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La ronde de nuit de « Gentille infirmière ». Es-tu prête à assurer sans cesse ta mission humaniste ?

Au cœur de ton service, comme la précédente nuit Toutes les heures, tu effectues ta ronde avec attention, Pour dispenser les soins et administrer les prescriptions, Au son des appareils de surveillance qui crépitent. Ta tournée d’exécution de recommandations multiples Est entrecoupée d’appels, et de diverses sollicitations. Quelle grande fierté d’appartenir à la famille soignante […]

Ecrit par Raymond-Monjole,-Cadre-Supérieur-de-Santé-à-la-retraite,-Conseiller-scientifique-paramédical-IFSI-et-IFAS-du-CHU,-depuis-2019-Docteur-en-Histoire-Moderne-Université-de-La-Réunion – le mercredi 24 mai 2023 à 08H39

Au cœur de ton service, comme la précédente nuit
Toutes les heures, tu effectues ta ronde avec attention,
Pour dispenser les soins et administrer les prescriptions,
Au son des appareils de surveillance qui crépitent.
Ta tournée d’exécution de recommandations multiples
Est entrecoupée d’appels, et de diverses sollicitations.
Quelle grande fierté d’appartenir à la famille soignante
Lorsque tu t’occupes de ton prochain attenant,
Que tu te penches sur sa blessure, son désarroi,
Que tu l’aides à surmonter sa pesante angoisse,
Tu es amenée à le remonter dans son lit,
À ponctionner sa veine quand la nuit pâlit,
À l’assister pour neutraliser la douleur qui le tenaille,
Ou bien, quand tu aiguises ta patience cordiale,
Pour saisir et comprendre ses paroles en bataille,
Perturbées par une altération de l’expression prononcée,
Tu t’approches, et contemples ce visage étranger,
En qui tu reconnais ta sœur ou ton frère fatigués,
Ta pratique soignante s’affiche au zénith de la fraternité.
 
Par ton travail tu concrétises les politiques publiques,
Dictées par les lois de notre République.
Ton diplôme t’y habilite. Tu touches ce qui existe
De plus précieux chez l’Autre : sa santé, son affect et sa vie.
Tu travailles « en pleine pâte humaine », avec harmonie.
La fraternité, valeur inscrite au fronton de notre République
Si difficile, à concrétiser dans la vie quotidienne, parfois inique
Est omniprésente dans l’exercice de ton métier.
Elle est forcément sacrée, tu en fais tienne
Avec la liberté et l’égalité, la fraternité,
Elle est l’une des « Trois marches du perron suprême ».
Si elle commence par l’observance de la politesse et de l’amabilité.
Cela ne suffit pas, de surcroît, elle doit abonder en générosité
 
Sachant que le désir de soigner provient du tréfonds de ton être,
Cet élan de fraternité personnelle est ta bannière.
Elle est la résultante de tes valeurs pudiques, intimes et discrètes,
Jaillies de ton cœur d’enfant par ce premier cri :« Je veux être infirmière !»
Exprimant de façon éclatante pour l’Autre, ton attention bienveillante.
Soigner son prochain relève d’un humanisme effectif et réconfortant.
Là où tu te trouves Gentille infirmière, la fraternité est doublement présente,
Bien qu’absente des tableaux comptables, des ratios et de la productivité.
Ta générosité oblative est plus que jamais d’actualité.
Tu sais, lorsque tu soignes, tu n’es pas seule.
Tandis que ta mission t’accapare et t’enivre
Fermant leur bouche de leur doigt derrière toi,
Les anges souriants, se penchent sur tes moindres actes.
 
Qu’elle soit de la sphère publique ou privée
La fraternité, sous les deux aspects,
Peut-être alternative ou additive
Grâce à ton intelligence de cœur et d’esprit.
Tu sais que le matin, à ton réveil, tu peux philosopher,
Ou assigner tes convictions morales ou encore prier,
Nourrie d’une de ces sèves, le cœur rempli d’éthique et de compassion
Tes pensées pénétrées de la charte du patient

Bâties sur les principes humanistes du code déontologique
Tu te plais de servir la République toutes les nuits,
Et les jours, pour l’Éternité,
Ce qui t’importe, c’est de soigner.
 
Pendant tes rondes de nuit, les jambes prestes,
Le sourire toujours accroché aux lèvres,
Au cœur de l’unité de soins, tu deviens la tour de contrôle
Et prêtes à assumer tous les rôles.
Ta ronde de nuit est aussi artistique.
Elle rappelle celle du tableau éponyme
De Rembrandt :« Le peintre des couleurs et des cinq sens ».
Tu passes de chambre en chambre,
Tes pas sont insonores,
Respectant tous ceux qui dorment encore
Tu ne marches pas, dans tes ballerines
Tu danses à la ronde, sans avoir l’air.
Tu ne respires pas, tu flaires,
Ton regard est d’aigle, tes narines et tes oreilles félines
Tu t’évertues à assurer le confort de tout un chacun, sans bruit,
Tous, ils t’attendent et espèrent un geste, un acte délicat, une parole donnée
Que tu dispenses avec empathie, compétence et générosité.
Sans crier gare tu reçois en plein cœur
Le dernier regard du souffrant qui meurt.
Ta sensibilité naturelle est exacerbée
Par la main frêle du patient enfoncé sous son duvet,
Le « Merci ! » balbutié après un soin éprouvant.
Tu le leur rends bien, en dépit des mélanges de sentiments :
Effleurement furtif de leurs pieds au bas du lit,
Regard complice, pudique et compréhensif
Simple remarque ou brève histoire bienveillantes.
Petite caresse autorisée et décente
Susurrements réconfortants à l’oreille.
Par ton travail de nuit, tu perpétues
Cette ancestrale tradition,
Qui est la raison de ton habilitation : Servir, promouvoir la santé,
Vaincre la maladie et soulager les souffrances,
 
Accompagnée de ton aide-soignante,
Co-pilote de nuit de cet avion fourmillant,
Au sein de cette unité de soin décoré
Tu ne veux perdre aucun de tes passagers.
Invisible mais présente, discrètement
Tu observes, détectes, diagnostiques,
Dorlotes, encourages et agis
L’un s’assoupit, tant mieux !
L’autre tousse un peu trop,
Cette toux caractéristique t’alerte
Tu décides de ralentir le débit de la perfusion.
Dans la chambre voisine,
« L’ancien » locataire se tourne et se retourne dans son lit.
Il cherche le sommeil du juste, qui tarde à venir.
À côté, quelques-uns dorment à poings fermés,
Dans ton cœur, une joie indicible a droit de cité :
Simple éclaboussure du bien-être des Autres méritée !
Ton choix professionnel, d’emblée
Fait de toi la première : « témoin engagé »
De la santé recouvrée
Des visages meurtris
Des indignations inédites,

Des moments apaisés.
Du pansement du patient trachéotomisé,
Des insomnies parfois douloureuses,
Des révoltes mystérieuses,
Des désespoirs mis à nu,
Des départs inattendus,
Des joies formulées, souvent libératrices,
De la victoire des traitements et des soins sur la maladie.
Tu es la femme qui soulage, console, cajole et imprègne.
Tu es hôtesse de l’air et « Simone de Cyrène ».
 
Forte de ton expérience, en pleine nuit,
Subodorant toute sérieuse situation clinique,
Tu conseilles le nouvel interne que tu as réveillé.
Ta musique intérieure se poursuit :
« Gare à l’euphorie liée à la seconde nuit. 
Il n’est pas question de jouer au cow-boy ! ».
Ce nouveau prescripteur ne maîtrise pas pour l’instant
La pratique de sa nouvelle spécialité.
Il n’est pas encore initié
Aux préférences des médicaments
Et au schéma thérapeutique du « Patron ».
Il souhaite à son tour l’appeler.
Ange gardien et égérie bienveillante,
Tu oses, t’interposes délicatement,
Et lui demandes t’attendre. Il est minuit-vingt,
Les résultats du laboratoire s’affichent vers une heure du matin.
Le laborantin de garde est sérieux, consciencieux et méticuleux.
Tu le rassures, « Ne crains rien, ça se passera bien ! »
Il sera encore grand temps d’avertir « le Boss ».
Nous nous devons aussi de protéger son sommeil.
La connaissance des analyses sanguines sera déterminante.
Le programme opératoire de ce jour est important.
Tu es la vraie gardienne hospitalière, « Infirmière-Pénélope »,
Tu tricotes l’esprit d’équipe, essentiel à la mission de l’hôpital.
Tu structures cette collaboration nocturne, discrète et totale
Dans le plus beau tapis mendiant, ce patchwork
Composé de la res publica et de l’Amour du prochain.
 
Le jour se lève, il est bientôt cinq heures
Ta fille, ce matin est conduite à l’école par ta sœur
Tu attends la relève, désires prendre un café entre collègues
Et de pouvoir échanger de vive voix avec elles.
C’est d’abord, une façon de compléter les transmissions ciblées,
Issues d’un temps de chevauchement trop étriqué.
Tu restes aussi pour connaître l’atmosphère de la journée.
Et, « Il fait si bon de revoir ses collègues les amis de promotion,
Celles venues de Marseille, de Bruxelles ou d’Avignon ! ».
Enfin, d’être informée des nouvelles formations.
Malgré elles, les équipes de nuit perdent cette notion.
Soudain, par un éclat de voix tu es gratifiée :
« C’était toi cette nuit, la journée va bien démarrer ! »
 
Tu quittes l’hôpital à bord de ta voiture usée.
Ton contrat de trois ans de longue durée
N’est toujours pas crédible sur le marché.
Il faut attendre, garder les dents serrées.
Les bruits de la ville enflent de plus en plus haut.
Ils couvrent le vrombissement de ton tacot.
La ruche sociale bourdonne, tu rentres chez toi,

Tu gagnes ta chambre bien rangée
Laissés au milieu du lit
Découvres les tendres mots soulignés
Avec de petits cœurs colorés et assortis
Estampillés : « Maman reposes-toi bien, je t’aime aussi ! ».
Tu actives le climatiseur poussif et fermes les volets,
Éloignée de ce monde où tu participes sans arrêt
À réparer des drames de l’existence,
Heureuse maman1, tu es un peu fatiguée et allégée
Par le travail auquel tu fais allégeance.
L’amour du prochain chevillé à ton corps éprouvé,
« Gentille infirmière », tu sombres dans les bras de Morphée,
Sachant qu’il te faudra, avec joie, recommencer
Des rondes de nuit à mille aspects,
Qui sont des tournées d’amour sacrées,
Teintées de la plus grande humanité.
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