Gédéon de Saint-Pierre a la même stature de danseur de flamenco que Gaston Lagaffe, autant de courage que Bertrand Labévue et de sincérité que Jules-de-chez-Smith-d’en-face quand il prétend être malade (inside joke). C’est pourquoi lorsqu’il a commencé à narrer aux policiers qu’on lui avait chouré sa voiture, le brave pandore a aussitôt remarqué que son nez s’allongeait.
« Pinocchio-la-kour « a aussitôt rectifié le tir et ses explications ont suscité une tornade de rires dans le commissariat. Tenez-vous bien…
La faute à un coup de vent
Selon lui et les termes de sa déposition, à huit heures du mat’, il était devant la Sécu et avait juste un papier à y déposer. Le temps qu’il descende de voiture, une bourrasque s’empare de la malicieuse feuille. Il court après au vol; durant ce temps un malfrat s’enfuit au volant de son véhicule. Un sourd rigolerait.
Avant qu’il ait fini sa phrase, le policier lui fait avouer qu’il est en train de raconter les Mille-et-une-nuits de Thomas-la-Gobe, ce qu’il admet sans problème. Vient alors l’explication, ahurissante, à peine croyable mais vraie.
Gédéon, 27 ans mais en faisant à peine 18, bras croisés dans le dos, répète ses exploits à la barre devant des juges tétanisés d’incrédulité. Et nous avec.
La veille, samedi, son papa lui a prêté sa voiture pour aller au bal. Il va au bal, arrose sa liberté et la bagnole de papa et, en rentrant, sur le coup des 4 heures du mat’, décide de passer par le Chemin-Badamier. Un large chemin allant de Bois-d’Olive à la ZI n°1 de Saint-Pierre. Une rue très fréquentable, aux virages larges… trop larges pour lui, complètement « charrettisé », si j’ose dire.
Un gade incroyable et sans bobo !
Patatras !… Vlan !… Bing !… et Outche !… Gédéon s’encastre dans une clôture qui cède sous son insistance, envahit une cour qui ne l’attendait pas, démolit quelques arbres paisiblement endormis et réveille toute la maisonnée. Lui s’en sort sans une estafilade.
Devant cet incroyable barouf, tout le monde surgit. Gédéon applique alors la règle très simple et efficace de son Kung Fu Wing Chung Pack personnel : « Tombé, levé, couri ! »
Pas vu pas pris, Gédéon erre jusqu’après potron-minet, le temps que les flics le reçoivent.
Mais pourquoi diable a-t-il tenté d’inventer cette faribole mal foutue de vol de voiture à cause d’un papier volage ? Il répète à la barre ce qu’il avait dit aux policiers :
« Moin lavé peur mon papa ».
Oui madame, oui monsieur, bonnes d’enfants et soldats : ce grand dadais de 27 ans a peur de papa. Il a donc tenté de faire croire qu’on lui a volé une bagnole pourrie plutôt que d’encourir les foudres paternelles.
Prison ou coups de pompes familiaux ?
Me Chung To Sang a bien tenté de ne pas rire aux éclats en défendant ce redoutable criminel. Faisant valoir que le délit de fausse dénonciation n’était même pas constitué puisque la déclaration de vol avait fini sa carrière en aveu complet de rouerie minable.
Le tribunal a été d’une générosité louable : amendes diverses.
Je n’ai pu m’empêcher de dire aux juges que s’il avait fallu condamner quelqu’un, c’eût été le papa : foutre à son fils de 27 ans une trouille telle que ce dernier préférât aller se faire mettre en prison (oups !) plutôt que de recevoir quelques coups de pompes familiaux, c’était fort de café.
La présidente Peinaud eut un de ses sourires rayonnants pour me demander si c’était ce que j’allais écrire dans mon article. Ses substituts Tomasini et Metzger étaient aux anges.
J’ai juré que non mais… impossible de ne pas vous en faire profiter.