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Le Covid-19 met à l’épreuve nos certitudes sur notre santé et … la vulnérabilité de notre civilisation

Cette pandémie nous contraint d’aborder des questions que nous souhaitons partager avec les citoyens. L’on apprend que 80 % des patients en réanimation à l’hôpital de la Salpêtrière présentent une morbidité  caractéristique qu’il nous faudra, un jour, aborder de manière publique et courageuse. Cette pandémie ne nous questionne-t-elle pas sur ce qui fonde notre santé […]

Ecrit par Frédéric Paulus, CEVOI, (Centre d’Etudes du Vivant de l’Océan Indien) – le vendredi 10 avril 2020 à 15H05
Cette pandémie nous contraint d’aborder des questions que nous souhaitons partager avec les citoyens. L’on apprend que 80 % des patients en réanimation à l’hôpital de la Salpêtrière présentent une morbidité  caractéristique qu’il nous faudra, un jour, aborder de manière publique et courageuse. Cette pandémie ne nous questionne-t-elle pas sur ce qui fonde notre santé ? A ce titre, on ne peut que remercier le docteur Philippe Meurin (homéopathe ?) d’avoir exposé ses analyses en soulevant la provocante question : « Le Covid-19 est-il la cause de l’épidémie ? » dans les colonnes de Témoignages (île de La Réunion) du 7 avril 2020. On peut se reporter à l’intégralité des analyses du docteur dans le lien ci-joint.
 
 https://www.temoignages.re/politique/sante/combattre-le-coronavirus-en-renforcant-le-systeme-immunitaire,97668
 
Il est peut-être significatif que les commentaires éclairés sur la « crise » que nous vivons portent essentiellement sur les alternatives thérapeutiques et beaucoup moins, si ce n’est jamais (pour l’instant), sur les fondements de notre protection immunitaire.  
 
Notre contribution sollicite l’éclairage du Professeur d’embryologie Nicole le Douarin (1) et rappelle les propos non conventionnels du psychiatre Federico Navarro (1924-2002) – qualifié d’antipsychiatre après mai 1968. Elle devrait permettre d’évaluer des analyses qui peuvent à la fois se compléter par certains côtés. Nous devrions nous rendre compte qu’avec chaque patient, nous nous trouvons devant une personne possédant une histoire et un rapport à son corps et à sa santé singuliers, autant de variables difficilement explorables dans un contexte d’urgence où la vie de patients est en jeu. 
 
Notre propos se situe dans une approche de la réalité complexe de l’immunologie dont les recherches se sont étalées sur un siècle bien après les découvertes empiriques des vaccins. On pensera au médecin anglais Edward Jenner et bien évidemment à Louis Pasteur. Le premier découvre des toxines atténuées de la variole, le second celles du choléra des poules et de la rage, pour immuniser les malades en sollicitant leurs défenses immunitaires sans en connaître la réalité complexe. 
 
Les recherches en immunologie moléculaire
 
Tous les êtres vivants, bactéries, plantes ou animaux, donc l’homme, ont des systèmes de défense leur permettant de se protéger des agents pathogènes élargissant également cette protection aux cellules étrangères introduites dans le corps par greffes de tissus ou d’organes.
 
Les vertébrés ont développé des stratégies sophistiquées par l’acquisition d’une mémoire immunologique leur permettant de se souvenir de la première attaque de germes pathogènes par des « cellules mémoire » capables de se mobiliser rapidement. Cette réponse immunitaire est le résultat de l’activité coordonnée de cellules sanguines, les globules blancs ou leucocytes (différentes des globules rouges porteurs d’hémoglobine), dont les « acteurs » principaux sont de deux sortes : les lymphocytes T qui se différencient dans le thymus, une glande se développant à la base du cou derrière le sternum, cessant d’être fonctionnelle après 12 ou 13 ans) ; et les lymphocytes B qui se différencient dans la moelle osseuse. 
 
L’immunité des vertébrés est appelée « immunité adaptative » parce qu’elle sait s’adapter à l’agent infectieux qu’elle doit combattre. Elle le détruit, soit par l’intermédiaire de « cellules tueuses », les lymphocytes T, capables de reconnaître les cellules infectées ; soit à l’aide de facteurs, les anticorps, sécrétés par des cellules dérivées des lymphocytes B, les plasmocytes, de véritables petites usines à fabriquer des anticorps. Les anticorps sont dirigés contre les substances toxiques émanant des bactéries ou des virus que l’on désigne par le terme général d’antigène. Dans les deux cas, la réponse de ces cellules est édictée par la nature de l’agent infectieux, en d’autres termes elle lui est spécifique.
 
Des recherches en immunologie moléculaire ont mis en évidence que chaque lymphocyte B porte à sa surface un anticorps d’un type particulier. Ceci induit que la multiplicité des lymphocytes B génère un répertoire moléculaire incroyablement varié, de sorte que l’ensemble des lymphocytes B de l’individu est capable de « reconnaître » comme ligands les antigènes bactériens avec lesquels il risque d’être en contact dans leur immense diversité. En somme, ils sont aptes à se lier à des millions d’antigènes différents, portés ou produits par des bactéries ou virus pathogènes rencontrés au cours de la vie de l’individu.
 
Les lymphocytes T sont présents dans le sang, dans les ganglions lymphatiques, et sont également dispersés dans les tissus.

Lorsqu’un lymphocyte T reconnaît (par complémentarité moléculaire) une étiquette qui n’appartient pas au « soi » immunologique, il est « activé » (comme les lymphocytes B lorsque son « récepteur/anticorps » reconnaît un antigène bactérien). 
 

Le système immunitaire possède donc un moyen de reconnaître si une cellule de son propre corps appartient bien à l’individu, c’est-à-dire au « soi ». Dans le génome de chacun de nous se trouverait une série de gènes que l’évolution aurait sélectionnés et dont le rôle est de conférer à nos cellules une « étiquette » qui signe leur appartenance propre à chacun en tant qu’individu « unique ». Ces gènes appartiennent à un « complexe » (i.e. à une série de gènes alignés sur un chromosome) dit « complexe majeur d’histocompatibilité » ou CMH, qui indique à l’individu qu’il n’est porteur d’aucune présence parasite. Dans le cas de cellules greffées appartenant à un individu dont le CMH est différent de celui de l’hôte,  seront éliminés par le mécanisme de rejet immunologique. L’importance vitale de l’action des lymphocytes T tient surtout à ce qu’ils sont les agents majeurs de la lutte contre les virus. Nous devons au professeur Jean Doucet la découverte de la carte d’identité moléculaire qui caractérise les cellules de chaque individu. On a découvert récemment que des fragments de protéines (les peptides) produites par chaque type cellulaire de l’organisme leur sont associés. Il en résulte que la configuration des antigènes est spécifique de chacun des types cellulaires de l’organisme.
 
Pour tenter de comprendre pourquoi le COVID-19 touche telle personne et non telle autre avec une symptomatologie différenciée, il serait nécessaire de rentrer dans l’intimité de la vie de l’organisme depuis sa conception car nous savons que les défenses immunitaires sont transférées par la mère pendant la vie fœtale et embryonnaire et lors de la maturation du thymus qui cesse d’être fonctionnel à 13 ans environ. 
 
L’imbrication des niveaux génétique, moléculaire et émotionnel : l’exemple du thymus
 
Soulevons la question de l’affaiblissement immunitaire selon une réalité innée ou (et ?) une conjecture acquise dans son étiologie dont la dangerosité des agents infectieux est différemment évaluée. 
 
Notre attention pourrait se porter sur l’histoire de l’organisme, son mode de vie, ses antécédents pathologiques, tout autant que sur le patrimoine de vie et de vitalité associé lui aussi à son histoire depuis sa conception. Dès lors se pose la question d’une vulnérabilité acquise liée à cette histoire lorsqu’elle s’inscrit dans la mémoire qui aura retenu des expériences plus affaiblissantes que vitalisantes.  
Le thymus, dont on dira qu’il « sélectionne l’utile, néglige l’inutile et détruit le dangereux », Harald Von Broehmer (1942-2018), et la moelle osseuse jouent donc un rôle dans l’auto-immunité. Nous nous intéressons au thymus pour deux raisons. Comme tout organe, il peut subir un environnement stressant qui risquerait de réduire sa raison d’être délimitée de la vie fœtale jusqu’à 12 ou 13 ans, puisque sa structure est fonctionnellement limitée dans le temps chez l’humain. On peut donc penser que cette période pourrait être qualifiée de « critique » en ce qui concerne la mise en place des fonctions essentielles dans la protection immunitaire. La seconde raison du choix du thymus est que son étude peut être facilitée par son extraction. La thymectomie néonatale chez la souris, nous dit Nicole Le Douarin, « a des conséquences dévastatrices sur la fonction immunitaire », p. 214, « Les cellules souches porteuses d’immortalité », (2007). « L’animal ayant subi la thymectomie néonatale est dénué d’immunité à médiation cellulaire. Il conserve ses lymphocytes B, mais leur différenciation fonctionnelle en cellules productrices d’anticorps (plasmocytes) nécessitant les concours de cellules T coopératives, c’est toute l’immunité adaptative qui est abolie par cette opération », p. 214.  Le thymus est innervé par le nerf crânien dit « vague » du fait de son étendue, d’où son nom ; et le nerf phrénique qui a une influence au niveau de la respiration. Et nous voyons que le COVID-19 touche les poumons. Cette innervation intervient au niveau du transfert d’informations sensitives, sensorielles, surtout végétatives, sympathiques et parasympathiques, ce qui veut dire que les émotions peuvent activer ou inhiber cet organe (le thymus) qui monte progressivement en puissance jusqu’à l’adolescence.
 
Il est nécessaire d’avoir présent à l’esprit que cette glande dotée d’une sensibilité et « conscience cellulaire » (Faustino Cordon) intrinsèque (comme toutes les glandes !?) est intimement dépendante du sang qui l’irrigue et indissociable du milieu intérieur et du milieu extérieur alors que Claude Bernard disait : « Je crois avoir été un des premiers à émettre et à développer cette idée du sang considéré comme milieu intérieur des éléments organiques », Rapport, 1867, p. 182. Et nous savons que le sang véhicule également les hormones de bien être et de mal être (le stress). Cette citation renforce le souvenir d’une affirmation du psychiatre (et ami) Federico Navarro lorsqu’il soutenait qu’un enfant qui ne se développe pas dans des conditions satisfaisantes pourrait souffrir de conséquences pathogènes, notamment en risquant une atrophie développementale de son thymus responsable de sa protection immunitaire. L’organe entouré d’un environnement contracté, souffrant d’une réduction d’apport sanguin donc sous-alimenté et de surcroît sous-oxygéné, non seulement perdrait en efficience mais aussi en durée de vie puisqu’il cesse d’être fonctionnel après la puberté. Il faut aussi rajouter qu’étant innervé par les nerfs, vague et phrénique, il subirait la sympathectomie relevée par le psychiatre Federico Navarro. Pour rendre simple son propos, le psychiatre mentionnait qu’un adolescent entreprenant et heureux de vivre devrait présenter le buste positionné vers l’avant avec des poumons d’ordinaire dilatés. Il rajoutait que lorsque nous nous désignons par : « C’est moi », nous renforçons la parole par le geste de nous tapoter le buste au niveau du sternum. Centre de gravité du moi ?  Il n’est pas excessif de penser qu’avec la rétractation du thymus, nos défenses immunitaires seraient menacées culturellement par l’éducation et le mode de vie.  Sollicitons de nouveau Nicole Le Douarin pour argumenter notre hypothèse d’un affaiblissement culturel de cette glande essentielle à notre protection immunitaire, lorsqu’elle évoque « la dimension épigénétique du développement de l’enfant (dès sa conception) qui modifie ce qui aura été codifié génétiquement », p. 282, (2007). Claude Bernard disait : « Le microbe n’est rien, c’est le terrain qui est tout… ». Ce « terrain » fondamentalement co-déterminé par son environnement.
 
Réparons un oubli, notre définition de la santé : « Désir, plaisir d’agir, se sentir exister, rapport actif avec l’environnement,  créativité », celle-ci s’opérationnalisant dès la conception de l’enfant, Nicole Le Douarin ne nous donnerait pas tort ! 
 
Nicole Le Douarin, pour conclure provisoirement, in (1) page 714 : « Jusqu’à nos jours, la médecine ne pouvait se proposer, pour l’essentiel, que de restaurer le bon fonctionnement des organes en combattant l’effet des agents pathogènes ou en c’est forçant de compenser, au moins partiellement, des atteintes irréversibles grâce à des médicaments régulateurs, des prothèses ou des greffes ; or voici que les travaux récents sur le développement embryonnaire, les cellules souches, le clonage rendent désormais imaginable une dimension nouvelle de l’éventail thérapeutique : elle viserait à induire les processus propres à reconstituer ou à rajeunir les tissus ou les organes trop vieux ou trop détériorés pour remplir correctement leurs fonctions. »
 
(1) Dictionnaire amoureux de la Vie, Plon, France, (2017)

 

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