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Les Églises et le respect de la création

Chaque année, du 1er septembre  ‒ début de l’année liturgique orthodoxe ‒ au 4 octobre ‒ fête de Saint François d’Assise ‒ les  Églises et communautés chrétiennes de par le monde sont invitées à participer à un « Temps pour la création », un temps pour commémorer, à travers diverses initiatives, le don de la création et […]

Ecrit par Reynolds MICHEL – le dimanche 01 septembre 2019 à 15H21

Chaque année, du 1er septembre  ‒ début de l’année liturgique orthodoxe ‒ au 4 octobre ‒ fête de Saint François d’Assise ‒ les  Églises et communautés chrétiennes de par le monde sont invitées à participer à un « Temps pour la création », un temps pour commémorer, à travers diverses initiatives, le don de la création et notre relation avec elle. Un temps pour prendre conscience et sensibiliser l’opinion publique à l’urgence climatique et aux dangers de l’exploitation irresponsable de la planète, menaçant lourdement le bien-être de l’humanité.
 
Prendre le chemin de la conversion écologique
 
La célébration de ce temps a été initiée en 1989 par le patriarche orthodoxe Démétrios qui a fait du 1er septembre une Journée de prière pour la sauvegarde de la création. L’idée a été ensuite reprise par les responsables des Églises européennes ‒ catholique, orthodoxe et protestante ‒ réunis, en terre orthodoxe, à Sibiu en Romanie en 2007 : « Nous recommandons que la période du 1er septembre au 4 octobre soit consacrée à la prière pour la protection de la création et la promotion des styles de vie durables qui inversent notre rapport aux changements climatiques ».
 
En 2015, le Pape François ‒ qui sera dans notre région indianocéanique du 4 au 10 septembre ‒ encourage, dans la ligne de sa lettre encyclique Laudato Si (Loué sois-tu), les catholiques à entamer ce Temps pour la création par une Journée mondiale de prière pour la sauvegarde de la planète. En 2018, les représentants de la plupart des Églises appellent les chrétien.ne.s du monde entier à célébrer le Temps pour la création, nommé désormais « Saison de la création ». Un label « Eglise verte » a même été lancé pour aider les communautés chrétiennes qui souhaitent prendre le chemin de la conversion écologique. Une prise de conscience écologique qui, comme on peut le constater, va de pair avec la volonté de rapprocher les diverse Églises (unité des chrétiens), avec le développement du mouvement œcuménique, pour être plus précis.
 
Mais d’où vient cette préoccupation des Églises pour le souci de la Terre? Est-t-elle récente? Par quelle voie ce souci écologique de la planète est-il intégré à la théologie chrétienne?  Enfin, cette préoccupation n’entre-t-elle pas en contradiction avec les premiers versets fondateurs de la Bible qui placent l’humain au cœur de la création et en « maître » de celle-ci :
 
« Soyez féconds, multipliez, emplissez la terre et soumettez-là ; dominez sur les poissons de la mer, les oiseaux du ciel et tous les animaux qui rampent sur la terre »?  (Gn1, 28)

La sauvegarde de la création et le souci de la justice

Au cœur de la pensée chrétienne, il y a la référence à la Création. C’est même le premier article de la règle de foi chrétienne: « Je crois en Dieu, le Père tout puissant, créateur du ciel et de la terre. Le Dieu chrétien est le Dieu de l’univers, celui qui a fait le ciel et la terre » (Genèse 14, 19 ; Exode 20, 11). Le premier chapitre de la Genèse – le premier livre de la Bible – est un hymne à la création du monde, création que couronne celle de l’humain. Et c’est à celui-ci qu’est confié l’ensemble de l’œuvre de Dieu, pour en prendre soin et la gérer. « Le Seigneur Dieu prit l’homme et le conduisit dans le jardin d’Éden pour qu’il le travaille et le garde » (Genèse 2,15). L’humain est donc placé au sein de la création, non pour la « dominer », mais pour en prendre soin, pour une gérance responsable. Les traditions juives et musulmanes partagent cette conviction. C’est sur cette compréhension que repose la préoccupation des Églises pour le respect et la sauvegarde de la création.

C’est dans les années 1970 que l’appel à la sauvegarde de la création a trouvé vraiment sa place dans la doctrine sociale de l’Eglise catholique et dans les travaux du Conseil Œcuménique des Églises (COE). Si on regarde de près les textes du magistère des papes, par exemple, on s’aperçoit que cette intégration s’est faite selon deux « voies »: celle de la spiritualité, dans la ligne de saint François d’Assise (1182-1226) et, celle de l’économie en lien avec l’aspiration à une justice globale et « l’option préférentielle pour les pauvres ». La première, la plus traditionnelle également, fait de la nature ‒ dans le lexique catholique on préfère parler de « création » plutôt que de nature ‒ une œuvre de Dieu. « Les cieux racontent la gloire de Dieu et l’œuvre de ses mains le firmament l’annonce », lit-on dans le Psaume 19.

Dans les Psaumes, livre de la Bible destiné à la louange de Dieu, toutes les créatures ‒ le soleil, la lune, les étoiles, les monstres marins, les montagnes, tout le bétail, l’oiseau qui vole…‒ sont convoquées à cette louange. « Bénissez le Seigneur pour toutes ses œuvres » (Ecclésiastique, 39, 15-16). « C’est l’auteur même de la beauté qui les a crées », lit-on encore dans la Bible (Sagesse 13, 3-5). Cette œuvre de Dieu, célébrée par le psalmiste, par François d’Assise dans son Cantique des créatures et d’autres grands mystiques, n’a pas été créée pour être détruite, mais pour être habitée, respectée et sauvegardée. La seconde voie, celle dite  pragmatique ou économique est la plus récente. Elle est ancrée dans un engagement pour la justice. Car la justice est au cœur du message biblique. D’où la nécessité d’articuler création et libération, le cri de la terre et le cri des pauvres. Le cri des pauvres résonne aujourd’hui dans le cri de la Terre, souligne le théologien brésilien de la libération, Leonardo Boff.

La quête d’une « société juste et viable, fondée sur la participation » a toujours été un des grands thèmes du Conseil Œcuménique des Eglises (COE) créé en 1948. À Porto Alegre au Portugal en 2006, le COE a lancé un programme axé sur l’éradication de la pauvreté, la contestation de l’accumulation des richesses et la préservation de l’intégrité écologique, avec pour concept fondamental l’idée selon laquelle pauvreté, richesse et écologie sont intégralement liées. Bref, pour le COE, la sauvegarde de la création implique un aspect social ‒ protéger les pauvres et les victimes ‒ et un aspect écologique ‒ prendre soin de la terre. Pour l’Eglise catholique « tout se tient », « tout est lié ». La question environnementale associe celle du respect de la vie à la sauvegarde de la création en passant par la défense des pauvres et des opprimés.

Chacun est invité à s’engager

« Les biens de ce monde ont été créés pour tous. Personne n’a le droit de se les réserver exclusivement », disait déjà Paul VI en 1966.  Dans Caritas in veritate (2009), Benoît XVI parle d’un devoir de « laisser la terre aux nouvelles générations dans un état tel qu’elles puissent elles aussi l’habiter décemment et continuer à la cultiver » (, 50). Pour le pape François, que les catholiques de notre région auront plus particulièrement la joie d’accueillir très prochainement, la protection de la création n’est « pas facultative ni un aspect secondaire dans l’expérience chrétienne ». On ne pourra, écrit-il dans Laudato Si ‒ en s’adressant à « chaque personne qui habite la planète » ‒ sauver notre « maison commune » sans « les talents et l’implication de tous […] chacun selon sa culture, son expérience, ses initiatives et ses capacités ».

La prise de conscience des Églises de la dégradation de notre environnement et de la nécessité d’un changement presque radical dans le comportement de l’humanité, si elle veut assurer sa survie, est de plus en plus vive. Elles pressent les chrétiens et chacun d’entre nous à faire des choix courageux avant qu’il ne soit trop tard. La place de l’homme au sein de la création se caractérise par sa responsabilité vis-à-vis de la nature, inséparable « de la fraternité et de la justice ainsi que de la fidélité aux autres » ( le Pape François dans Laudato Si)

 

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