L’abeille a fait l’objet de très peu d’études à la Réunion. Qui sont-elles ? D’où viennent-elles ? Quelles sont leurs ressources ? Des questions jusque-là très peu approfondies. Le CIRAD a donc proposé en 2010, avec l’Université de la Réunion, la profession apicole, le Parc national et l’ONF, un projet de recherche, lancé grâce au soutien financier de l’Union européenne, du Conseil régional et de l’Etat.
Ce projet vise à répondre aux questions de la diversité et de l’origine génétique de l’abeille à la Réunion, de ses ressources et de son comportement en forêt et sur les cultures de letchis et baies roses. Une analyse des miels est également prévue afin de caractériser la typicité des miels réunionnais. A cet effet, les premières études menées sur l’abeille dans le cadre du projet de recherche Gecova-5 ont été présentées à la profession apicole le 27 juin 2011.
Une banque de pollens
L’abeille dispose de trois ressources : le pollen, le nectar produit par les fleurs et le miellat produit par des insectes, les homoptères. L’évaluation de ces ressources est en cours. Hélène Delatte, chercheuse au Cirad, responsable du projet Gecova-5, en a présenté les premiers résultats. « Nos premières observations montrent que le miellat est produit principalement par des psylles (sorte de puce se nourrissant des plantes), et en moindre mesure des pucerons et des cochenilles ». Par ailleurs, des prélèvements de nectars de certaines ressources mellifères exotiques et indigènes ont été réalisés : letchi, baie rose, tan rouge, mahot, fleur jaune, bois de joli cœur, bois de pomme, grand natte, petit natte. « Les teneurs en sucre de ces différents nectars sont aujourd’hui en cours d’analyse », indique-t-elle.
93 espèces de pollens (dont 62 espèces exotiques et 31 espèces indigènes mellifères) ont été récoltées et répertoriées pour commencer à constituer une banque des pollens de la Réunion. Les premières analyses sur des ruchers en cœur de parc ont montré que les espèces indigènes sont aussi bien pollinisées par les abeilles des ruchers expérimentaux que les espèces exotiques. « Nous avons relevé une préférence pour les espèces indigènes en milieu naturel à Piton Rond (entre la Plaine des Palmistes et la Plaine des Cafres, ndlr), précise Hélène Delatte. Mais le travail ne fait que commencer ». « Nous allons compléter cette banque de pollen et poursuivre les analyses afin de mieux connaître les ressources visitées et potentiellement pollinisées par l’abeille au cœur du Parc national ».
Enfin, une étude sur la carte génétique de l’abeille réunionnaise est également menée. A la Réunion, une étude génétique menée sur 844 abeilles ouvrières issues de 12 colonies sauvages (en cœur de parc) et 16 exploitées, a montré que les reines s’accouplent en moyenne avec 12 à 26 mâles.
« Cette polyandrie, c’est à dire que la reine d’une colonie peut s’accoupler avec plusieurs mâles, engendre un brassage génétique entre colonies sauvages et exploitées. Ceci peut procurer aux colonies d’abeilles une grande diversité génétique. Le maintien de cette diversité est crucial car elle assure aux colonies de plus fortes capacités d’adaptation en cas de changement environnemental (transhumance, arrivée de parasites …) », fait remarquer Johanna Clémencet, enseignante-chercheur à l’Université de la Réunion.
Pour l’heure, dans l’attente des conclusions scientifiques, les apiculteurs péi se résignent à traverser une période délicate, comme en témoignent les étales de Miel Vert 2012. Les produits issus du miel se font rares. Comme une coïncidence, la saison des letchis a également été terne. Seulement une coïncidence ?