cette sollicitation reste le point noir de l'assurance maladie, la quasi automaticité de la prescription. En France, 80% des consultations finissent par une prescription alors que ce taux est de 72% en Allemagne et de seulement 43% aux Pays-Bas.
Les objectifs commerciaux de l'industrie pharmaceutique sont montrés du doigt. Selon le Dr Vincent Dussol, membre de l'Espace éthique, "l'entretien du visiteur médical se résume plus à de la persuasion qu'à de l'information". Selon lui, le médecin "n'a pas vocation à relayer les produits exposés par l'industrie pharmaceutique".
La Haute autorité de santé (HAS) se rend également coupable, selon le comité, de négligence dans l'utilisation faite de sa certification par les visiteurs médicaux. En réalité, la certification des médicaments, source de confusion dans l'esprit des patients, devient un moyen de communication supplémentaire pour les laboratoires pharmaceutiques.
Face à la surabondance de sollicitations de la part de visiteurs médicaux dans les cabinets, le comité réunionnais réclame la réaffirmation de "l'autorité" de la bien nommée Haute autorité de santé en matière de délivrance de certifications de visites médicales. Concrètement, cette certification tant recherchée par les laboratoires serait devenu un véritable passe-droit : "Si le laboratoire a obtenu la certification, alors le médicament doit être bon" poursuit le Dr Kauffman qui paraphrase certaines des discussions qu'il peut avoir avec ses patients.
Les remèdes avancés par le comité éthique
Afin de contre-balancer le poids des visites médicales et donc de l'industrie pharmaceutique, l'espace éthique avance des hypothèses parmi lesquelles l'instauration d'une taxe sur la promotion des médicaments ou d'une taxe sur le volume de médicaments écoulés. Le Dr Edouard Kauffmann ajoute : "Il a toujours été reproché à certains médecins "leaders d'opinion" de prendre fait et cause pour des produits alors même qu'ils en tiraient des commissions ou des cadeaux. Difficile dans ces conditions de rester objectif dans sa prescription". L'IGAS (l'inspection générale des affaires sociales) propose en ce sens la mise en place d'un dispositif de déclaration systématique des déclarations d'intérêt et des gains financiers personnels qui y sont attachés.
Dans le même temps, le comité souhaite l'élaboration d'une vraie stratégie des institutionnels. La HAS, la CNAM (Caisse national d'assurance maladie) doivent davantage piloter cette politique d'information. Même si, rappelle le Dr Vincent Dussol, "les acteurs du public n'ont pas les moyens de déployer une telle force financière dans l'information des professionnels de santé et qu'ils doivent veiller avant tout à la bonne utilisation des fonds publics".
Enfin, sur un autre sujet, une réflexion s'immisce tout doucement dans les esprits des membres du comité éthique de la Réunion. Elle concerne la préparation d'un projet de loi levant, sous conditions, l'anonymat du don de sperme ou d'ovocyte par un tiers donneur. Attendu pour la fin de l'année, les dispositions du projet de loi, si elles sont confirmées, ne manqueront pas de faire réagir le comité.
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L'Espace éthique de la Réunion informe le public de la mise en place d'un DU "Ethique, Sciences" en 2011. En partenariat avec l'Université de la Réunion, ce diplôme universitaire est ouvert à l'inscription au personnel médical, para-médical mais aussi par toute personne intéressée sur la place de l'éthique dans la pratique médicale. Pour rappel, le DU est accessible au niveau bac (ou sans, avec validation des acquis). Pour tout renseignement, contacter le SUFP : 0262 483370
(1) L'Espace éthique de la Réunion est une prolongation régionale du Comité national d'éthique. Il favorise la réflexion des acteurs du secteur médical autour des questions liées à l'éthique. Il est composé d'une trentaine de membres (médecins, universitaires, religieux,…) qui peuvent être saisis (ou même s'auto-saisir) de toute question entourant la préparation d'une loi ou d'un fait d'actualité sur la santé dès lors qu'elle soulève des questions d'ordre moral, religieux et donc…éthique. Bien que consultatifs, les avis du comité éthique national sont plutôt suivis par le législateur.
80% des consultations finissent par une prescription
Le corollaire à cette sollicitation reste le point noir de l'assurance maladie, la quasi automaticité de la prescription. En France, 80% des consultations finissent par une prescription alors que ce taux est de 72% en Allemagne et de seulement 43% aux Pays-Bas.
Les objectifs commerciaux de l'industrie pharmaceutique sont montrés du doigt. Selon le Dr Vincent Dussol, membre de l'Espace éthique, "l'entretien du visiteur médical se résume plus à de la persuasion qu'à de l'information". Selon lui, le médecin "n'a pas vocation à relayer les produits exposés par l'industrie pharmaceutique".
La Haute autorité de santé (HAS) se rend également coupable, selon le comité, de négligence dans l'utilisation faite de sa certification par les visiteurs médicaux. En réalité, la certification des médicaments, source de confusion dans l'esprit des patients, devient un moyen de communication supplémentaire pour les laboratoires pharmaceutiques.
Face à la surabondance de sollicitations de la part de visiteurs médicaux dans les cabinets, le comité réunionnais réclame la réaffirmation de "l'autorité" de la bien nommée Haute autorité de santé en matière de délivrance de certifications de visites médicales. Concrètement, cette certification tant recherchée par les laboratoires serait devenu un véritable passe-droit : "Si le laboratoire a obtenu la certification, alors le médicament doit être bon" poursuit le Dr Kauffman qui paraphrase certaines des discussions qu'il peut avoir avec ses patients.
Les remèdes avancés par le comité éthique
Afin de contre-balancer le poids des visites médicales et donc de l'industrie pharmaceutique, l'espace éthique avance des hypothèses parmi lesquelles l'instauration d'une taxe sur la promotion des médicaments ou d'une taxe sur le volume de médicaments écoulés. Le Dr Edouard Kauffmann ajoute : "Il a toujours été reproché à certains médecins "leaders d'opinion" de prendre fait et cause pour des produits alors même qu'ils en tiraient des commissions ou des cadeaux. Difficile dans ces conditions de rester objectif dans sa prescription". L'IGAS (l'inspection générale des affaires sociales) propose en ce sens la mise en place d'un dispositif de déclaration systématique des déclarations d'intérêt et des gains financiers personnels qui y sont attachés.
Dans le même temps, le comité souhaite l'élaboration d'une vraie stratégie des institutionnels. La HAS, la CNAM (Caisse national d'assurance maladie) doivent davantage piloter cette politique d'information. Même si, rappelle le Dr Vincent Dussol, "les acteurs du public n'ont pas les moyens de déployer une telle force financière dans l'information des professionnels de santé et qu'ils doivent veiller avant tout à la bonne utilisation des fonds publics".
Enfin, sur un autre sujet, une réflexion s'immisce tout doucement dans les esprits des membres du comité éthique de la Réunion. Elle concerne la préparation d'un projet de loi levant, sous conditions, l'anonymat du don de sperme ou d'ovocyte par un tiers donneur. Attendu pour la fin de l'année, les dispositions du projet de loi, si elles sont confirmées, ne manqueront pas de faire réagir le comité.
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L'Espace éthique de la Réunion informe le public de la mise en place d'un DU "Ethique, Sciences" en 2011. En partenariat avec l'Université de la Réunion, ce diplôme universitaire est ouvert à l'inscription au personnel médical, para-médical mais aussi par toute personne intéressée sur la place de l'éthique dans la pratique médicale. Pour rappel, le DU est accessible au niveau bac (ou sans, avec validation des acquis). Pour tout renseignement, contacter le SUFP : 0262 483370
(1) L'Espace éthique de la Réunion est une prolongation régionale du Comité national d'éthique. Il favorise la réflexion des acteurs du secteur médical autour des questions liées à l'éthique. Il est composé d'une trentaine de membres (médecins, universitaires, religieux,…) qui peuvent être saisis (ou même s'auto-saisir) de toute question entourant la préparation d'une loi ou d'un fait d'actualité sur la santé dès lors qu'elle soulève des questions d'ordre moral, religieux et donc…éthique. Bien que consultatifs, les avis du comité éthique national sont plutôt suivis par le législateur.