Les régions éloignées de l’Europe (la Réunion, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et Saint-Martin pour la France, les Açores et Madère pour le Portugal et les îles Canaries pour l’Espagne) sont venues en force à Bruxelles, signe de l’importance qu’elles attachent à l’événement.
Elus de la Région, du Département, cadres administratifs des deux collectivités, représentants du monde socio-économique : ils seront plus de 500, venus des neuf RUP, à siéger demain jeudi 31 mars aux côtés de Jean-Claude Juncker, le président de la Commission européenne, ainsi que de trois commissaires européens, dans le cadre de ce 4ème Forum, le plus important depuis que cette réunion a été mise en place, selon le président Didier Robert.
Les RUP, des bombes à retardement en puissance
Il est vrai que le contexte est particulièrement stratégique: Outre les événements en Guyane et la tension récurrente à Mayotte qui montrent que le retard accumulé par les RUP en fait des bombes à retardement en puissance, outre le départ programmé de la Grande-Bretagne qui contraint l’Europe à repenser de fond en comble son organisation, son budget et ses priorités, les bons scores réalisés dans les sondages par les candidats favorables à un départ de la France de l’Europe sont là pour rappeler aux membres de la Commission européenne que l’heure n’est peut être plus à l’intransigeance, comme ce fut le cas par le passé. Bruxelles ne peut plus vivre dans une tour d’ivoire, coupée des réalités que vivent les populations dans les territoires. L’heure est désormais semble-t-il à l’écoute et à la prise en compte de la parole des élus.
Les RUP, les « enfants batards » de l’Europe
Fini le temps où les RUP étaient considérés comme les « enfants batards » de l’Europe. Lors d’une réunion préparatoire avec la presse ce soir, les responsables de la communication de la Commission se sont évertués à faire passer le message qu' »il n’y a aucun sujet tabou« , que « la Commission est à l’écoute« , que ce rendez-vous tombe à point nommé et que la « balle est dans le camp des RUP« . « C’est à vous de faire des propositions« , nous a-t-on répété à plusieurs reprises.
Ca tombe bien car des propositions, il va y en avoir. De très nombreuses, même! Pas moins de 150 regroupées en 17 thématiques comme les accords commerciaux, l’agriculture, les aides d’Etat, l’emploi et la mobilité, l’énergie, l’entreprise, l’environnement, la migration, les transports…
Et le tout dans un contexte très favorable. En décembre 2015, la Cour européenne de Justice a rendu un arrêt capital signifiant à la Commission européenne que, contrairement à ce qu’elle appliquait jusque là, l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne habilitait bien le Conseil à adapter pour les RUP non seulement le droit primaire mais aussi le droit dérivé, comme par exemple l’octroi de mer, et ce sans restreindre son pouvoir à une catégorie particulière de mesures.
Et encore une fois, c’est Jean-Paul Virapoullé, avec son sens connu de la formule, qui a le mieux résumé la révolution qui s’annonce : « Nous allons passer de l’adaptation possible à l’adaptation obligatoire » et nous cesserons « de mendier les adaptations aux règlements« .
Une continuité territoriale pour tous ?
Les conséquences seront nombreuses pour les Réunionnais. Par exemple, le président Didier Robert a souhaité que dorénavant l’Europe applique pleinement aux RUP le principe fondateur de la libre circulation sur son territoire des biens et des personnes. Avec comme corolaire l’instauration d’une aide spécifique à la continuité territoriale qui viendrait en complément de celle versée par la Région, et peut être par l’Etat demain. A la question : »Peut-on imaginer que tous les Réunionnais bénéficient prochainement d’une aide à la continuité territoriale?« , le président Robert a répondu par : « Rien ne me parait impossible« …
Dans un autre domaine, il souhaite l’instauration d’une clause de sauvegarde permettant aux états de bloquer ou de freiner pour les RUP concernées les accords passés par l’Europe avec des pays émergents dans certains domaines très particuliers où ils risqueraient de tuer l’agriculture de nos régions avec des produits souvent de moins bonne qualité et produits dans des conditions sociales désastreuses.
L’inconnue des restrictions budgétaires
On le voit, ce forum peut représenter un formidable coup d’accélérateur pour notre économie. Paraphrasant la phrase d’Amstrong posant le pied pour la première fois sur la lune, Didier Robert a osé une image : « Ce sont deux jours pour l’Europe, mais un grand jour pour les RUP« . Et de conclure en affirmant que certes, « le combat n’est pas gagné, mais nous sommes à un moment clé. Si l’Europe accepte d’accompagner davantage ses territoires les plus fragiles« , alors le plus grand espoir est permis.
On ne connaitra la réponse de la commission européenne qu’en décembre mais déjà jeudi, le discours du président Jean-Claude Juncker devrait permettre de tâter le pouls des intentions des responsables de la Commission. Et notamment de savoir si les restrictions budgétaires prévisibles suite au départ de la Grande Bretagne ne vont pas venir doucher les beaux espoirs de la délégation réunionnaise.