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La visite du premier Ministre

Les Jeudi 12 et vendredi 13 juin, le Premier Ministre était en visite officielle dans notre île. Trois ministres l'accompagnaient : Mme George Pau-Langevin (ministre des Outre-Mer), Mme Najat Vallaud-Belkacem (ministre de l'Education nationale, de l'Enseignement supérieur et de la Recherche), M. Patrick Kanner ( ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports).

Ecrit par Paul Hoarau – le vendredi 19 juin 2015 à 09H54

Une visite dans la plus pure tradition  d’un monde supposé disparu.

Cette visite s’est déroulée dans la plus pure tradition d’avant la décentralisation. Comme si celle-ci n’avait pas eu lieu. 

Des rencontres avec les  acteurs : visites et inaugurations avec les élus locaux ; tables rondes, signatures, déjeuners avec des  entrepreneurs, rencontres avec des jeunes, des élèves des écoles. Il y a eu des promesses (parcimonieusement), des motifs de satisfaction (le plus souvent légitimes), des invitations aux Réunionnais à prendre leurs responsabilités (trop rares et trop timides à mon goût).

Les audiences : je n’ai pas la liste des audiences accordées par les membres des cabinets des ministres. Il aurait été intéressant d’avoir cette liste. Nous aurions vu de quelle manière les Réunionnais, citoyens, professionnels, élus, en sont encore à demander – à devoir demander – au Premier Ministre, au gouvernement, à l’État, de régler des problèmes dont la plupart devraient pouvoir se régler ici même, entre nous (la subsidiarité). Nous aurions vu de quelle manière nous sommes encore à attendre des hommes de Paris, de l’État, du pouvoir central, loin de nous, sur lesquels nous n’avons aucune prise, le règlement de nos « affaires péi ». Alors que, depuis la décentralisation, ce sont « les élus pei », que nous pouvons sanctionner directement s’ils ne sont pas à la hauteur, qui sont  mieux informés que le Premier Ministre puisqu’ils sont sur place, qui sont responsables de ces affaires. Ils sont laissés de côté, ne sont pas interpelés, ne sont pas inquiétés. Ils sont inexistants.

Les manifestations : il y a eu des manifestations sur la place de la préfecture, sensées appuyer les délégations reçues en audience, des manifestations individuelles sensées attirer l’attention des  ministres de passage sur des problèmes parfois personnels ; il y a eu les manifestations de mécontentements, sensées impressionner les visiteurs ; il y a eu des manifestations d’élus, à travers des placards dans les journaux, pour demander au Premier Ministre de prendre des mesures et de faire voter des lois. 

Bref, et pour tout le monde, le Premier Ministre doit tout régler, tout apporter : à la fois bon Dieu et Père Noël. Ici, personne ne peut rien, personne n’est responsable. Tout le monde attend. Si les choses arrivent : merci, Monsieur le Premier Ministre ; sinon, c’est « la déception ou le mécontentement », ou la menace.

Une visite d’un tout autre monde

Si j’étais président du Conseil régional (rassurez-vous : il est très vraisemblable que je ne le serai jamais), l’esprit de la visite du premier ministre et son contenu auraient été différents. Avec le cabinet de l’hôtel de Matignon et la collaboration du préfet, en concertation avec mes partenaires de « la conférence territoriale » j’aurais accepté les points du programme traditionnel. On ne peut pas tout effacer, tout casser, faire table rase. Mais il y en aurait eu d’autres. Il y aurait eu, surtout, un tout autre esprit à la visite.

J’aurais proposé et négocié ceci : 

1) Entouré de la présidente du Conseil départemental et du président de l’Association des Maires, j’aurais souhaité la bienvenue au premier ministre, au salon d’honneur de l’aéroport. « Bienvenue chez nous, Monsieur le Premier Ministre ; bienvenue dans la région française de l’Indianocéanie qu’est La Réunion. Je suis sûr que nous allons faire du bon travail ensemble, pour le développement de notre île, pour le développement de la communauté indianocéanienne et pour le rayonnement français dans cette partie du monde. Notre peuple, au sein de la République, saura être à la hauteur des responsabilités que lui confère sa position. »

2) J’aurais accompagné le premier ministre dans des rencontres de travail avec les différents acteurs de la vie réunionnaise, en ma qualité  de partenaire tout à la fois du gouvernement et des acteurs locaux, pour la définition et la conduite d’une politique réunionnaise.

3) J’aurais organisé un entretien politique entre le premier ministre, les ministres qui l’accompagnaient et la « conférence territoriale », pour un survol des questions réunionnaises. Le but de l’entretien aurait été de décider la mise en œuvre des outils qui permettront  de mieux  gérer  les affaires diverses et nombreuses qui nous assaillent, dans le cadre tout à fait légal d’un partenariat Etat/Région Réunion. 

Les affaires à gérer ne manquent pas : l’organisation pratique, au quotidien, des rapports entre le pouvoir central et le pouvoir régional dans le cadre des institutions ; la place de La Réunion en Indianocéanie et au sein de la COI, comme partenaire français des autres membres de la communauté ; les grands axes d’une politique de développement réunionnais ; la filière canne, la production locale, la formation des hommes, les dérives et les dysfonctionnements qui parasitent le développement de l’île, etc.

En juin 2015, les conclusions de cet entretien politique n’auraient pu être que des déclarations d’intentions et d’orientations concernant des dispositions générales sur le fonctionnement pratique des institutions ou sur des sujets urgents. Le temps ayant manqué pour une préparation approfondie d’un tel entretien. Mais les choses auraient été dites d’une même voix, par les uns et par les autres, clairement, ouvertement, officiellement. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

4° A l’issue de cet entretien, une conférence de presse commune du Premier Ministre et du Président de la Région aurait été donnée et un communiqué l’aurait accompagnée.

Il y aurait eu, alors, un vrai dialogue entre l’État représentant et responsable de la communauté nationale et la Région représentant et responsable de la portion réunionnaise de la communauté.

L’implication du peuple

Seul un sursaut des électeurs, soutenu par un mouvement populaire important, pourra nous sortir de cette tradition de dépendance et d’irresponsabilité d’avant la décentralisation. Les politiques, seuls, ne le pourront pas.

 Les conséquences qui en découleraient pourraient changer l’esprit et le contenu des visites ministérielles ou présidentielles.

 

    « La conférence régionale », composée à la base, du président de la Région, du président du Département, du président de l’Association des Maires, est l’outil de la réflexion, de la mise en forme, de la proposition et des négociations des politiques régionales. Cela est développé dans un document qui sortira bientôt, sur « La gouvernance régionale à l’Ile de La Réunion ». D’autres personnalités pourraient être invitées à ses travaux.

    Qui sera traité dans le document sur « La gouvernance régionale à l’Ile de La Réunion » (cf ci-dessus)

    Dans une série d’articles « spéciales régionales », je recenserai à peu près une vingtaine d’affaires à traiter.

    Au cours de cet entretien, il aurait été intéressant que le Premier Ministre échangeât avec les élus de « la conférence territoriale »,  sur des sujets nationaux ou internationaux concernant la zone par exemple.

 

Journal de Paul Hoarau

 

 

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