Le courrier, adressé le 30 septembre dernier (voir copie en fin d’article) par le rapporteur auprès de la CNCCFP, rappelle en préambule les règles à respecter : « L’article L. 52-12 du code électoral dispose que le compte de campagne doit retracer l’ensemble des recettes perçues et l’ensemble des dépenses engagées ou effectuées en vue de l’élection« . Or, fait remarquer Mme Catherine Mairesse (un nom prédestiné pour une personne chargée de superviser les élections municipales…), « certaines dépenses semblent ne pas figurer dans votre compte de campagne« .
Les interrogations du rapporteur de la CNCCFP portent sur une multitude de points sans grande importance que l’on retrouve en fin de courrier et pour lesquels la candidate ne devrait pas avoir de grandes difficultés à se justifier. Et dans la pire des hypothèses, les montants correspondant aux factures litigieuses, qui ne sont pas très élevées, pourraient simplement ne pas être remboursées.
Trois points sont cependant potentiellement beaucoup plus graves. Détaillés en début de courrier, ils pourraient causer de sérieux problèmes à l’actuelle maire si ses explications n’arrivaient pas à convaincre la CNCCFP.
Qui a payé le livre écrit à la gloire de Vanessa Miranville ?
Il y a tout d’abord un livre écrit par Gilette Aho intitulé « Vanessa Miranville, une femme d’ici et maintenant« , sorti plusieurs mois avant l’élection. La commission souhaite connaitre le coût de publication de cet ouvrage et le nombre d’exemplaires édités.
Accessoirement, grâce à la facture, la commission nationale cherche à savoir qui a payé cette publication.
Cette dépense ne figure pas dans les comptes de campagne déposés par Vanessa Miranville.
La sortie de ce livre à la gloire de la maire de La Possession, quelques mois avant l’élection, semble apparemment suspecte aux membres de la commission. Mais surtout, ils cherchent à savoir si la mairie a participé à son financement.
D’après nos informations, ce n’est pas le cas. Reste à savoir si elle n’en aurait pas acheté un certain nombre d’exemplaires pour les offrir sous forme de cadeaux. Ce qui reviendrait, indirectement, à un financement sur fonds publics.
Un magazine qui dresse le bilan de la première mandature… et fait de la prospective jusqu’à la fin d’un éventuel second mandat…
Beaucoup plus embarrassant est le deuxième point.
La commission demande à Vanessa Miranville de lui transmettre un exemplaire du magazine « La Possession 2014-2025 – Avec vous pour vous / Ek zot pou zot » et de lui en indiquer le coût grâce là encore à la production de la facture.
Ce point est plus embarrassant car le magazine en question a bel et bien été payé par la mairie.
Or le code électoral (article L 52-1) interdit aux collectivités publiques de mener des actions de propagande pendant les six mois qui précèdent une élection : « Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d’une élection et jusqu’à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, l’utilisation à des fins de propagande électorale de tout procédé de publicité commerciale par la voie de la presse ou par tout moyen de communication audiovisuelle est interdite. À compter du premier jour du sixième mois précédant le mois au cours duquel il doit être procédé à des élections générales, aucune campagne de promotion publicitaire des réalisations ou de la gestion d’une collectivité ne peut être organisée sur le territoire des collectivités intéressées par le scrutin« .
Concrètement, cela signifie qu’une commune n’a pas le droit de financer une action de communication qui assurerait la promotion d’un futur candidat dans les six mois précédant le scrutin. Cette interdiction est très large et concerne également les actions de promotion des actions réalisées ou toutes communications sur la gestion locale qui pourraient avoir un impact électoral.
En l’espèce, selon nos informations, le magazine « La Possession 2014-2025 – Avec vous pour vous / Ek zot pou zot » a bel et bien été financé par la mairie. Il a non seulement dressé sur fonds publics un bilan de la première mandature de Vanessa Miranville mais, beaucoup plus grave, et comme son titre l’indique, il a fait de la prospective et dit à quoi pourrait ressembler La Possession en 2025 si la maire sortante était réélue…
Ce qui revient à faire payer sur fonds publics un organe de propagande électorale.
On ne peut pas faire plus gros doigt !
Si ces faits devaient être confirmés, Vanessa Miranville aurait ainsi fait payer par la mairie, et donc par une personne morale, une partie de ses dépenses de campagne, ce qui est strictement interdit par un autre article, le L. 52-8 du code électoral. Et très, très mal vu des juges administratifs.
Une voiture de la mairie a-t-elle été utilisée pendant la campagne ?
Enfin, la commission nationale des comptes de campagne souhaite avoir des précisions sur l’utilisation, semble-t-il, d’un véhicule de marque Renault Zoé, suspecté d’appartenir à la mairie, et utilisé par le premier adjoint pendant la campagne.
« Selon des informations, précise le courrier, cette voiture serait susceptible d’être un véhicule de la mairie et elle aurait été utilisée dans le cadre de la campagne électorale avec le concours éventuel du 1er adjoint comme chauffeur« .
En conséquence, elle demande à la candidate de lui indiquer « s’il a été fait usage » de ce véhicule pendant la campagne.
Pour information, dans l’hypothèse où le candidat est le maire sortant, il lui est interdit d’utiliser les moyens matériels de la commune pour la campagne électorale (voiture de fonction, téléphone, etc.) ainsi que le recours au personnel municipal. C’est la raison pour laquelle la première action d’un candidat est de louer des voitures pour toutes les personnes amenées à faire campagne et à leur fournir un téléphone portable, dépenses qui seront ensuite déclarées dans les comptes de campagne et remboursées par l’Etat si la liste dépasse la barre fatidique des 5% des suffrages.
Si effectivement une telle faute a été commise, ce serait une faute de débutant.
Le fait que la commission pose cette question très précise peut laisser penser qu’elle agit sur dénonciation. Peut-être de la part de Philippe Robert, le candidat battu du second tour, qui a immédiatement porté plainte peu après l’élection.
Que peut-il se passer maintenant ?
Le courrier envoyé le 30 septembre n’est que le début d’un long processus. C’est une demande d’informations. Vanessa Miranville va maintenant y répondre. Si les éclaircissements qu’elle fournit satisfont la CNCCFP, les choses en resteront là et elle pourra terminer son mandat tranquillement.
Si ce n’est pas le cas, la commission a deux options. Soit elle redemande d’autres précisions et ce jeu de questions-réponses peut durer un certain temps. Soit elle estime qu’elle est en mesure de prendre une décision au vu des réponses fournies.
Dans cette hypothèse, encore deux solutions. Elle peut estimer que les précisions apportées par Vanessa Miranville l’ont convaincue et elle referme le dossier.
Si d’aventure, elle estimait que de l’argent public a bel et bien, soit directement soit indirectement, servi à financer la campagne électorale de la maire sortante, elle décidera alors de rejeter les comptes de campagne, ce qui aura pour conséquence que l’Etat ne rembourserait pas les frais engagés. Mais beaucoup plus grave, elle transmettrait le dossier au tribunal administratif qui est le juge des élections pour les municipales.
A charge pour lui de mesurer la faute commise, de jauger si elle a été intentionnelle ou d’inadvertance, avant de prononcer son jugement qui peut aller jusqu’à une peine d’inéligibilité de plusieurs années.
Un précédent à La Possession
A l’issue de la campagne des sénatoriales de novembre 2018, Françoise Lambert avait été déclarée inéligible pour trois ans par le Conseil constitutionnel qui est compétent pour ce type d’élection.
Que lui reprochait-on ? D’avoir simplement présenté des comptes de campagne d’un montant de… 1.622 euros, qui n’avaient pas été validés par un expert-comptable !
Une simple broutille qui lui a cependant valu trois ans d’inéligibilité !
La preuve que les juges administratifs sont très pointilleux avec tout ce qui touche au respect des règles.
S’il devait s’avérer que le magazine a bien été payé par la mairie et que la voiture Renault Zoé a bien été utilisée pour faire campagne, Vanessa Miranville aurait du souci à se faire…