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« La seule raison d‘être d’un être, c’est d’être, c’est de maintenir sa structure… »

Selon le Professeur Henri Laborit et l’énigme du cancer

Ecrit par Frédéric Paulus – CEVOI le 10/11/2019 – le mardi 12 novembre 2019 à 10H14

Cette affirmation fut argumentée sans cesse par le professeur LABORIT (1914-1995). Il rajoutait pour être bien compris : « C’est de se maintenir en vie, sans ça il n’y aurait plus d’être. » Cette opinion aura contribué à mettre en doute, chez moi, la pertinence de la théorie de la « pulsion de mort » avancée par Freud.  Quittant les contraintes de chirurgien militaire « qui découpait des estomacs ulcéreux » (selon ses dires) – dont les opérés le remerciaient en sortant de leur anesthésie – il leur rétorquait : « Vous devriez m’agresser, je vous ai coupé une partie de vous ! » Insatisfait de ces pratiques, le Professeur Laborit se lance dans la recherche fondamentale auprès de rats de laboratoire et comprend très vite que bon nombre de maladies plongent leurs racines dans l’histoire du malade. Explorant les répercutions organiques de différentes formes de stress sur les rats, il soulève la question : « Est-il possible de pratiquer la médecine aujourd’hui ? », (1). Il argumente que la médecine soigne généralement le symptôme sans trop se soucier de l’environnement du malade, encore moins de son histoire.

Dans cet article de 18 pages, Laborit annonce la parution de son ouvrage synthétisant son œuvre : « L’inhibition de l’action », (1979), qui fit rupture avec une approche purement organique des maladies. Là, cette « finalité », se maintenir en vie, est amenée et argumentée. Le titre met en évidence l’action liée indissociablement à l’homéostasie, tant pour alimenter l’organisme quand il a faim (par exemple), rechercher du plaisir ou se reproduire et pérenniser l’espèce ; que pour se protéger en cas d’agression, fuir ou lutter, selon une vision évolutionniste. Lorsque l’inhibition de l’action l’emporte, toutes les régulations naturelles s’en trouvent perturbées, c’est ce qui est mis en cause de nos jours : « l’environnement cellulaire ».

Ce raisonnement du Professeur semble se confirmer avec les récentes recherches en cancérologie évolutionniste lorsque les facteurs de stress liés à des influences nocives en provenance de l’environnement cellulaire sont avancés et s’accumulent, formant vasoconstriction des tissus, stases, miasmes et infections… Rappelons que lorsque les tumeurs cancéreuses sont prélevées, et donc extraites de leur environnement, alors alimentées, elles survivent et prolifèrent. Sans se disperser dans les arcanes des laboratoires en cancérologie, nous tenterons de nouveaux questionnements en nous référant à trois chercheurs français : Jean-Pascal CAPP, auteur d’un « Nouveau regard sur le cancer, pour une révolution des traitements » (2012) (chercheur à l’Insa de Toulouse), (2)  Frédéric THOMAS, auteur de « L’abominable secret du cancer » (2019) (directeur au CNRS de Montpellier) (3), et enfin la Professeur en biologie, neuroépigénéticienne, Isabelle MANSUY, (Faculté de médecine de Zurich), (4).

Jean-Pascal CAPP, remettant en cause une vision purement génétique de l’origine du cancer en vigueur depuis des décennies, souligne « le rôle essentiel de l’environnement des cellules. L’altération des gènes ne serait pas la cause première de la cancérogénèse, c’est le dérèglement des relations entre les cellules qui agirait comme facteur clé » selon ce chercheur. Il en appelle à « une révolution des traitements ».

Frédéric THOMAS, avec un regard de biologiste moléculaire et évolutionniste, soutient que « nous sommes passés à côté de la nature réelle du cancer et de sa logique inscrite il y a plus d’un demi-milliard d’années accompagnant l’évolution de nombreux organismes, ce qui change tout » (2019). Plus récemment la Revue « Pour la science » n° 505 (en kiosque actuellement) rend hommage au chercheur dans un article au titre surprenant : « Nous sommes tous au minimum des cancéreux asymptomatiques ». Cet avis, si notre lecture de l’article est fidèle à la pensée du chercheur Frédéric Thomas, nous inciterait à penser que le cancer serait un « compagnon » pouvant faire preuve de dissidence. En lui faussant compagnie il entraînerait son hôte à sa perte. Nous nous sommes approchés de cette nouvelle représentation dans un article multipliant « Les nouveaux regards » voir : [https://fr.slideshare.net/FarzadFelezzi/nouveaux-regards-sur-le-cancer]url:https://fr.slideshare.net/FarzadFelezzi/nouveaux-regards-sur-le-cancer

Il nous fallait également attirer cliniquement l’attention sur l’environnement bio-psycho-social des personnes touchées par le cancer, voir : [http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2016/176/CANCER%20ONCORUN.pdf]url:http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2016/176/CANCER%20ONCORUN.pdf .

Nous encourageons les lecteurs à se procurer le numéro 505 « Pour la science », car il pourrait annoncer « un changement de paradigme en cancérologie » comme le prévoyait Jean-Pascal Capp en 2012. Au-delà de cette maladie aux causes multifactorielles, il se pourrait que ces recherches donnent raison non seulement au Professeur Henri Laborit – qui liait la vie à l’action de s’alimenter, de recherche du plaisir et de se reproduire – mais aussi au psychiatre Wilhelm REICH (5) qui avait cherché à décrire l’état bio-émotionnel des malades enfermés dans des « carapaces musculo-caractérielles », ces carapaces créant le terreau environnemental propice à la réaction « dissidente »  cancéreuse, cette « biopathie » nommée « cancer » (4).

Avec le recul, la recherche fondamentale en cancérologie semble avoir concentré ses investigations sur les mécanismes génétiques et moléculaires au détriment d’une attention portée aux personnes touchées par le cancer selon la dimension nommée de nos jours « épigénétique », où l’environnement semble influent. Le Professeur Laborit nommait de son temps cette dimension épigénétique par les termes d’« information circulante » modifiant « l’information structure », cette dernière étant  portée par le génome. Le chercheur Frédéric Thomas lie l’approche moléculaire avec le regard de la biologie évolutive. Il lui faudrait, nous semble-t-il, se rapprocher des patients. Ceux-ci devraient être encouragés par Isabelle MANSUY, neuroépigénéticienne, Directrice de recherche à l’école polytechnique de Zurich, (5), qui leur lance le défi : « Améliorer votre vie et celle de vos descendants avec l’épigénétique. »

Ce questionnement fondamental en cancérologie n’élucide pas encore les mécanismes sous-jacents à l’apparition du cancer. Mais si cette affection semble potentiellement nous accompagner depuis plus d’un demi-milliard d’années, notre attention devrait se porter sur les conditions environnementales de son apparition, redéfinissant l’homéostasie. Celle-ci dans sa définition devrait être revisitée en intégrant l’histoire de l’organisme et son mode de vie depuis sa conception, son alimentation, les épreuves et empreintes culturelles à incidence épigénétique qu’il subit…, puisqu’il apparaît que le cancer extériorise des causes multifactorielles, touchant certaines personnes, en épargnant d’autres.

Suggérons enfin qu’un accompagnement psychothérapique de personnes contractant un cancer pourrait complémentairement aux soins médicaux changer l’environnement cellulaire. Pour  argumenter cette suggestion nous évoquerons avec les travaux de Faustino Cordon (1909-1999), dans un prochain courrier, la dimension sensible autour de la cellule et de ses composants qui échappe à notre conscience, mais qui est pour autant bien réelle.
 
Réf :

  1. Henri Laborit : « Est-il possible de pratiquer la médecine aujourd’hui ? », Cahier de bioéthique, pp. 21 à 40 ; Presse de l’université de Laval, Québec, 1979 et L’inhibition de l’action, biologie, psychologie et sociologie des comportements sociaux, Masson, 1979.
  2. Jean-Pascal Capp, Nouveau regard sur le cancer, pour une révolution des traitements, Belin, 2012.
  3. Frédéric Thomas, L’abominable secret du cancer, HumenSciences, 2019. Et : « Nous sommes tous au minimum des cancéreux asymptomatiques », Revue « Pour la science », n° 505, pp. 34 à 39, in « Théorie de l’évolution contre cancer », novembre 2019. On lira avantageusement dans ce même numéro l’article de James Degregori  (Université du Colorado, USA) et Robert Gatenby , (Dir d’un Dpt de radiologie, Floride USA), « La théorie de l’’évolution, nouvelle arme contre le cancer », pp. 26 à 32.
  4. Wilhelm Reich, Biopathie du cancer, Payot, 1948.
  5. Isabelle Mansuy, Jean-Michel Gurret (psychologue), & Alix Lefief-Delcourt (nutritionniste), Reprenez le contrôle de vos gènes, Larousse, 2019.

 

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