Gilles Le Gendre, le chef de file des députés LREM, avait déclaré il y a quelques jours que « le débat était essentiel, mais que le vote n’apporterait rien de plus, en raison des règles sanitaires et des effectifs très réduits à l’Assemblée » au sujet du vote sur le tracking. Face aux vives réactions de l’opposition dénonçant une « dérive antidémocratique », le gouvernement à, une nouvelle fois, changé son fusil d’épaule. À présent, les députés sont appelés à voter ce mardi 28 avril, mais sans débat.
À l’origine, l’ordre du jour de l’Assemblée de demain ne devait porter que sur la question du tracking avec l’application « Stop Covid ». Mais samedi dernier, dans la soirée, le gouvernement a annoncé que le parlement devra s’exprimer sur le plan de déconfinement qui lui sera présenté quelques minutes avant, dont le tracking fera partie. Une décision pour « respecter le contrôle du Parlement », a estimé Édouard Philippe. Une vision pas vraiment partagée, même à l’intérieur de son propre camp.
À commencer par Aurélien Taché, qui incarne l’aile gauche du parti présidentiel. En prenant des gants, le député du Val-d’Oise a tout de même critiqué ce vote unique qui ne représente pas un « niveau démocratie parlementaire suffisant ».
Un vote unique sur le plan déconfinement (et donc sans possibilité de se prononcer sur le traçage numérique en tant que tel) et avec un nombre aussi réduit de députés, ne correspond pas, au regard des enjeux, à un niveau de démocratie parlementaire suffisant. #StopCovid #DirectAN
— Aurélien Taché (@Aurelientache) [April 25, 2020]url:https://twitter.com/Aurelientache/status/1254147681439617025?ref_src=twsrc%5Etfw
Matthieu Orphelin, qui a quitté LREM il ya un an, va même encore plus loin. Le député du Maine-et-Loire dénonce un manque de respect du travail parlementaire et des pratiques démocratiquement douteuses.
Thème du débat et du vote changés moins de 3 jours avant qu’ils n’aient lieu. Une fois de plus, une fois de trop, le Parlement n’est pas respecté par l’exécutif. C’est triste pour notre démocratie. Le renouvellement des pratiques en politique, ce n’est pas ça #StopCovid #directAN
— Matthieu ORPHELIN (@M_Orphelin) [April 25, 2020]url:https://twitter.com/M_Orphelin/status/1254145458957672452?ref_src=twsrc%5Etfw
Un certain nombre de députés LREM, menés par Martine Wonner, ont directement fait part au président de l’Assemblée Nationale de cette méthode « troublante » de concomitance des deux débats. La députée du Bas-Rhin ne comprend pas comment une question aussi fondamentale et aux enjeux à long terme peut être traitée aussi rapidement.
? «Nous regrettons que notre Assemblée ne soit réduite qu’à un avis consultatif.»Avec des collègues députés j'ai adressé ce jour un courrier à @RichardFerrand au sujet du changement des règles du débat #tracing et plan #déconfinement. La #démocratie a plus que jamais sa place ! pic.twitter.com/IWItNm5yTu
— Martine WONNER (@MartineWonner) April 26, 2020
L’opposition classique s’en donne à coeur joie
Des critiques envers le gouvernement qui ne rassure pas Jean-Luc Mélenchon. Le leader de la France Insoumise dénonce les députés « godillots » qui adopteront le texte sans rien y apporter.
Le "débat" sur le plan de déconfinement est annoncé samedi soir, avancé d'une semaine. Il sera détaillé 24 h avant le vote en bloc. Les robots LREM voteront comme des automates. Telle est la monarchie macroniste. Non ce n'est plus la démocratie parlementaire. #Covid_19
— Jean-Luc Mélenchon (@JLMelenchon) April 25, 2020
Jean-Luc Mélenchon qui regrette qu’aucun temps de réflexion et d’examen critique ne soit accordé aux parlementaires. « Ça a l’air d’être de la démocratie, c’est seulement de la brutalité », ajoute-t-il. Un avis partagé par Olivier Faure, premier secrétaire du PS.
L’ordre du jour AN est bouleversé in extremis. Ce sera un vote unique sur le déconfinement, tracking inclus. Silence exigé dans les rangs #LREM! Et le plan sera connu mardi matin pour un vote dans la foulée. Ainsi va la démocratie au temps du Macronisme ! #COVID2019 https://t.co/U8blsKRHd6
— Olivier Faure (@faureolivier) April 25, 2020
À droite non plus la pilule ne passe pas. Eric Woerth, président de la commission des Finances, et le patron des députés LR Damien Abad, exigent « un temps de réflexion » aux parlementaires. « C’est un sujet extrêmement grave, extrêmement sérieux. Il faut peut-être laisser 24 ou 48 heures aux parlementaires pour avoir un temps de réflexion et émettre un vote solide », estime Eric Woerth.
Une manœuvre politique assez étonnante de la part du gouvernement qui avait pourtant navigué seul depuis le début de la crise. Le calcul politique semble indéniable tout en restant flou sur les motivations. Impossible pour l’heure de savoir si l’objectif est de maintenir tous les députés En Marche dans les rangs par un vote global, ou tout simplement pour entraîner les autres partis politiques en cas de chute. Début de réponse mardi.