Ballot, 41 ans, tente de se faire passer pour une brute sans scrupules, crâne rasé, mine renfrognée, insolence envers les juges ; mais rien n’y fait : il ne parvient qu’à être ridicule.
Un CV à charge uniquement
Dans un recoin isolé du boozaka (herbe jaune juste bonne pour les éléphants), en pleine prairie du Port, là où ne vont jamais que couleuvres, hordes de chiens, sanpiés et scorpions, s’élève une épaisse fumée noire, le 1er septembre 2017. Ce que voyant, les policiers du coin se mettent en branle…
Au beau milieu de nulle part, ils tombent sur l’ami Ballot, fort occupé à brûler quelques dizaines de mètres de fils électriques, histoire d’éliminer le plastique et récupérer du beau cuivre, lequel fait l’objet d’une forte demande. Surtout au marché noir. Oui, le cuivre de contrebande vaut son pesant d’or. Ouaf-ouaf !
Ballot n’est pas inconnu des services d’ordre et de la justice, ayant fait l’objet de multiples condamnations pour conduite sans permis, conduite sans assurance, vols aussi divers que variés, port d’armes prohibées… on en passe.
De là à le soupçonner d’avoir chourré des câbles pour les passer à son incinérateur perso, il n’y a qu’un pas.
Un pas vite franchi par les magistrats ayant instruit cette étrange affaire !
Le Ballot de service comparaissait ce vendredi devant les juges correctionnels de Champ-Fleuri sous l’accusation poétique de « destruction du bien d’autrui par un moyen dangereux pour les personnes ».
Or, il se trouve que Ballot a mille fois répété au cours de cette instruction (!) que ces fils électriques lui appartenaient. Il n’a jamais nié son intention de revendre le cuivre mais a toujours nié le vol.
Personne n’a, apparemment, jamais cherché à savoir le pourquoi du comment : il a un CV long comme celui de Mathusalem et pâtit du délit de sale gueule, na !
Pas rancuniers, les juges !
À la barre, le bonhomme ne cherchera pas à atténuer la sale impression qui se dégage de sa personne comme de son attitude. Alors qu’il loge au 4-étoiles de Domenjod où il purge une peine surmultipliée de (tenez bon la rampe !) : 1 an + 4 mois +3 mois. Parce qu’entretemps, il s’est fait quelques indélicatesses ici ou là. Ce qui devrait l’inciter à la mesure, à la prudence, au profil bas.
Ben non !
Avant que le président Molié ait pu en placer une, il s’élance, moue rageuse en bandoulière :
« Hein ! Donne à mwin 10 ans, 20 ans d’prison si ou vé. Ma fé ».
À partir de cette sortie peu engageante, on ne lui tirera plus un mot, même pas le moindre soupir. Il se contentera de toiser les uns et les autres, les juges, la procureur, le public, l’air de se foutre du tiers comme du quart.
On se dit que c’est mal parti, que son canard lé noir, qu’il va s’en prendre plein la gu… pour pas un rond.
La procureur parle de « comportement dangereux pour l’environnement » et réclame 8 mois fermes de plus à son encontre.
« Que souhaitez-vous ajouter ? » demande le président Molié, patient en diable.
Rien !
Chacun pensait que l’affaire était entendue ; aussi, lorsque les juges viennent rendre leur délibéré, la surprise est totale :
« Le tribunal s’est posé beaucoup de questions. Le feu a été allumé dans un endroit isolé. L’atteinte à l’environnement paraît peu évidente. Et personne n’a cherché à savoir si les fils vous appartenaient réellement. »
Et, peu rancunier envers un prévenu aussi peu aimable, le président a ajouté :
« Vous êtes relaxé ».
Ballot a même pas dit merci en se laissant remettre ses bracelets (pas en cuivre, ceux-là).