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La Guyane paralysée par la grève générale : Ce qui se passe réellement

"Sur la piste de Fawcett…" Les télévisions montrent des images choc. Et le téléspectateur retient : des manifestants encagoulés, des forces de l’ordre déployées à tire-larigot comme si nos compatriotes guyanais étaient des terroristes en manque. Les membres d’une délégation ministérielle renvoyés à leurs chères études et à leurs confortables bureaux parisiens. Les mêmes, incapables de dire quelque chose, dont les yeux suent la trouille devant les manifestants. Voilà pour le spectacle… et c’est tout ce que vous verrez, braves gens. De la réalité du problème, niet ! Circulez, y’a rien à voir ! Alors, nous sommes allés chercher nos réponses, VOS réponses, à deux amis qui travaillent à l’orée de l’Amazonie, Monique et son ti-Charles, du coup transformés en correspondants de Zinfos 974 sur les traces de Raymond Maufrais (ou « Sur la piste de Fawcett » pour les amateurs de Bob Morane). La réalité des maux guyanais n’est jamais révélée, elle n’en est pas moins effrayante. C’est donc un secret d’Etat ? Faut croire…

Ecrit par Jules Bénard – le lundi 27 mars 2017 à 12H27

La Guyane entière entame une grève totale, à l’appel unanime de dizaines de syndicats qui ne s’aiment guère habituellement. Faut-il qu’il y ait de quoi. Et quand on liste les sujets de mécontentements, on constate que ce département comporte sans doute bien plus de laissés-pour-compte qu’on ne nous le dit. Petit résumé non exhaustif…

Toute une économie clouée au pilori

Pour le paiement des aides d’Etat, c’est comme ici : les aides promises aux agriculteurs, aux pêcheurs, travailleurs en domaines sensibles dans un pays toujours à la recherche d’une subsistance quotidienne, sont sans cesse reportées aux Calendes grecques. En attendant, débrouille à zot ! Si au moins les efforts étatiques étaient reportés sur d’autres secteurs d’activités ; même pas !

Ainsi, comme chez nous, nombre de petits transporteurs (secteur vital en cet immense département forestier) n’obtiennent pas de contrat, le travail étant exclusivement accordé aux grosses sociétés analogues à celles qui trustent ici la NRL. Les petits transporteurs et leurs employés se transforment en pêcheurs, chasseurs, maraîchers, voire orpailleurs occasionnels pour nourrir leurs familles.

Familles, au demeurant, souffrant de toutes sortes de maladies effrayantes et l’on sait que c’est encore plus grave en milieu tropical.

 » Cette santé, disent nos informateurs, est clouée au pilori par manque de moyens et de spécialistes. Au moins un hôpital est sous le coup d’une proche fermeture pure et simple « .

Manque de moyens et de personnels qui est le même dans l’éducation, les établissements souffrant gravement de manque de personnels, d’encadrements, de matériel…

 » Projets grandioses mais résultats laissant à désirer ! « 

Quand on touche au domaine de la sécurité, mais peut-être faut-il plutôt parler d’insécurité, la coupe fait plus que déborder. On frise le gag…

La Guyane est soumise à un phénomène important d’immigration clandestine pire qu’ici : leurs voisins surinamiens et guyanais ex-hollandais n’en finissent plus d’être attirés par ce département soi-disant prospère. Avec tous les maux qui en découlent, vols, viols, violences, cambriolages, car-jackings, braquages et… un Sida galopant, voir les statistiques de la gendarmerie et de la Santé pour plus ample informé.

Pour le gag : une femme s’est fait arracher son sac-à-main. Lors d’une manif anti-insécurité.

 » Aucune collaboration avec les Etats voisins n’est organisée pour remédier à ces problèmes. On raccompagne les clandestins à la frontière routière ; ils reviennent par le fleuve et la forêt. On règle ces  » petits détails  » et pendant ce temps, les aides étatiques sont englouties dans des projets grandioses dont le résultat laisse à désirer et c’est une litote !  »

Les pirogues du folklore, c’est bien mais…

 » Le plus dramatique est que rien n’est fait pour tenir compte du caractère pluriethnique de notre population. Aucun projet de cohésion sociale n’est entrepris… ni même envisagé sans doute.

 » Il faut encore y ajouter la difficulté pour se déplacer avec le manque criant de routes et un parc de transports en commun frisant le zéro absolu. Or, tous les recoins de cet immense département sont au diable-vauvert ! On ne va pas se contenter de remonter les fleuves en pirogue et avec les pagaies, quand même ! Le folklore, c’est bien, mais il y a parfois mieux. A condition de le vouloir  »

Pour augmenter une addition pesant une tonne, il faut compter avec le manque de logements dans un territoire à la démographie à vitesse sidérale… puisque Ariane est là. On détruit bien des quantités de logements insalubres mais… on ne les remplace pas par du neuf. Ce qui fait que dans nombre de quartiers, une nombreuse jeunesse est livrée à elle-même car aucune solution n’est envisagée pour la suivre et l’encadrer.

Plus de 50 ans de retard

Enfin, last but not least, le sol. Ce sujet est des plus sensibles et de ceux qui poussent les manifestants dans les rues.

 » Notre sous-sol est systématiquement pillé par une mafia savamment organisée. L’orpaillage clandestin fait quelquefois les gros titres mais on c’est un mauvais cinéma : les orpailleurs font comme les immigrés, on les chasse d’un côté, ils reviennent de l’autre. Ils sont d’une extrême dangerosité car n’hésitant pas à tuer pour quelques pépites. Notre sous-sol est riche, très riche. Mais à qui cela profite-t-il ? Pa s à la population guyanaise, ça n’est sûr « .

Le tableau est reluisant… de crasse.

 » Il y  tellement de retard dans l’aménagement de notre territoire qu’on a l’impression, voire la certitude d’avoir plus de 50 ans de retard par rapport aux autres départements. Tout le monde s’en fout : les journaux de France ont mis plus d’une semaine avant de s’apercevoir qu’il se passait quelque chose ici ! La Guyane, c’est où déjà ?  »

Délégation ti-punches !

Pourquoi la presse nationale a-t-elle fini par parler d’une situation explosive dans ce territoire hors-norme ?

 » Parce qu’Ariane n’a pas décollé !

 » C’est donc tout ce qui intéresse donc la France en Guyane ?

 » L’Etat a toujours voulu créer une grande région économique Antilles-Guyane. Nous avons toujours refusé ; ils nous l’ont imposée de façon insidieuse. C’est pour nous punir qu’on se désintéresse de nous ? Nous avons dû nous battre pour avoir notre propre Université. Banques, Assurances, hospitalisations à risques, tout est à gérer hors Guyane. Ici, c’est trop aléatoire.

 » Quand on est devant un problème grave, il faut prendre contact avec les sièges parisiens car ici personne n’est au courant. Et après ça, ils nous envoient une énième délégation, laquelle n’a aucun pouvoir sinon celui de discutailler entre gens importants et prendre des petits punches à l’hôtel, de luxe bien entendu.

 » Cela étonnera qui, alors, qu’on refuse de discuter avec des clampins, des larbins galonnés ?  »

Communications hyper-chères… à 2 pas de Kourou !

Un paradoxe énorme n’a jamais chatouillé les consciences ministérielles : c’est de Kourou que sont expédiés les satellites de communication. Pourtant, si on peut appeler n’importe quel pays du monde pour une somme modique, cela n’existe pas en Guyane française ! On casque, sévère qui plus est.

 » Cherchez l’erreur « , ajoutent nos correspondants qui  concluent :  » Toute cette gestion cacophonique provoque le ras-le-bol de la population et conduit forcément au blocage du département, avec les débordements inévitables. Et la Ministre qui trouve que nos revendications ne sont pas suffisamment claires pour qu’elle daigne se déplacer ?

 » Pendant ce temps, avec notre argent, les candidats payent, qui leur épouse, qui leurs enfants, qui leurs gardes-du-corps.

 » Et ils ont encore le culot de nous dire que ce sont les plus pauvres qui coûtent le plus cher à l’Etat ? 

 » Un bel avenir nous attend « .

Voici qui constitue un tour d’horizon peu enthousiasmant mais non exhaustif, dont les agences et autres grands médias ne nous avaient rien laissé deviner. C’est qui déjà, Raymond Maufrais ?

Avec la collaboration de nos correspondants sur place, Monique et ti-Charles Gabriel.

 

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