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La Vanille de Bourbon

La civilisation Aztèque appréciait la vanille et la cultivait précieusement lorsque les grands explorateurs européens l’ont remarquée. La vanille importée du Mexique a conquis la noblesse européenne. Sous le règne de Louis XIV, elle parfumait cacao, confiseries et laitages. La cour, enthousiaste de tout ce qui était exotique, avait été enchantée par la vanille et ne pouvait plus s’en passer

Ecrit par Sabine Thirel – le samedi 13 février 2010 à 06H01

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Le 26 juin 1819, le Commandant Pierre-Henry Philibert, Créole de l’île, est le premier à introduire à Bourbon la « Vainilla Planifolia » qui vient de Cayenne. Le botaniste Perrotet qui l’accompagne, y  rapporte la variété « pompona ». Lors d’une autre expédition vers Manille, le botaniste, encore du voyage, regroupe de nombreuses boutures de « tahitensis » qu’il ramène en mai 1820. Mais, l’orchidée « Vainilla », fleurit sans donner de fruit.   
 

 

Alors, à la demande de David de Floris, propriétaire créole de Saint-André, M. Marchant, ordonnateur de l’Ile, profite d’un voyage en France pour se procurer des plants. Il sait qu’au  Muséum de Paris, depuis le XVIème siècle, des boutures de vanille rapportées du Mexique y sont cultivées sous serres. Mais, cette orchidée fleurit aussi sans donner de fruit. Cette fois,  il embarque et prend personnellement soin des échantillons pendant les cinq semaines de voyage. La nuit, les boutures montées sur le pont sont aérées. Le jour, protégées par des tissus humides, elles restent dans les cales. 
Sur les trois variétés importées à Bourbon, la « vanilla planifoli »a ou « vanilla fragrans » ou encore « petite vanille » est la plus résistante. Il s’agit de celle du Mexique via Paris. Dans l’île, les batailles de reconnaissance commencent entre plusieurs acteurs, privilégiant l’introduction de la vanille à Bourbon par Marchant, puis par Perrotet ou encore par Philibert. Mais le problème est de savoir  qui en découvrira la méthode de fécondation. Au Mexique, des abeilles (le Melipona) assurent la pollinisation. Puis apparaissent les gousses vertes qui en brunissant dégagent une fragrance suave si raffinée.

 

En 1829, à Sainte-Suzanne le petit Edmond, dont la mère,  esclave des champs, meurt en le mettant au monde, grandit auprès de M. Ferréol Bellier Beaumont dont il devint le petit protégé. Quelques années après l’abolition de l’esclavage, le maître de Bellevue écrivait : « A cette époque, ce petit Noir créole, (…) était mon gâté, et constamment avec moi. »

En 1836, dans le Jardin botanique de Lièges, Morren réussit la fécondation manuelle de la vanille à titre expérimental. Localement en 1841,  Edmond, trouve à son tour le procédé de fécondation de la vanille. 
Ferréol Bellier écrit encore en février 1861: «  Me promenant avec mon fidèle compagnon, j’aperçus(…) une gousse bien nouée. Je m’en étonnai, et le lui fit remarquer. Il me dit que c’était lui qui avait fécondé la fleur. Je refusai de le croire, et passai. Mais 2 à 3 jours après je vis une seconde gousse près de la première. Je demandai alors comment il avait fait. Il exécuta devant moi cette opération que tout le monde pratique aujourd’hui… »

 

Ferréol Bellier Beaumont, passionné de botanique, fier de son esclave, propose de le louer aux planteurs des environs. Par la suite pour faire connaitre la découverte, dans le journal Le Moniteur, il décrit une fécondation : 
« La fleur du vanillier est portée sur l’embryon du fruit…  Elle se divise en six parties dont la partie intérieure est roulée en cornet et porte les organes de la reproduction. Son orifice s’ouvre entre deux petites lames stigmatiques coudées en avant…  Immédiatement au dessus, les deux anthères réunies sont contenues dans un petit sachet pédiculé, ouvert à sa partie antérieure et repliée sous une sorte de capuchon formé par la dilatation du style.

 

Il parait que c’est la lame supérieure du stigmate qui, par son interposition entre celui-ci et  les anthères, s’oppose à la fécondation. Pour l’opérer, avec la pointe d’un cure-dent ou d’une épingle, on redresse cette lame en l’appliquant sur la face intérieure du style et en même temps, on abaisse le petit sachet qui contient les anthères sur l’orifice du style, qui est le véritable stigmate. Par une légère pression, les anthères persistent dans la position qu’on leur a donnée. Si la fleur flétrie reste attachée à l’extrémité de l’embryon, c’est un signe certain que l’opération a réussi. Du moment de la fécondation de l’embryon à celui de la maturité du fruit, il s’écoule dix mois ou une année. »

Après cette découverte, Bourbon connait une grande période de prospérité qui atteint un essor incomparable en 1848, l’année où  l’esclavage est aboli.

 

C’est alors que l’esclave Edmond, devient Edmond Albius, en référence à la bancheur de la fleur du vanillier. Mais, ne sachant ni lire, ni écrire, n’étant propriétaire d’aucun  vanillier, il ne peut rien revendiquer et profiter de sa découverte. À vingt ans, il disparait dans l’anonymat des  62 000 affranchis. Edmond connait bien des déboires, pauvreté, vols, emprisonnement puis revient à Bellevue, se consacre à  la botanique fécondant les fleurs de vanille pour M. Ferréol Bellier qui était intervenu pour sa sortie de prison. Il meurt à Bellevue en 1880.

 

Cependant, la fécondation ne suffisait pas pour avoir une bonne vanille et une production régulière. La technique devait être perfectionnée pour  une meilleure qualité. En 1851, un autre créole  Ernest Loupy, voisin Saint-Andréen de David de Floris, découvre le « procédé Loupy » ou « Procédé réunionnais » de l’ébouillantage qui améliore rendement et qualité.
 

 

Aujourd’hui, la vanille fait partie du patrimoine de la Réunion et figure sur son blason.
Vanilla Planifolia ou Vanilla Fragrans : Introduite dans anciennes colonies françaises de l’Océan indien, est la plus produite dans le monde. Elle pousse à Madagascar, aux Comores et à la Réunion sous l’appellation « Vanille Bourbon »). Pour Laurence Cailler, spécialiste en vanille, « – La Malgache est chocolatée et sucrée,  – La vanille de la Réunion est beaucoup plus douce, très chargée en humidité, aux arômes presque dilués.- La vanille des Comores est plus masculine, plus sauvage ». 

Sources :
Interview de Laurence Cailler, experte en vanille par Hervé Nègre pour Authentic Products  en septembre 2008

Le Monde de la Vanille  – Historique et Origine de la vanille – www.mondevanille.com
Raoul LUCAS – La Réunion île de la Vanille – Océan Editions- Février 1990
“Plantes et Santé” N°56 de mars 2006.
Vanilles et Orchidées – Musée international de la parfumerie –
Editions Edisud, La Calade, 13090 Aix-En-Provence – 1993
Vanille orchidée de l’île de La Réunion www.mi-aime-a-ou.com

 

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