La Préfecture rappelait le 10 avril dernier les consignes de prudence à avoir lors de l’intersaison concernant le comportement des requins. Les stations d’écoute disposées le long de la côte Ouest depuis deux ans parlent. La Ligue de surf, qui bénéficie d’un droit de regard sur ces résultats de l’IRD et du CRESSM (qui possède ses propres balises), lance un message préventif qu’elle espère dissuasif vis-à-vis des passionnés qui continuent à se mettre à l’eau.
« Ces consignes ne sont pas le fruit d’une interprétation », signale d’emblée Eric Sparton, le président de la Ligue Réunionnaise de Surf. S’il avoue ne pas être adepte du catastrophisme à tout-va, il ne peut passer sous silence certaines données connues que d’un petit cercle de bénévoles en lien avec ces partenaires sportif et scientifique. « Nous pouvons extraire les données des balises du Comité régional d’études et des sports sous-marins sans aucune restriction. Le président du CRESSM, Jean-Marc Charel, et moi-même avons un accord inter-mouvement sportif ». Malgré le contrat de confidentialité qui le lie avec l’IRD, le président de la Ligue se réserve le droit, dit-il, quand il le faut, de sortir de ce cadre, pour informer.
« Depuis mi-mars, on constate une augmentation alarmante de la présence des requins marqués », signale-t-il. « Nous avons déjà constaté ces pics dans le passé, ce sont des périodes où les risques d’accidents augmentent ».
Sur 31 requins bouledogues marqués encore actifs, 10 restent le long des côtes, de Trois Bassins à Boucan Canot, au mois d’avril. Ce qui constitue une forte augmentation par rapport aux mois précédents. « On ne parle que de requins marqués car nous n’avons pas d’estimations sur le nombre réel de requins présents », ajuste-t-il naturellement.
Des bips à toute heure de la journée
Depuis le début avril, aux Roches Noires, mais également à la passe des Aigrettes ou à Trois Bassins, les bénévoles qui se relayent pour relever les résultats « au moins une fois par semaine » constatent une augmentation significative des passages en journée. Aux Roches Noires en début avril, deux requins sont présents le 9 entre 6h00 et 15h00. Ces requins sont également détectés par la bouée de l’entrée du port de Saint-Gilles. Ils sont de passage à 6h00, à 7h00, à 10h00 puis à 14h00. « Nous n’avions pas constaté de passage près du port depuis des mois », compare Eric Sparton.
Ces requins « bipent » à nouveau à la passe de l’Ermitage certains jours d’avril à 12h ou encore à 15h. Aux Aigrettes, mercredi 9 avril, un mâle de 3 mètres est détecté à 9h00 du matin. A Trois Bassins, les passages près des côtes le matin sont fréquents.
Toujours début avril, les équipes constatent la présence d’une femelle le jeudi 3 avril à 10h. Une autre le lendemain à 6h00, puis une troisième le même jour à 14h00.
L’ensemble de ces relevés concerne des stations d’écoute disposées le long de la côte par 10 à 20 mètres de profondeur, autant dire que la population de requins bouledogues « est à l’affût de quoi que ce soit ».
Message de prudence au-delà des licenciés
Malgré les appels à la prudence, le président de ligue admet que « des passionnés sont prêts à tout pour pratiquer leur sport ». Parmi eux, « j’ai des amis et je n’ai pas envie de vivre un drame surtout que les présences sont vérifiées, les chiffres sont là ».
Son message s’adresse donc, au-delà des 500 licenciés de la ligue, aux 8.000 pratiquants évalués sur le département. « La Ligue Réunionnaise de Surf appelle l’ensemble des pratiquants de nos disciplines, licenciés et non licenciés, à respecter l’interdiction des activités nautiques », répète Eric Sparton en guise d’avertissement.
L’interprétation fastidieuse des enregistrements des balises est rendue possible par l’action de bénévoles (Bruno Raybaud, Alexis Gazzo, Ludovic Villedieu, Bertrand Simon) qui consacrent de leur temps, en dehors de leur activité professionnelle, à la compréhension du phénomène. « Les gens l’oublient souvent, président de ligue ne veut pas dire directeur. C’est donc bénévolement que nous participons à ces analyses », assure Eric Sparton.
Lorsqu’elles sont significatives, « nous devons passer ces infos le plus souvent possible », car, dit-il, y avoir accès et ne pas les communiquer serait intenable, même avec un contrat de confidentialité.
Enfin, si la présence actuelle de ces bouledogues « est préoccupante », les stations sont également à l’écoute des 31 tigres marqués ces derniers mois. « Mais ils sont beaucoup moins présents près de nos côtes ».