La gestion de l’Aurar est passée au crible de la Chambre régionale des comptes. L’association pour l’utilisation du rein artificiel à La Réunion est une association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901. Et c’est bien ce caractère associatif – alors que le salaire de ses dirigeants est plus que confortable et que de nombreuses filiales ont été créées dans un champ éloigné de celui de la santé – qu’a voulu vérifier la Chambre régionale des comptes. Tour d’horizon des points relevés par la CRC de La Réunion :
Un manque de clarté sur le nuage de sociétés créées par l’Aurar
L’Aurar détient des actions et parts sociales des filiales qu’elle contrôle dans son intégralité, se plaçant par analogie dans le cadre des dispositions du code de commerce relatif à la société holding. (…) L’actuel éclatement des comptes entre plusieurs entités ne contribue pas à refléter précisément la réalité des activités.
Elle détient la majorité des droits de vote de ses filiales, désigne la majorité des membres des organes d’administration et exerce une influence dominante sur celles-ci. Ses comptes ne reflètent pas précisément la réalité des activités. Le regroupement de manière combinée ou consolidée permettrait d’obtenir des informations complètes des états financiers.
L’amélioration de la qualité des comptes permettrait à l’assemblée générale, au conseil de surveillance et au directoire de disposer d’une image fidèle de l’actif et du passif, d’élaborer une cartographie des risques et de mesurer la capacité de remboursement de l’association. L’installation d’un comité d’audit à l’instar des groupes de sociétés pourrait constituer un moyen de répondre à ces objectifs.
Un redressement fiscal en 2017
Le caractère marchand des activités de l’association était connu depuis 2009 de l’administration fiscale, de l’expert-comptable et du commissaire aux comptes. L’association dégage des bénéfices chaque année, 2,2 millions d’euros en 2015, 3,7 M€ en 2016, à l’exception de 2017, en raison d’une provision pour charges liées à un redressement fiscal de plus de 7 million d’euros. Ce modèle associatif intervenant dans un secteur d’activité rémunérateur, complété d’extensions d’activités à caractère marchand, a permis à l’Aurar de se constituer un patrimoine conséquent au fil des ans. Le patrimoine net de l’association au 31 décembre 2017 est de 26,6 millions d’euros.
Le statut de « l’association » doit évoluer
Pour qu’une association soit considérée comme non lucrative sur le plan fiscal, elle doit remplir les trois critères suivants : sa gestion doit être désintéressée ; si elle se livre à une activité concurrentielle, elle doit exercer cette activité dans des conditions différentes de celles des entreprises commerciales et elle ne doit pas avoir pour activité de rendre des services à des entreprises qui en retirent un avantage concurrentiel. Par conséquent, une association à but non lucratif est soumise aux impôts commerciaux (impôt sur les sociétés, taxe d’apprentissage, contribution économique territoriale) si sa gestion est intéressée, quelles que soient les conditions de son activité au regard de la concurrence commerciale ; tel est le cas de l’Aurar.
(…) Au vu de l’activité de l’association qui relève principalement du champ concurrentiel, une réflexion sur l’évolution de ses statuts apparaît nécessaire.
Communication publicitaire : L’Aurar est à la limite
L’Aurar développe une politique de communication à laquelle elle a affecté un budget annuel moyen de 0,22 million d’euros au cours de la période 2015-2017. Elle a signé un contrat de prestation avec une société de conseil en stratégie dont l’objet est l’accompagnement de l’image de l’association et de ses relations avec la presse. L’association développe une promotion de la politique de santé au travers de son « magazine AURAR », de sites internet et d’articles de presse ou encore de colloques sur la néphrologie qu’elle organise en prenant en charge les frais des participants. La chambre relève que le risque de glissement vers des procédés publicitaires, prohibés par le code de la santé publique, n’est pas nul.
Le risque que l’Aurar se contente de la dialyse
Le modèle d’opérateurs « mono-activité » centrés sur la prise en charge de l’insuffisance rénale chronique soulève des controverses. Une structure mono-activité pourrait orienter et maintenir les patients sur des prises en charge en dialyse les plus lourdes, présentant ainsi des facturations élevées et à forte valeur ajoutée.
Qui pour contrôler l’Aurar ? La CGSS n’a pas la main…
Les néphrologues doivent réaliser au minimum une consultation par trimestre et une visite par mois au moment des séances pour chaque patient. Une visite médicale cotée une fois par semaine n’est pas contraire aux recommandations médicales. Cette fréquence est fonction de l’appréciation du médecin au regard des besoins du patient. Les besoins des patients relèvent donc d’une appréciation médicale ; il n’existe pour les médecins ni obligation de traçabilité de l’appréciation du nombre de visites à réaliser ni obligation de formaliser de comptes rendus de consultations. Cette situation génère un risque de facturation d’actes non réalisés, l’intervention réelle des néphrologues étant difficilement contrôlable. (…) Si le contrôle organique de l’Aurar ne relève pas de la compétence de l’assurance maladie, en revanche l’absence de contrôle des remboursements des soins jusqu’à une date récente constitue, selon la chambre, une fragilité dans un contexte de réduction du déficit de la sécurité sociale. La CGSS n’a pas précisé si elle envisage d’engager une réflexion sur les remboursements des soins.
… l’ARS privilégie le contrôle des établissements en difficultés, ce qui n’est pas le cas de l’Aurar
Bien que l’ARS effectue le contrôle des crédits du fonds d’intervention régional (FIR), elle porte une attention moindre sur l’association en raison des ressources dont celle-ci dispose, sa capacité d’accompagnement des associations comme l’AURAR se déployant prioritairement vis-à-vis des établissements en difficulté financière.
Un appartement à Paris et des justifications peu fournies
Entre 2014 et 2018, l’association a pris en charge la location d’un appartement au nom de sa directrice, à Paris, pour un loyer mensuel de 1950 € charges comprises. Cette dernière indique que l’appartement remplit une fonction d’accueil de ses collaborateurs lorsqu’ils sont en mission à Paris. Un avenant au bail a remplacé le nom de la directrice par celui de l’Aurar en février 2018. Selon l’Aurar, le coût de cette location ne représente pas une charge supplémentaire au regard de son utilité pour l’hébergement des collaborateurs, dont le coût moyen journalier à Paris s’élèverait à 217 € en 2015. L’association précise que les collaborateurs ont bénéficié de l’appartement 96 jours en moyenne durant les trois dernières années. Le montant annuel des frais de mission serait d’environ 25266 €, à rapprocher du loyer annuel qui est de 23400 €. Par conséquent, selon l’association, l’usage du logement à titre d’hébergement des collaborateurs aurait permis une économie de 1866 €, sans que cette démonstration ne soit accompagnée de pièces justificatives.
Des salaires supérieurs au plafond légal
Les articles du code de la sécurité sociale n’ont pas été respectés. Quatre dirigeants de l’AURAR ont perçu des rémunérations supérieures au plafond légal en 2016 et trois en 2017. Avec la fiscalisation de l’association, ces dispositions réglementaires n’auraient plus à s’appliquer, selon l’AURAR ; la rémunération de ses dirigeants n’est désormais plus soumise à un plafond. Elle devrait cependant être en cohérence avec les statuts de l’association.