Si à la Réunion, l’évasion fiscale dans les « paradis fiscaux« , comme les Seychelles ou Maurice, est très difficile à quantifier, l’optimisation fiscale et ses travers, via majoritairement la défiscalisation, représente une grande partie de la fraude fiscale estimée entre 300 et 380 millions d’euros par an, sur les 1,248 milliard d’euros collectés au titre des impôts à la Réunion. Aujourd’hui, l’administration fiscale réunionnaise ne peut s’appuyer « que » sur 40 agents dédiés aux contrôles fiscaux externes et répartis dans deux brigades, une dans le Nord et une autre dans le Sud de l’île. « Trop peu« , souligne Pascal Valiamin, délégué régional de Solidaires Finances Publiques à la Réunion.
La fraude fiscale s’élève dans toute la France entre 60 et 80 milliards d’euros, pour 254 milliards collectés par an en moyenne. Un chiffre qui traduit les difficultés de la France a lutté efficacement contre la fraude fiscale. Au niveau national, notre pays compte 5.039 agents dédiés aux contrôles fiscaux, pour 3,62 millions d’entreprises, soit 718 entreprises pour un agent. On est très loin de nos voisins européens comme l’Allemagne ou le Royaume-Uni, où un agent contrôle en moyenne entre 300 et 450 entreprises. « Quand on entend dire que les contrôles fiscaux en France ou à la Réunion sont importants, c’est faux. La réalité est une faible couverture du contrôle fiscal« , explique Pascal Valiamin. Pour aller plus loin dans le comparatif, en raison du faible nombre d’agents, une entreprise se ferait contrôler une fois tous les 100 ans. « A la Réunion ce serait une fois tous les 200 ans« , précise ironiquement Jocelyn Cavillot, délégué régional de Solidaires 974.
26.000 emplois supprimés dans l’administration fiscale en 10 ans
Le syndicat pointe du doigt le double langage du gouvernement. Après « l’explosion » de l’affaire Cahuzac, les politiques de tout bord montent au créneau pour demander plus de moyens dans la lutte contre la fraude fiscale. « C’est du pipeau tout ça ! Entre 2002 et 2012, les gouvernement successifs ont supprimé plus de 26.000 emplois dans l’administration fiscale. A la Réunion on a perdu 50 agents« , souligne Pascal Valiamin. Et le syndicat Solidaires ajoute que ces suppressions de postes se sont faites uniquement dans une pure « logique » économique. « L’administration fiscale n’est pas prioritaire« , explique-t-il.
Même si l’arsenal juridique a été renforcé au cours des dernières années, le manque de coordination avec l’Union Européenne se fait ressentir, notamment en matière de fraude fiscale à l’internationale. « L’Union européenne estime à 1.000 milliards d’euros par an le montant de la fraude fiscale internationale en Europe. En France le Sénat estime, dans une fourchette basse, à 35 milliards d’euros cette fraude« , ajoute Magali Billard, délégué régionale adjointe à Solidaires Finances Publiques à la Réunion.
A la Réunion, une part importante de la fraude fiscal passe par la défiscalisation. « Pour faire simple, j’achète un camion que je veux faire défiscaliser à hauteur de 1 million d’euros. Mais un camion qui m’a coûté en réalité 300.000 euros. Sauf qu’entre le montant de la vente, un ou deux intermédiaires sont apparus pour mettre en place un réseau sophistiqué avec un but, celui de défiscaliser un camion, qui vaut 300.000 euros, pour un montant de 1 million d’euros. Ce sont des procédés que l’administration fiscale chasse à la Réunion, car on est dans la fraude« , explique Jocelyn Cavillot.
Une brigade de contrôle régionale pour traquer l’évasion fiscale à Maurice et aux Seychelles ?
Pour lutter plus efficacement contre ces pratiques, Solidaires réclame en urgence la création « d’une troisième brigade de contrôle fiscale externe« . « Ça fait plusieurs années qu’on la demande« , précise Pascal Valiamin. Une brigade à « rayonnement régionale » car l’évasion fiscale à la Réunion est une « réalité » pour le syndicat. « On sait qu’elle existe à la Réunion. Mais il faut une volonté politique pour mettre en place une telle brigade à volonté régionale. Il faut nous donner du temps pour continuer à traquer la fraude fiscale« , ajoute-t-il. Tout proche de nous, les Seychelles et l’île Maurice sont des pays où l’évasion fiscale peut être facilité, via des comptes off-shore confiés à des sociétés écrans. « C’est le cas aux Seychelles notamment« , souligne Pascal Valiamin. Pour Maurice, une convention avec la France a été signée pour faciliter les demandes de renseignements bancaires. « Mais c’est une convention compliquée à mettre en oeuvre« , reconnait Jocelyn Cavillot.
Quant à savoir si la fraude fiscale à de l’avenir en France et à la Réunion, Solidaires Finances Publiques répond « oui« . « Même le Sénat le souligne« , explique Magali Billard. Reste aux politiques et au gouvernement à se saisir réellement de la question. « Au final c’est le contribuable lambda qui paie pour compenser la fraude fiscale. Aujourd’hui on est capable de refuser un dégrèvement de 100 à 200 euros sur des impôts fonciers. Mais on n’est pas capable d’aller chercher un compte à l’étranger. Ce n’est pas juste et les Français auront de plus en plus de mal à aller payer leurs impôts« , conclut Pascal Valiamin.