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La guerre en Ukraine, quel positionnement pour la paix ?

« Près d’un an après, la guerre continue de faire des morts, des destructions, et à une échelle effarante », Martin Griffiths, chef des opérations humanitaires de l’ONU.

Ecrit par Reynolds-Michel – le samedi 18 février 2023 à 17H52

Le 24 février dernier – à quelques jours de ce triste anniversaire où tout a basculé – Vladimir Poutine, le président de la Fédération de Russie, lançait une agression armée contre l’Ukraine, un grand pays de 45 millions d’habitants, pays indépendant et souverain. Bombardements, tirs de roquettes, attaques de missiles… Les troupes et les colonnes de chars de l’armée russe entrent dans le pays et frappent à la porte de Kyiv (Kiev), la capitale. Il s’agissait au dire du président Poutine d’une simple « opération militaire spéciale » pour « démilitariser et dénazifier l’Ukraine », assortie d’une menace aux Occidentaux : « Quiconque tentera d’interférer avec nous, ou pire encore de menacer notre pays et notre peuple, doit savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et aura des conséquences que vous n’avez encore jamais connues » (Déclaration télévisée dans la nuit du jeudi 24 février 2022). Et ça a plutôt bien marché au début.

Les raisons de l’agression russe contre l’Ukraine

Quelques jours auparavant, le 21 février, au cours d’une intervention fleuve de près d’une trentaine de minutes, il disait entre autres contre-vérités historiques que : « Il n’y a pas de peuple ukrainien ; L’Ukraine n’a jamais existé ».  L’Ukraine serait une invention de Lénine, une création politique artificielle. Dénazifier veut donc dire dès-ukrainiser, c’est-à-dire détruire l’idée même du peuple ukrainien. Nous avons donc affaire à une guerre d’agression dont le but proclamé est la négation de l’idée nationale du peuple ukrainien, bref de son existence. Pour le président Poutine, l’Ukraine ne peut être autre chose qu’un territoire qu’on peut redessiner ou transformer en État-tampon sans se préoccuper du vœu de sa population. Or, l’Ukraine a voulu s’émanciper de la tutelle russe en choisissant le camp de la démocratie libérale. C’est inacceptable pour le président Poutine qui cherche à tout prix à mettre un terme à la progression de l’Ukraine sur la voie de l’intégration européenne et par la même occasion d’empêcher la propagation de la démocratie. Faut-il chercher ailleurs les raisons de l’agression russe contre l’Ukraine, commencée en 2014. « Sans l’Ukraine en effet, le rétablissement de la domination de Moscou sur les États qui se sont émancipés en 1990 est impossible », disait déjà Thérèse Delpech en 2005 (L’ensauvagement, Grasset, octobre 2005, p.259).

Celles et ceux qui suivent cette guerre depuis le début se souviennent, en 2013, des intimidations de Poutine pour forcer le président ukrainien Ianoukovitch à ne pas signer l’accord d’association de l’Ukraine avec l’Union européenne. Le recul de Ianoukovitch a entraîné de nombreux Ukrainiens à manifester leur mécontentement en déployant des drapeaux européens. Cette révolte/révolution dite de Maidan a conduit à la chute du président Ianoukovitch. N’acceptant pas cette perte d’influence de la Russie, le Président russe a choisi de répondre par la force et par la guerre, en annexant, en mars 2014, la Crimée en violation de toutes les règles du droit international (Cf. La résolution 68/262 adoptée par l’Assemblée des Nations-Unies le 27 mars 2014).

Cette guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine est devenue rapidement une guerre de terreur contre les populations civils destinée à leur infliger le maximum de souffrance en ciblant délibérément les infrastructures civils dans tout le pays : les réseaux électriques, les hôpitaux, les immeubles résidentiels, les espaces urbains, les théâtres, les ambulances, etc. L’OMS a recensé plus de 700 assauts contre des centres ou du personnel de santé dans tout le pays depuis l’invasion russe, « en violation du droit international » (ONU INFO, 20/12/2022). Par ailleurs, cette guerre en dix mois a déjà fait des dizaines de milliers de morts aux portes de l’Europe – le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) indique avoir enregistré 18.358 victimes civiles dans le pays : 7.031 tués et 11.327 blessés », ont détaillé les services du Haut-Commissaire Volker Türk (ONU/Info du 17 janvier 2023). « Ce n’est pas tant une guerre contre l’armée ukrainienne qu’une guerre contre la population civile, qu’on a l’air de vouloir exterminer », conclut Vaira Vike-Freibergan, ancienne présidente de la Lettonie.

Prendre le parti de la paix

Malgré une guerre inhumaine et sacrilège déclenchée par la Russie ; malgré ce massacre insensé, où chaque jour se répètent des horreurs et des atrocité (pape François, dimanche 3 avril 2022), nous trouvons encore des gens qui ne cessent de chercher des circonstances atténuantes au président Vladimir Poutine, voire même des raisons pour justifier sa guerre contre l’Ukraine au nom d’un certain anti-américanisme ou européanisme. Certes, une lecture géopolitique (de cette guerre barbare et insensée) axée sur les grandes puissances et leurs manœuvres et stratégies internationales n’est pas illégitime. Elle s’avère même parfois nécessaire. Sous réserve qu’elle n’occulte pas ou ne gomme pas les revendications citoyennes et les droits des peuples à disposer d’eux-mêmes . Et qu’elle tienne également compte que dans cette guerre d’agression, il existe un agresseur et un agressé. Aujourd’hui, c’est la Russie de Poutine et non l’Otan, qui fait la guerre à l’Ukraine, l’arrachant du territoire au nom d’une vision impériale, doublée d’une négation nationale de l’autre. « Ignorer l’impérialisme russe est une terrible erreur pour la gauche », déclare Edwy Plenel.

Prendre le parti de la paix, ce n’est certainement pas promouvoir quoi – qu’il arrive – la neutralité, encore moins prendre le parti de la Russie de Poutine en s’alignant sur les éléments de langage du Kremlin : une réponse face aux menaces de l’Occident en vue de  préserver la sécurité de la Russie ; défendre les intérêts du peuple russe et russophone dans le Donbass, etc. C’est surtout cette dernière lecture que nous dénonçons, parce qu’elle reste enfermer dans une veille grille de lecture anti-impérialiste des années 1960-1970, n’arrivant pas à penser le basculement géopolitique contemporain (Jean-Yves Pranchère, Esprit, mars 2022). Il y a de la part de celles et ceux qui estiment que l’OTAN, associé à l’impérialisme états-uniens, est responsable de cette guerre, une sous-estimation du danger que représente l’impérialisme russe.

Plus généralement, après le passage à l’acte de Poutine le 24 février dernier, un certain nombre d’observatrices et d’observateurs de la Russie se sont demandés si les responsables occidentaux avaient suffisamment pris au sérieux ce que disait et écrivait le président Poutine avant cette date fatidique, entre autres : la fameuse déclaration qui inaugura son règne : « La chute de l’URSS fut la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle ». Cette déclaration donne-t-elle à penser que la volonté de réparer cette injustice historique – à ses yeux – est au centre de sa pensée ? Plus clairement : Poutine se croit-il investi de la mission de restaurer la puissance de la grande Russie ? Nos observatrices et observateurs de la Russie pensent que Poutine mène une guerre qui ne se limite nullement aux frontières de l’Ukraine. Les prétentions de l’impérialisme russe sont loin d’être régionales : elles ne s’arrêtent pas aux frontières de l’union européenne, mais sont alimentées par le désir de changer le soi-disant ‘ordre mondial’.

Pour conclure

La recherche de la paix ne dispense pas de lucidité et d’un dialogue exigeant. C’est en s’attaquant aux causes profondes d’un conflit qu’on s’engage sur les chemins de la paix, d’une paix durable et réalisable qui soit conforme à la Charte des Nations Unies et au droit international (Miroslav JENCA, du Département des affaires politiques des Nations-Unies (ONU INFO, 17 février 2023). Pour l’heure, la résistance et la détermination des Ukrainiens et la Russie de Poutine qui fait preuve d’une mentalité « impérialiste et néocolonialiste » (Emmanuel Macron, Munich, 17/02/2023) laissent entrevoir peu d’issues, aussi bien sur le champ de bataille que sur le front de la diplomatie.

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