“Le Bon Dieu l’a fini par regarde à moins”. Yves a quitté son taudis de Deux-Rives, à Sainte-Suzanne, sans salle de bain (“mi baignait avec l’arrosoir”), ni wc (“quand l’avait mauvais temps, mi utilisait le parapluie”). C’était au mois d’octobre de l’année dernière.
Yves a emménagé dans un F2. “Moin l’achète un salon pour 200 €, des copains l’a donne à moin une table et des chaises, et moin l’a acheté un frigidaire et une cuisinière avec une association caritative. Mi rembourse 15 à 30 euros par mois, c’est selon”.
Yves paye en moyenne 20 euros mensuels, pour l’eau et l’électricité. Ce qui fait qu’il a pour vivre entre 255 et 270 € tous les mois. “C’est pas beaucoup l’est vrai, mais quoi mi peut faire ?”
Yves fait alors des économies. D’abord sur la facture d’eau, “mi recueille de l’eau de pluie dans des récipients pour lave mon linge”. Il évite les grandes douches à la maison. “Deux à trois fois par semaine, mi remonte Deux-Rives, mi sa va prend grand bain la rivière”. Il profite aussi pour laver son linge sale, car parfois, la pluie n’est pas au rendez-vous.
Le sexagénaire en fait de même pour l’électricité. “Moin na un poteau de lumière devant ma case. Quand i fait noir, mi assise dans la cuisine, où sa l’est éclairé. Et mi mange là mèm”.
Yves allume l’ampoule de sa chambre pendant une demi-heure à une heure, chaque nuit avant de dormir. “C’est pour dire ma prière et parfois regarde mes papiers”. C’est tout. Il évite aussi de regarder la télé. “Na rien’k la couillonnisse”.
Yves économise également sur le gaz. “Quand moin na les grains pou fait cuire, mi fait cuire su feu de bois, bord la mer. C’est pareil pour un cari qui use le gaz”. Résultat, il n’a pas encore changé sa bouteille de butane “qu’il a gagné avec un copain” au mois d’octobre 2007.
Ses courses, c’est “quand c’est pas cher et mi achète seulement ce que moin la besoin. Un plaquette volaille, un morceau boucané, deux boîtes sardine…” Il a acheté sa dernière bouteille d’huile, il y a trois mois. “Mi fait attention à mon cholestérol”.
Yves craint aussi le diabète. “Na assez de sucre dans les fruits”, et ce même s’il n’a pas les moyens de manger cinq fruits ou légumes par jour. Il évite aussi de manger trop salé. “L’albumine i veille à nous”.
Et un fruit à pain ou “un bout manioc ou patate que mi gagne l’est meilleur pou la santé”. Et pour le porte-monnaie…
Le Sainte-Suzannois, gère aussi de manière serrée son budget transport. “Mi marche à pied”, c’est sa façon de protéger l’environnement, sauf pour aller à Saint-Denis, il fait du stop. Là aussi pour protéger son budget.
Si un jour entre Saint-Benoît et Saint-Denis, vous apercevez un bonhomme, type cafre, cheveux grisonnants, en short, polo ou t.shirt avec des savates deux doigts, et avec toujours son sac marron foncé sur l’épaule, en train de marcher ou faire du stop, arrêtez-vous si vous avez un moment.
Et savourez quelques instants de simplicité et d’humilité. C’est vivifiant !
Parole d’honneur !