Alors que le déplacement du premier ministre à Berlin pour aller assister à la finale de la coupe d’Europe de football avait soulevé un tollé, une information révélée par BFMTV nous apprend que deux de ses enfants l’accompagnaient dans son voyage express en Falcon de la République.
Ses thuriféraires soutiennent que les dépenses liées à ce vol n’ont pas engagé de frais additionnels puisque « la présence des enfants dans l’avion n’ajoutait strictement rien au coût de l’affrètement ».
On est confondu par l’effronterie de cet argument, digne de la rhétorique des petits voyous de quartier, grands illusionnistes des coûts marginaux…
L’inventaire de la resquille est, comme l’univers, en perpétuelle expansion.
L’aristocrate de la morale Manuel Valls va donc rejoindre le prolétariat du carottage où l’on côtoie
– le passager clandestin de bus ou de train qui considère que ni le salaire du chauffeur ni le carburant ne s’en sont trouvés augmentés ;
– le fraudeur de péage à la sortie de l’autoroute, qui estime que la circulation de son véhicule n’a pas augmenté les charges d’entretien des voies par le concessionnaire ;
– le spectateur sans ticket qui se dédouane de sa gratte en assurant que sa présence n’a pas augmenté le coût du spectacle puisque l’organisateur aurait du, de toutes façons, faire face aux mêmes frais ;
– le squatter d’un logement inoccupé qui prétend même rendre service au passage aux proprios négligents en aérant la maison.
Dans cette affaire le peuple est bafoué au moins trois fois :
1- Il doit faire son deuil de l’Etat exemplaire qu’on nous avait promis ;
2- Il assiste impuissant au détournement à des fins privées de moyens publics ;
3- Il doit entendre le premier ministre nous dire que la morale du peuple n’est pas celle des gouvernants et que quand on est au pouvoir on a le droit de ne pas être choqué par des comportements choquants.
La morale s’accommode mal de l’arithmétique et lui préfère quelques principes de « bon sens« . M Valls disposera de 10h d’avion pour déjouer les complots de sa conscience. Il pourrait utilement s’aider de la réflexion du philosophe Jankélévitch qui fréquentait, paraît il, sa famille et qui nous a laissé un traité majeur où est mis à l’épreuve le « paradoxe de la morale » qui, toutes les contradictions du sujet ayant été considérées, se réduit à mettre un minimum d’égo dans le maximum de service public.
Si la tâche est au dessus de ses moyens, libre à lui de se démettre. Ce ne sont pas les prétendants qui manquent. Et Jules Renard, plus amusant sans doute que le grand philosophe, avec son célèbre écornifleur, pourrait pour sa retraite, l’initier à d’autres mauvaises manières.
Pierre Balcon