« Mesdames, Messieurs
«Dans les départements et les régions d’outre-mer, les lois et règlements sont applicables de plein droit. Ils peuvent faire l’objet d’adaptations tenant aux caractéristiques et contraintes particulières de ces collectivités.
Ces adaptations peuvent être décidées par ces collectivités dans les matières où s’exercent leurs compétences et si elles y ont été habilitées par la loi.
Par dérogation au premier alinéa et pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités régies par le présent article peuvent être habilitées par la loi à fixer elles-mêmes les règles applicables sur leur territoire, dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi.
Ces règles ne peuvent porter sur la nationalité, les droits civiques, les garanties des libertés publiques, l’état et la capacité des personnes, l’organisation de la justice, le droit pénal, la procédure pénale, la politique étrangère, la défense, la sécurité et l’ordre publics, la monnaie, le crédit et les changes, ainsi que le droit électoral. Cette énumération pourra être précisée et complétée par une loi organique.
La disposition prévue aux deux précédents alinéas n’est pas applicable au département et à la région de La Réunion.
Les habilitations prévues aux deuxième et troisième alinéas sont décidées, à la demande de la collectivité concernée, dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique. Elles ne peuvent intervenir lorsque sont en cause les conditions essentielles d’exercice d’une liberté publique ou d’un droit constitutionnellement garanti.
L’article 73 de la Constitution reconnaît ainsi aux départements et régions d’outre-mer, la faculté d’adapter les lois et règlements en vigueur à leurs caractéristiques particulières et de définir eux-mêmes des règles normatives dans des matières relevant de leurs domaines de compétences.
De surcroit, le 3 alinéa de cet article permet aux départements et régions d’outre-mer, sur habilitation du législateur, d’exercer un pouvoir normatif dans un nombre limité de matières relevant de la loi ; mais La Réunion, ne peut bénéficier de cette possibilité en application du 5 alinéa.
La Martinique, la Guadeloupe et la Guyane se déjà sont saisies de cette faculté.
Par exemple, la Guadeloupe a obtenu habilitation pour la maîtrise de la demande d’énergie, la règlementation thermique pour la construction de bâtiment et le développement des énergies renouvelables, au motif que « les outils traditionnels de politique énergétique, strictement incitatifs, à disposition des acteurs du secteur, ont atteint leurs limites et ne sont pas en mesure de permettre de répondre aux enjeux actuels locaux ».
La Guadeloupe a également mobilisé cette possibilité pour adapter les règles permettant «la création d’un établissement public régional à caractère administratif chargé d’exercer les missions de service public de formation professionnelle déléguées par la région ».
La Guyane a demandé habilitation pour l’adaptation à la situation guyanaise des articles L. 621-5 et L. 631-11 du code minier.
Comme la Guadeloupe, la Guyane ou la Martinique, La Réunion doit faire face à l’inadaptation de certaines règles ; cela freine la mise en œuvre de politiques correspondant aux exigences de leur développement.
À La Réunion comme dans ces trois régions, le territoire connaît des spécificités : l’insularité (sauf la Guyane), des conditions climatiques qui ne sont pas celles de la France hexagonale, des risques naturels spécifiques (éruptions volcaniques, cyclones notamment) et un contexte socioéconomique très particulier (taux de chômage considérable, chômage des jeunes, part importante de la population vivant sous le seuil de pauvreté etc.).
La pertinence de l’opportunité créée par l’article 73 n’est donc plus à démontrer.
Mais à cause du cinquième alinéa de cet article, La Réunion ne peut exercer, comme peuvent le faire la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane, cette faculté.
Or, rien ne justifie ce traitement différencié entre La Réunion et les autres départements et régions d’outre-mer; rien ne justifie que des prérogatives accordées aux régions et départements de la Martinique, la Guyane et la Guadeloupe ne soient pas accordées au département et à la région de La Réunion.
Cette proposition de loi vise donc à supprimer ce cinquième alinéa de l’article 73 et à doter La Réunion des mêmes possibilités offertes aux autres régions d’outre-mer. Une modification des dispositions organiques du code général des collectivités territoriales relatives aux départements et régions d’outre-mer est également nécessaire, conformément à l’alinéa 6 de l’article 73 de la Constitution, afin de définir les modalités d’application de l’article 73 de la Constitution dans sa nouvelle rédaction à La Réunion. »