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« La réglementation de votre réserve marine est trop compliquée »

Quatre gardes des réserves naturelles marines de Saint-Martin dans les Antilles Françaises et de Petite–Terre en Guadeloupe étaient présents à La Réunion dans le cadre d’un échange de compagnonnage avec leurs homologues réunionnais. L'occasion pour tous de bénéficier de regards croisés sur les difficultés qu'ils rencontrent dans leurs territoires respectifs. Deux d'entre eux, Steeve Ruillet et Julien Athanase, respectivement gardes techniciens de la réserve de Saint-Martin et de la Désirade, parlent notamment de leur réglementation finalement très lisible contrairement à la Réunion mais qui n'offre pas de zones sanctuarisées à leur grand regret. Interview.

Ecrit par zinfos974 – le vendredi 02 mai 2014 à 17H25

Pouvez-vous nous présenter vos réserves marines respectives ?
Julien Athanase : Celle de la Désirade c’est 1.000 hectares de réserve dont 750 de partie maritime. La réglementation n’est pas la même qu’ici à La Réunion puisque tout prélèvement est interdit. Pareil pour les coquillages ou le camping. La réserve a été créée via une association en partenariat avec l’ONF et le conservatoire du littoral. Il n’y a pas, contrairement à ici, de délivrance de carte de pêche, car tout est interdit.
Steeve Ruillet : A Saint-Martin, nous avons 3.000 ha marins soit à peu près l’équivalence de votre superficie à La Réunion, plus 11 km de linéaires côtiers classés en réserve naturelle.

En quelle année ont-elles été créées ?
En 1998 à la Désirade comme à Saint-Martin.

Comment a été perçue la création de vos réserves marines à l’époque ?
Steeve Ruillet : La création s’est faite à l’initiative de Saint-Martinois même s’il y a eu au départ des gens mécontents. C’était légitime : quand sur des générations vous pêchez à un endroit et que du jour au lendemain on vous dit que c’est interdit, ça peut se comprendre. Maintenant, avec quinze ans de recul, on peut dire que la réserve est rentrée dans les mœurs et qu’après une grosse période de répression, on est plus maintenant sur de l’information. Après, il ne faut pas se leurrer parce que certains continuent à pêcher.

Y a t-il eu des conflits avec les pêcheurs ?
Julien Athanase : Oui, à Petite-Terre. C’était un site où tout le monde pouvait passer la journée et où les pêcheurs pouvaient pêcher. Mais après la création, ils se sont rendus compte des bienfaits de la réserve et essayent de respecter cette réglementation. Le monde n’est pas parfait, nous avons quelques petits problèmes avec des pêcheurs qui viennent en limite de la réserve mais ça reste quand même gentil par rapport au nombre de pêcheurs qui fréquentent le tour de la réserve.

Quel était l’état poissonneux des réserves et sur le corail au moment de la création ?
S.R: Chez nous à Saint-Martin, on n’a pas de grosse culture de la pêche traditionnelle comme on peut le voir ici avec des pêcheurs à la canne. Nous on est plus dans la petite pêche à la barque. Et il faut dire aussi que l’on a la problématique de la ciguatera, ce qui fait qu’on n’a quasiment pas de pêche côtière. La pêche au capucin, au poulpe, on ne l’a pas chez nous.

J.A: A la Désirade, la fréquentation touristique laisse des traces mais notre objectif c’est de faire de la sensibilisation parce qu’avant la création de la réserve c’était porte ouverte à tout le monde. Aujourd’hui, il n’y a plus personne sur l’île de Petite Terre après 16h. En journée, il y a des visites guidées organisées. La plongée est interdite, le paddle est toléré mais tout engin à moteur est interdit.

Quel bilan après 15 ans d’existence ?
J.A: On peut dire qu’il y a un retour de la faune et de la flore aquatique qui se fait progressivement même si Petite Terre est victime de son succès, soit 40.000 touristes par an.

Quelles espèces de requins y sont présentes ?
S.R: A Saint-Martin, nous avons du requin de récif pointe noire/pointe blanche, citron, dormeur et tigre. Mais il n’y a jamais eu d’attaque. Pourtant, nous avons une grosse pratique du surf principalement sur la vague de récif et sur la vague de plage.

J.A : A Petite-Terre, il y a du requin citron, de récif ou requin de corail et les requins dormeurs considérés comme inoffensifs. Il n’y a jamais eu de problème, que ce soit avec les baigneurs ou les plaisanciers. Il n’y a pas de pratique de surf.

Entend-t-on chez vous des reproches quant à la trop grande protection de ces périmètres ?
S.R: Non, je ne l’ai jamais entendu. Au contraire, nous recevons les félicitations du public. Cependant, certains pêcheurs constatent qu’effectivement, qu’entre le début de la réserve et aujourd’hui, il y a un retour de la faune et de la flore. Ils nous demandent quand est-ce que nous allons leur donner une autorisation de pêche. Mais ça, ça ne se fera jamais.

Quelles similitudes avez-vous retrouvé à La Réunion ?
S.R: Ici, c’est comparable à Saint-Martin par rapport à la fréquentation touristique. Les gardes d’ici sont obligés de composer avec le public qu’il y a sur les plages. Est-ce qu’ils devraient agrandir les zones sanctuarisées ? Il faudra le voir par la suite. Si ça ne tenait qu’à moi, j’étendrais la protection intégrale en agrandissant les zones sanctuarisées (ndlr : la RNMR reste ouverte à la pêche sur 95% de son étendue. Seuls 5% sont sanctuarisés). Les zones sanctuarisées sont très importantes à mettre en place car après leur effectivité, on voit vraiment la différence avec les autres moins protégées où on pratique par exemple du palme-masque-tuba.

Disposez-vous de zones sanctuarisées chez vous ?
Steeve Ruillet : Non, le décret de 98 interdit la pêche, la chasse sous-marine, le prélèvement de coquillages vivants ou morts. Par contre, on n’est pas dans une zone sanctuaire intégrale. Toute la réserve est praticable à tout un chacun avec parfois des us et coutumes de personnes qui font…parce qu’elles ne connaissent pas la réglementation.

Quel conseil donneriez-vous à vos collègues de la Réunion ?
Steeve Ruillet : Ça n’engage que moi : je pense que la réglementation est trop compliquée. On interdit ceci dans tel endroit mais on autorise dans tel autre etc…Est-ce que ça pourrait les aider d’aller vers une simplification de la réglementation, je pense que oui. Maintenant, quand on effectue des changements, il y aura des gens qui seront contents et d’autres pas du tout.

Combien de temps vous a-t-il fallu pour voir la réserve de la Désirade acceptée par la population ?
Au bout de 3, 4 ans ils ont compris l’intérêt. Les Désiradiens, les Saint-Franciscains, les Guadeloupéens pensaient que la réserve naturelle ça voulait dire : prendre la terre, la mer et la mettre sous cloche. Ils se sont finalement rendus compte que tout le monde pouvait en profiter, en respectant la réglementation.

 

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