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« Les Réunionnais ont aussi le droit de parler leurs langues »

Suite aux problèmes rencontrés au cours de la réunion du Conseil Académique des Langue Régionales, la FSU, la FCPE, l'UNAAPE et LANTANT ont décidé de s'adresser aux élus (députés, sénateurs, maires), aux collectivités,... pour les interpeller sur la faible reconnaissance du créole par l'académie de la Réunion et au-delà sur la place de la langue régionale à l'école. "Nous interpellerons le ministre de l'Éducation à l'occasion de sa venue la semaine prochaine", affichent d'emblée les syndicalistes.

Ecrit par Marie-Hélène Dor – le jeudi 15 août 2019 à 16H15

A l’attention de :

Messieurs Younous OMARJEE et Stéphane BIJOUX, Députés Européens,
Madame Ericka BAREIGTS, Députée de la 1ère circonscription,
Madame Huguette BELLO, Députée de la 2ème circonscription,
Madame Nathalie BASSIRE, Députée de la 3ème circonscription,
Monsieur David LORION, Député de la 4ème circonscription,
Monsieur Jean-Hugues RATENON, Député de la 5ème circonscription,
Madame Nadia RAMASSAMY, Députée de la 6ème circonscription,
Monsieur Jean-Luc POUDROUX, Député de la 7ème circonscription,
Madame Nassima DINDAR, Madame Viviane MALET, Sénatrices
Messieurs Jean-Louis LAGOURGUE, Michel DENNEMONT, Sénateurs
Monsieur Paul MOLAC, Président du groupe d’études Langues et Cultures Régionales à l’Assemblée Nationale,
Monsieur Didier ROBERT, Président de La Région Réunion,
Monsieur Cyril MELCHIOR, Président du Département de La Réunion,
Monsieur Stéphane FOUASSIN, Président de l’Association des Maires du Département de La Réunion,

Copie à :

Monsieur Roger RAMCHETTY, Président du CCEE de La Réunion
Monsieur Paul de SINETY, Délégué général de la DGLFLF
Monsieur Thierry DELOBEL, Président de la FLAREP

Pou nout liberté kozé. Les Réunionnais ont aussi le droit de parler leurs langues.

Mesdames, Messieurs,

Nous souhaitons vous interpeller au sujet de faits survenus lors du Conseil Académique des Langues Régionales du vendredi 05 juillet 2019. Des représentants d’enseignants et de parents d’élèves se sont vu refuser le droit de s’exprimer en langue créole lors de cette réunion de travail, situation déjà vécue par d’autres personnels et usagers au sein des administrations publiques de notre île. Au regard du respect des locuteurs réunionnais, ainsi que des orientations données par les textes de loi et les instances nationales, nous demandons un positionnement clair et des actions fortes de la part des élus réunionnais concernant la reconnaissance de l’usage de la langue maternelle qu’est le créole réunionnais et du français par les personnels dans l’exercice de leurs fonctions. Cela va de pair avec la prise en compte d’une réalité bilingue à assumer pleinement, à valoriser et à développer dans la société réunionnaise comme dans l’école.

Cette réalité doit donc se traduire par une réelle volonté académique de mettre en place un plan d’action pluriannuel auquel participe le Conseil Académique des Langues Régionales. En effet, « le conseil académique des langues régionales veille au statut et à la promotion des langues et cultures régionales dans l’académie, dans toute la diversité de leurs modes d’enseignement et s’attache à favoriser l’ensemble des activités correspondantes.

De plus, il participe à la réflexion sur la définition des orientations de la politique académique des langues régionales qui sont arrêtées après consultation des comités techniques paritaires départementaux, comités techniques paritaires académiques, conseils départementaux de l’éducation nationale et conseils académiques de l’éducation nationale (Extrait du bulletin officiel du ministère de l’Éducation Nationale et du ministère de la Recherche du 13 septembre 2001, précisant le rôle du conseil académique des langues régionales).

Pourtant, le déroulement du dernier conseil académique a montré que la prise en compte de la langue régionale et maternelle qu’est le créole réunionnais ne semble pas être une priorité pour les instances dirigeantes de notre académie. Nous en voulons pour simple exemple la non convocation de ce conseil deux fois par an comme le prévoit la loi (article D312-39 du Code de l’Education).

Au-delà de l’aspect juridique, nous pensons que la situation est grave. Et ce particulièrement dans un contexte de crise sociale et face à une population réunionnaise qui subit l’échec scolaire et le chômage de plein fouet depuis tant d’années, à cause notamment d’un sentiment de rabaissement de sa langue et de non reconnaissance de savoir-être et de savoir-faire endogènes.

Pour rappel, la situation à La Réunion ces derniers mois a réactivé une liberté d’expression, principalement en créole, de la part d’une grande partie de la population jusque-là invisible et nous a invités à réfléchir sur nos modes de vie. Sur la place publique, la voix du peuple réhabilite la langue qui porte aujourd’hui, au-delà des revendications et de malaises profonds, l’espoir d’une nouvelle considération et affirme une prise de conscience de nos êtres. Nous croyons que cette considération doit passer par toutes les portes, avec notamment une politique ambitieuse dans l’Éducation Nationale pour une meilleure transmission de notre patrimoine historique et culturel qui constitue, avec notre langue, le ciment de notre vivre ensemble.

Il apparaît donc aujourd’hui urgent de revoir les rapports de notre société, et a fortiori de l’école, à la langue et à la culture réunionnaises.

La question de la langue maternelle à l’école est centrale pour notre société dès lors que celle-ci est utilisée par la majorité des élèves. La langue créole est présente à plus de 80 % dans nos familles mais reste pourtant à la marge dans d’autres sphères sociales. Alors, lorsqu’une personne se voit interdit d’utiliser sa langue en présence d’une quelconque hiérarchie pour des raisons de non compréhension, nous pensons qu’il est urgent de considérer comme positive et nécessaire une compétence bilingue à La Réunion, notamment pour les personnels de santé, de l’éducation et des administrations publiques. Ils se doivent d’être en mesure d’assurer une communication respectueuse avec nos langues au regard de la diversité de notre société et du souci d’un fonctionnement harmonieux de cette dernière.

Comme ailleurs sur le territoire français, La Réunion affiche une double identité. Comme partout en France c’est une richesse reconnue, dans la mesure où toutes les identités régionales constituent le patrimoine de la France. Pourtant, le cas de notre région, tout comme celui des autres DROM, demeure singulier, car comme l’exprime La loi d’orientation et de programmation pour une refondation de l’École de la République de 2013, ou plus récemment le rapport du CESE sur les langues des Outre-Mer, notre « langue d’origine » est différente du français ce qui devrait entraîner d’autres mesures et considérations.

Nous vous alertons ici, ainsi que l’ensemble des Citoyens, sur l’urgence à donner toute sa place à une culture et à une langue réunionnaises porteuses d’espoir, de cohésion sociale, de compétences et de réussite scolaire. Un rapport plus équilibré des langues dans les dialogues en toutes situations suffirait à nourrir le principe d’intercompréhension avancé par la recherche, le respect des individus dans leurs choix de parole et la considération d’une égale reconnaissance dans notre société. Y faire advenir l’idée que le bilinguisme ne saurait être un problème mais nécessairement une chance nous semble un défi de notre époque.

Afin de concevoir, définir et mettre en œuvre une politique linguistique publique et concertée en faveur de la langue créole à La Réunion, nous demandons la création d’un Office Public de la Langue Réunionnaise, comme cela est déjà le cas pour le basque et le breton par exemple. En matière d’éducation, nous demandons une concertation élargie sur l’élaboration et la mise en œuvre du futur plan d’action pour le développement des langues et cultures régionales. La CALCR de La Réunion doit (re)trouver une vraie place pour assurer ses missions prévues par l’article D312-34 du Code de l’Education. Nous comptons fortement sur les réponses que vous nous apporterez ces prochains jours par tous biais et nous resterons attentifs à la suite que prendra cette situation.

Nous croyons profondément en l’école de la république, ainsi qu’aux principes fondamentaux de notre Constitution et de la Déclaration universelle des droits de l’homme.

Nous vous prions d’agréer, Mesdames et Messieurs, l’expression de notre haute considération.

FSU Réunion
Marie-Hélène DOR 

FCPE
Daniel AMOUNY 

UNAAPE
Jean-Odel OUMANA 

Lantant
Giovanni PRIANON

 

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