Un cirque de carte postale né de l’effondrement partiel de sa mère, le Piton des Neiges et sœur de Mafate et de Cilaos.
Pourtant comme dans une fratrie, ce village a un caractère unique, grâce auquel les cirques et remparts de l’île ont pu être classés au patrimoine naturel mondial de l’UNESCO en 2010. On peut être fiers, nous Réunionnais, d’avoir un tel site remarquable et d’une beauté unique au monde.
Des cascades uniques
Le cirque de Salazie offre en effet plusieurs particularités exceptionnelles, dont celles de ses cascades. On trouve d’autres cascades à faible densité dans les deux autres cirques de la Réunion mais ces dernières disparaissent, en général, une fois les fortes pluies passées.
Notre éminent géographe réunionnais et ancien professeur de géographie à l’université de la Réunion, René Robert, explique parfaitement dans le tome 2 de son livre « Regards sur le patrimoine naturel de l’ile de la Réunion », que les cascades de Salazie ont une double originalité : elles apparaissent au sein même des remparts, et non à ses sommets et leurs sources sont nettement alignées. Nous n’avons pas affaire à des torrents provenant de Bélouve qui se jetteraient dans le cirque de Salazie, mais à des eaux qui sortent de la structure même de la coupole originelle.
Le mystère du Voile de la Mariée
Les cascades sont alimentées par une partie des pluies qui tombent sur le plateau de Bélouve puis, à la fin d’un parcours souterrain au cœur des structures imperméables « cimentées » laissées par les nuées ardentes originelles, les eaux réapparaissent à l’air libre sous forme de sources. A partir de là, elles empruntent un nouveau trajet vertical pour alimenter le Bras des Demoiselles et la Rivière du Mât à une centaine de mètres en amont de la vertigineuse cascade du Voile de la Mariée. Ce sont ces réserves d’eaux qui maintiennent le débit de la plus belle et plus connue des cascades de l’île. De mémoire d’homme elle ne s’est jamais tarie et cela reste pour les plus grands scientifiques du monde entier une véritable énigme !
Le drame de la Mare à Poule d’Eau
Ces ornements du rempart du cirque sont donc une curiosité naturelle par elles-mêmes. Pourtant face à tant de beauté, en poursuivant notre route, nous ne pouvons nous empêcher d’être troublé par des traces sur la route en montant vers Hell-Bourg par exemple. Des fissures sont régulièrement goudronnées, cicatrices des glissements de terrain qui font partie de la vie naturelle de Salazie. La roche se gonfle à chaque pluie torrentielle et glisse le long de la pente jusqu’à trouver un terrain ‘contraint’ qui arrête sa progression.
C’est ainsi que la Mare à Poule d’eau a débordé lors du dernier passage du cyclone Hyacinthe le 28 janvier 1980, entrainant sous des rivières de boues maisons et champs. Les vieux Salaziens gardent encore en mémoire la tragédie de la famille Nourry qui avait été ensevelie en 1980. Il ne reste plus rien aujourd’hui des maisons emportées, plus aucun témoignage de ces vies humaines brutalement interrompues, dont la plupart étaient des enfants.
Un cirque où un nouveau drame peut survenir à chaque nouvelle pluie torrentielle
Aucun site du cirque ne semble malheureusement épargné comme l’a montré dans le passé la disparition de l’ancien terrain de tennis de Hell-Bourg, en amont de l’Hôtel des Salazes. Pourtant tous les Salaziens pensaient avoir du roc sous leurs pieds. Il n’en était malheureusement rien et ils étaient impuissants face à l’évolution de la Nature.
Oui notre cirque de Salazie est remarquable mais comme tout un chacun, il a une vie, continue à évoluer chaque jour, avec ses richesses et ses faiblesses qui peuvent être dramatiques.
Alors restons humbles devant tant de majesté, remplissons nos regards de cette splendeur, de la noblesse de ces montagnes, préservons cette fragilité et espérons qu’un jour, peut-être, le principe de précaution soit suffisamment respecté et assumé par nos décideurs et scientifiques, dans la mesure de leurs connaissances, pour que nous puissions jouir sans frémir…
« …Alors le panorama de Bélouve devant chacun, s’étale.
C’est celui de Salazie, l’unique grand cirque oriental !
Il mérite bien du tourisme un long détour, c’est certain,
Surtout quand le beau temps est radieux dès le matin.
Pour celui qui sait c’est le plaisir de relire le paysage,
Voire de gentiment l’expliquer à tout son entourage.
N’ayant pas découvert toutes les beautés de la planète
Il est malaisé de mesurer, même si on est un esthète,
Ce que ce cirque unique éveille comme sublime écho ».
Poème de René Robert