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La Cour des comptes pas tendre avec la gestion financière des collectivités réunionnaises

Dans son dernier rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, la Cour des comptes relève que les départements d’Outre-Mer présentent « une situation financière en moyenne plus dégradée que celles de métropole ». Un constat déjà dressé en 2011 par la Cour, « alors que les besoins d’investissements publics […]

Ecrit par SI – le jeudi 12 octobre 2017 à 16H13

Dans son dernier rapport sur la situation financière et la gestion des collectivités territoriales et de leurs établissements publics, la Cour des comptes relève que les départements d’Outre-Mer présentent « une situation financière en moyenne plus dégradée que celles de métropole ». Un constat déjà dressé en 2011 par la Cour, « alors que les besoins d’investissements publics y sont plus importants ».

« Sur les 136 collectivités territoriales des départements de Guadeloupe, Guyane, Martinique et La Réunion, seulement 46 soit 34 % ont une situation saine », tient à rappeler la Cour des comptes. 

Pire, la Cour des comptes remarque que les chambres régionales des comptes de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique, de La Réunion et de Mayotte constatent fréquemment « une tenue défectueuse de la comptabilité d’engagement conduisant par exemple à ne pas rattacher les charges et les produits à l’exercice concerné ».

Ainsi, en 2011, la Région Réunion a mandaté 22 millions d’euros de dépenses de fonctionnement se rapportant à l’exercice précédent soit 6 % des dépenses réelles de fonctionnement.

La Région Guadeloupe, elle, a mandaté de son côté en 2015 10% de ses dépenses réelles de fonctionnement de 2014, soit 19,6 millions d’euros. Les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) de Martinique ont quant à eux mandaté en 2015 12 % de leurs dépenses de fonctionnement, soit 20,3 M€, se rapportant à l’exercice 2014.

À La Réunion, outre la Région Réunion, d’autres collectivités de l’île sont épinglées par le rapport des Sages de la rue Cambon, notamment sur l’absence de provisions, comme La Possession, qui avec son opération d’aménagement de la ZAC de Moulin Joli, « fait face à un déficit de 8 millions d’euros ». La communauté intercommunale des Villes Solidaires du Sud (CIVIS) n’a également pas constitué de provisions « pour les pertes de 1,38 M€ en 2013, 1,05 M€ en 2014 et 0,7 M€ en 2015 de la société publique locale Energies Réunion ». « Il en est de même des pertes de la société d’économie mixte Pipangai (pertes de 265 000 € entre 2011 et 2013) », poursuit le rapport.

La Pyramide inversée, elle, n’a pas constitué non plus de provisions « alors qu’entre 2006 et 2012, ses pertes sur créances irrécouvrables se sont élevées à 2,4 millions d’euros ». « Alors que sur la même période, l’examen des comptes de participations financières et avances de la Région a fait ressortir un montant de 4,7 M€ relatif à des sociétés liquidées ou dissoutes », analyse la Cour des comptes, et qui aurait pu, « pour une bonne application du principe de prudence, faire l’objet de provisions ».

 

[La Cour des comptes attaque sévèrement la gestion financière des collectivités réunionnaises]url:https://www.scribd.com/document/361397808/La-Cour-des-comptes-attaque-severement-la-gestion-financiere-des-collectivites-reunionnaises#from_embed by [Zinfos974]url:https://www.scribd.com/user/282164892/Zinfos974#from_embed on Scribd

 

Octroi de mer et taxe carburant:

Recettes propres aux collectivités d’outre-mer pour compenser les faibles ressources fiscales des départements d’outre-mer (20 à 30% plus basses qu’en métropole), l’octroi de mer et la taxe spéciale sur les carburants forment une part importante de leurs recettes de fonctionnement. En 2016, elles en représentaient 19,1 % en Martinique, 22,5 % en Guyane, 20,8 % en Guadeloupe et 15,7 % à La Réunion. Pour les communes, ces contributions indirectes constituent en moyenne entre 22,7 % (La Réunion) et 29,4 % (Guadeloupe) des recettes de fonctionnement. Les modalités de répartition de l’octroi de mer entre les communes varient d’un département à l’autre. En Guadeloupe, Guyane et Martinique, la répartition est effectuée, pour 90 % à 100 %, en fonction de la population communale.

À La Réunion, en revanche, « les critères retenus ont pour effet d’inciter les communes à la dépense » écrit La Cour des comptes. Cette dernière prend à titre d’exemple le cas de la commune de Trois-Bassins, qui après contrôle, « a montré que la collectivité attendait une progression significative du montant de sa dotation globale garantie en raison du doublement de ses dépenses d’équipement entre 2013 et 2015 ».
 

« De même, elle a estimé à 200 000 euros les recettes supplémentaires résultant de l’accroissement de ses dépenses en faveur des contrats aidés alors même que cette dépense est en grande partie couverte par des remboursements de l’État ».

Autre caractéristique réunionnaise constatée par la Cour des comptes concernant l’octroi de mer : la répartition « très inégale (…) par habitant entre les communes de La Réunion, qui présente des écarts de 1 à 3 ». Ainsi, la commune de l’île la plus richement dotée est celle de Saint-Philippe avec 742 € par habitant contre 273 € par habitant pour la plus faiblement dotée, Le Tampon.
 

« En ce qui concerne La Réunion, il conviendrait de réaliser des simulations permettant d’aligner les critères de répartition du produit de l’octroi de mer entre les communes sur ceux appliqués dans les autres départements »

Charges de personnel élevées :

La Cour des comptes relève que la masse salariale des agents publics territoriaux constitue le premier poste de dépenses de fonctionnement des collectivités. « Elle en explique 90% de la progression entre 2013 et 2015 à La Réunion, 76% en Guadeloupe et 48% en Guyane », précisent les Sages. Ces derniers déplorent par ailleurs que « bien que la masse salariale obère fortement leurs capacités financières, les communes d’outre-mer n’ont pas entrepris d’en regagner la maîtrise à la différence des communes de l’Hexagone ».  

La majoration du traitement des agents est aussi « insuffisamment justifiée » par des contraintes réelles, ajoute le rapport. Pour rappel, cette sur-rémunération peut aller à 40% du traitement brut de base en Guadeloupe, Guyane et Martinique et jusqu’à 54% à La Réunion, pour compenser entre autre, le différentiel du coût de la vie avec la métropole, l’éloignement de la famille ou encore l’attractivité des postes outre-mer.

Une sur-rémunération qui n’est « pas vraiment fondée » tacle la Cour, qui rappelle que les écarts de prix entre la métropole et les départements ultramarins « sont inférieurs aux coefficients de majoration de traitement ». En 2015, cet indice était de 7,1% à La Réunion et de 12,5% en Guadeloupe.
 

« Le niveau des majorations de traitement dans la fonction publique territoriale ne correspond donc pas à des contraintes réelles et pèse lourdement sur l’équilibre des comptes locaux ».

Contrats aidés :

Les effectifs « supérieurs » aux besoins sont aussi critiqués, avec un taux d’administration d’un tiers plus élevé dans les collectivités d’Outre-Mer : pour 1 000 habitants, celles-ci disposent, en moyenne, de 10 agents de plus qu’en métropole. Les sureffectifs reposent sur un plus grand nombre d’agents aux fonctions d’exécution (catégorie C) et un recours jugé « excessif » aux agents contractuels.
 

« Alors qu’en Guadeloupe, Guyane et Martinique, les agents territoriaux sont en grande majorité des fonctionnaires, les collectivités de La Réunion recourent plus fortement à des recrutements de contractuels »

Ce recours « massif » aux contrats aidés est même une « spécificité des collectivités de La Réunion », alerte la Cour des comptes. En 2015, 26 100 contrats aidés ont été financés dans les collectivités territoriales réunionnaises, soit 7% de la population active de La Réunion, pour un coût de 118,5 millions d’euros, contre 4 300 en Martinique et 3 800 en Guyane.
 

« Ce choix répond à une préoccupation sociale mais aussi à des considérations financières, car les contractuels sont exclus des dispositifs de majoration de traitement »

En conclusion de son rapport, la Cour des comptes indique que le redressement de la situation financière « très préoccupante » des collectivités des départements d’outre-mer « passe d’abord par un effort de gestion de la part de l’ensemble des collectivités locales des différents échelons ». Elle reconnaît dans le même temps que l’État doit également accompagner les collectivités locales dans leur redressement financier « par des mesures plus structurelles (…) pour les aider à réaliser des efforts pérennes ».

Ainsi, la Cour formule les recommandations suivantes :

    9.    (État) : procéder aux simulations nécessaires en vue d’aligner sur le droit commun les modalités de répartition de la péréquation verticale et horizontale des collectivités des départements d’outre-mer ;

    10.    (État) : affecter à la section d’investissement du budget des collectivités bénéficiaires l’accroissement annuel des recettes propres (octroi de mer et taxe spéciale de consommation sur les carburants) ;

    11.    (État et collectivités) : fixer des objectifs quantitatifs d’évaluation des bases fiscales, notamment en développant les partenariats entre les DRFiP et les collectivités, et le recouvrement des produits des services ;

    12.    (État et collectivités) : réduire les charges de personnel en agissant à la fois sur les effectifs et sur les conditions d’attribution de la majoration de traitement ;

    13.    (État, collectivités et AFD) : conditionner l’octroi des subventions de l’État et des prêts bonifiés, dans le cadre de contrats pluriannuels entre la collectivité, l’État et l’AFD, au respect d’objectifs chiffrés de redressement financier.

 

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