Les avocats de Saint-Pierre perdent une de leurs plus éminentes collègues, Anne Lacomblez, décédée mardi, à l’âge de 53 ans, des suites d’une irrépressible affection.
On la savait malade ; elle ne s’en cachait pas ; mais la brutalité de l’événement a surpris tout le monde. Voici quinze jours encore, on la voyait au Palais de Justice, souriante malgré la douleur, avenante, un mot aimable pour chacun, dans son fauteuil roulant, accompagnée par son époux attentionné.
S’il est convenu de dire que le métier d’avocat n’est pas fait pour les gens cultivant la banalité, Anne Lacomblez en aura été une des plus lumineuses illustrations.
Cette avocate de grand talent n’a pas vu de fée penchée sur son berceau, il s’en faut de beaucoup. « Enfant placée » par les services sociaux, elle se retrouve émancipée à l’âge de 16 ans et, malgré l’adversité, bataille ferme pour survivre et poursuivre ses études.
Loin de se laisser aigrir par cette infortune native, elle y puise au contraire une force insoupçonnée, une conviction qui l’inciteront très tôt à se porter au chevet des plus démunis. Elle se glisse dans sa robe d’avocat comme dans une seconde peau et, en parallèle à son métier où elle est vite l’égale des meilleurs, cette petite mais forte femme prend fait et cause pour les démunis, les sans-papiers, les immigrés, les plus mal lotis.
Que l’on soit d’accord ou pas avec ses prises de position n’est rien contre une évidence : sa conviction. Une conviction qu’elle mettait au service de tous ceux ayant besoin d’elle. Anne Lacomblez est, avec ses confrères éplorés, de ces gens de robe qui font la renommée (justifiée) du barreau de Saint-Pierre :
Aucun client n’est au-dessus d’un autre.
« Me Anne » mettait autant d’acharnement à se charger d’une commission d’office (payée des clopinettes) qu’à défendre un client fortuné.
Une minute de silence a été observée ce matin au Palais de Justice de Saint-Pierre, avant la séance correctionnelle dont Me Lacomblez était une habituée. Les juges, le Parquet, nombre d’avocats et le personnel administratif avec lequel elle entretenait les rapports les plus cordiaux. Les commentaires pêchés ici et là disent assez sa cote d’amour.
Je résume : « Caractère à pic… Caractère de cochon… Quelle avocate !… Elle engueule le Proc et son client est relaxé !… Je crois qu’elle aimait tout le monde… Elle la sorti de rien mais la pas oublié rien non plus… »
Le procureur Zukowicz commit un éloge empreint d’émotion et de dignité, soulignant « le courage d’une femme qui a lutté jusqu’au bout contre sa longue et terrible maladie… sa simplicité… les relations de totale confiance avec ceux qu’elle défendait… sa véhémence à défendre le justiciable le plus démuni comme elle le faisait pour les plus fortunés… »
On le sait, il est de convention que de tels mots soient prononcés en une telle occasion. Je peux vous assurer d’une chose, c’est que le ton de monsieur le Procureur n’avait rien de conventionnel. Une voix ne tremble pas pour rien !
Alors, que l’exemple donné par Anne ne reste pas lettre morte, bon D… (si toutefois il existe, je veux dire).
A son compagnon, à sa famille, Zinfos 974 présente ses plus sincères condoléances et sa plus vive sympathie.