J’imagine déjà les réactions outragées que cet édito va susciter. De la part de la Chambre d’agriculture, des usiniers, de certains planteurs… Mais pas grave, je ne suis pas là pour faire plaisir à tel ou tel lobby mais pour dire ce que je pense. Et oui, je pense que la canne à sucre est une ineptie à la Réunion.
Pourquoi ? Je vais vous l’expliquer, mais posons d’abord les données du problème.
Implantée dans l’île depuis le 17ème siècle, la canne couvre près de 60% des surfaces cultivées à La Réunion, soit plus de 24.000 ha et elle fait vivre plus de 3.000 exploitations.
Chaque année, environ 1,9 million de tonnes de cannes sont récoltées pour une production moyenne de 210.000 tonnes de sucre. Environ 90% de cette production est exportée en Europe, ce qui la place au premier rang des exportations de l’île : 80% en volume et environ 50% en valeur.
La filière Canne-Sucre représente près de 14.000 emplois directs et indirects, soit un peu plus de 10% des emplois du secteur privé de La Réunion. Ce n’est pas rien et on ne touche pas impunément à un secteur d’activité de cette importance.
Après une période florissante où l’ile a compté plus de 200 usines sucrières, on n’en recense plus que deux aujourd’hui, une dans l’Est à Bois rouge et l’autre dans le Sud au Gol.
Je vous aurai dressé un tableau complet quand je vous aurai dit que ces deux usines appartiennent désormais à une multinationale, Tereos, le deuxième groupe sucrier mondial.
Alors pourquoi, selon moi, la canne est-elle aujourd’hui une ineptie à la Réunion.
Nous produisons certes près de 2 millions de tonnes de cannes chaque année. C’est bien. Mais la canne, que je sache, ça ne se mange pas. Or, alors que la grosse majorité des terres cultivables sont immobilisées pour la canne, nous importons chaque année des dizaines de milliers de tonnes de fruits et de légumes.
Ces deux activités, la production de fruits et de légumes, mobilisent environ 6.000 ha de terres agricoles, contre je vous le rappelle 24.000 ha pour la canne. Et sur ces 6.000 ha, nous produisons tous les ans environ 53.000 tonnes de légumes et 43.000 tonnes de fruits, ce qui ne couvre qu’environ 70% des besoins de la population réunionnaise en produits frais.
Tous les ans, nous importons donc 25.000 tonnes de pommes de terre, de haricots, d’oignons, d’ail, de carottes, mais aussi 19.000 tonnes de pommes, d’oranges, de clémentines, de kiwis, et j’en passe…
Or, nous savons tous que nos carottes produites localement sont mille fois meilleures que celles importées d’Australie. Pareil pour nos oignons, notre ail, etc…
Et je ne vous parle pas des légumes congelés importés dont le tonnage grossit d’année en année.
Pour résumer, nous mobilisons la plus grosse partie de nos terres agricoles pour produire de la canne qui n’est pas rentable et qui ne subsiste qu’à coups de subventions énormes. Laquelle canne ne peut pas être mangée et produit un sucre qui est en excédent au niveau mondial, c’est-à-dire dont on n’a pas besoin. Canne pour laquelle nous produisons du CO2 pour l’exporter en Europe.
Alors que dans le même temps, nous produisons encore du CO2 pour importer des fruits et des légumes dont les Réunionnais ont besoin, qui sont de meilleure qualité et que nous ne produisons pas suffisamment.
Personne ne se rend compte qu’il y a un problème ???