C’est aujourd’hui que se décidait le sort du Journal de l’Ile.
Une importante réunion avait lieu devant le juge du tribunal de commerce et tout le monde attendait [la fameuse proposition de rachat du Quotidien]urlblank:https://www.zinfos974.com/Pierrot-Dupuy-Le-JIR-rachete-par-Le-Quotidien_a141659.html .
Or surprise, les représentants du Quotidien ont annoncé qu’ils n’avaient pas réussi à réunir la somme nécessaire au rachat.
Stupeur de la part aussi bien d’Abdoul Cadjee qui y avait cru jusqu’au bout, que des représentants des créanciers du JIR.
La porte n’est cependant pas complètement fermée puisque les représentants du Quotidien ont demandé un délai supplémentaire pour faire éventuellement une offre. A les écouter, un nouvel investisseur pourrait peut-être les rejoindre.
Qu’est ce qui a fait capoter le rachat ?
Que s’est-il donc passé pour expliquer que l’affaire n’ait pas abouti, alors que les deux parties, Carole Chane-Ki-Chune et Abdoul Cadjee avaient trouvé un accord il y a de cela une dizaine de jours, comme nous l’avions évoqué.
Plusieurs explications sont possibles.
1ère hypothèse : Le Quotidien n’a vraiment pas les sous
Il est d’abord envisageable que Le Quotidien n’ait pas les sous. Il faut rappeler que le journal du Chaudron perd depuis plusieurs années plus de 3 millions par an.
Cette hypothèse n’est cependant à mon avis pas crédible.
La famille Chane-Ki-Chune gagne beaucoup plus que 3 millions par an au travers de ses revenus immobiliers et des bénéfices tirés des autres sociétés du groupe. Elle avait amplement les moyens, à elle seule, de racheter le JIR si elle en avait envie. Sans même l’arrivée d’un nouvel investisseur.
Hypothèse à écarter donc.
2ème hypothèse : On ne fait pas un canard valide avec deux canards boiteux
On peut aussi imaginer que la raison lui soit soudainement revenue et qu’elle se soit aperçue qu’on ne faisait pas un canard valide de deux canards boiteux.
Le JIR est lui aussi en déficit et la reprise du journal aurait été tout sauf une affaire simple.
Il est probable que de nombreux journalistes du JIR seraient partis en cas de rachat, en faisant jouer la clause de cession qui leur octroie un mois de salaire par année d’ancienneté. Vu l’ancienneté de la plupart des journalistes, c’est une affaire qui allait coûter au Quotidien plusieurs centaines de milliers d’euros au bas mot.
Sans compter sur une potentielle grève, sur les difficultés à faire travailler ensemble deux rédactions qui se faisaient jusqu’ici la guerre et sur le mal qu’il y aurait eu à gérer un plan social au Quotidien, pour faire de la place aux quelques journalistes du JIR qui auraient été intégrés.
Avec des gains potentiels liés à la mutualisation de certains moyens (impression, services commerciaux, distribution) qui existent certes sur le papier, mais qui n’ont rien d’évident à mettre en place concrètement.
D’autant que l’on voit mal comment la direction du Quotidien allait pouvoir gérer une telle opération alors même qu’elle n’a pas réussi jusqu’ici à redresser son propre journal et à arrêter l’hémorragie financière.
Malgré tout, je ne crois pas non plus à cette hypothèse.
La famille Chane-Ki-Chune tenait vraiment à racheter son concurrent. Par fierté personnelle bien sûr, mais aussi et surtout parce que le but à terme était bel et bien de fermer le JIR et de ne garder que Clicanoo. Le Quotidien essaie depuis des années de créer son propre site et n’y arrive pas. C’était l’occasion de mettre la main sur un site déjà opérationnel, d’autant que le prix d’achat du JIR, quelques centaines de milliers d’euros selon nos informations, était très attractif.
3ème hypothèse : Un plan machiavélique mis au point dès le départ
Alors, on en revient à notre question initiale, qu’est-ce qui a fait que ça a capoté?
Restent deux hypothèses. Certes un peu tordues, mais le monde des affaires est souvent tordu.
Quel intérêt pouvait avoir la famille Chane-Ki-Chune à payer quelques centaines de milliers d’euros pour acheter le JIR, alors qu’il suffisait d’attendre qu’il meure de sa belle mort? Le journal est toujours déficitaire et il était de notoriété publique qu’Abdoul Cadjee ne souhaitait plus remettre encore et encore de l’argent à fond perdu.
Il aurait suffi à la famille Chane-Ki-Chune de laisser le juge du tribunal de commerce constater que l’entreprise n’est pas en mesure de respecter l’échéancier mis en place à l’occasion du plan de redressement et de la mettre en liquidation.
Facile au Quotidien de faire alors une offre de reprise, pour bien moins cher, pour l’euro symbolique même peut-être, à condition qu’elle veuille vraiment racheter le journal.
Dans cette hypothèse, on peut imaginer que la famille Chane-Ki-Chune ait programmé dès le départ de laisser le JIR mourir de sa belle mort. Il lui suffisait alors de faire croire à Abdoul Cadjee jusqu’à la dernière minute qu’elle allait le racheter pour éviter qu’il ne cherche un autre repreneur, avant de le laisser tomber dans la dernière ligne droite, à un moment où le patron du JIR n’avait plus le temps de se retourner.
Du coup, Le JIR serait liquidé et Le Quotidien se retrouverait seul pour siphonner le marché publicitaire. Pas sûr que ce soit suffisant pour compenser les 3 millions de pertes annuelles du Quotidien, mais ça peut aider.
La surprise de la nomination de Jacques Tillier comme juge prud’hommal
A tout cela, il faut ajouter un élément qui a peut-être joué un rôle plus important qu’il n’y parait.
[Comme Zinfos l’a révélé]urlblank:https://www.zinfos974.com/Jacques-Tillier-elu-conseiller-prud-homme-sur-fond-de-negociations-pour-la-vente-du-JIR_a141734.html , Jacques Tillier a été désigné par le MEDEF comme candidat à un poste de juge prud’hommal au tribunal de Saint-Pierre.
Il est évident que, dans l’hypothèse où Carole Chane-Ki-Chune aurait vraiment souhaité racheter le JIR, une de ses premières actions aurait été de se débarrasser de l’encombrant directeur.
Or, le simple fait qu’il soit candidat en fait un salarié protégé impossible à licencier. En tout cas, très difficilement et au bout d’un délai très long.
Il est donc tout à fait possible que ce soit cet élément, qui a constitué une véritable surprise pour tout le monde, qui ait découragé la famille Chane-Ki-Chune.
Le Quotidien se ménage une porte de sortie
Enfin, dernière question : pourquoi avoir laissé entendre au juge du tribunal de commerce qu’elle pourrait peut-être revenir à la charge avec un nouvel investisseur?
Probablement pour voir si un nouveau repreneur ne va pas pointer le bout de son nez dans les jours qui viennent et pour pouvoir alors revenir dans la danse en faisant une offre concurrente.
Quoi qu’il en soit, le sort du JIR est plus précaire que jamais. Il serait vraiment dommage de voir un journal vieux de 68 ans disparaître, un journal qui a marqué l’histoire de La Réunion et qui a été là pour accompagner les Réunionnais pendant toutes ces années.
Et nous avons bien évidemment une pensée pour tous nos confrères qui vivent des moments très difficiles.