Trois cadres supérieurs du GHSR ont subi les foudres de la Cour de discipline budgétaire et financière présidée par le Premier président de la Cour des comptes en la personne de Didier Migaud. Dans un arrêt pris le 9 décembre 2011, le groupe hospitalier Sud Réunion est sévèrement critiqué. La dégradation de la situation financière de l’établissement sur la période 2007-2008 n’est que la conséquence, dixit la Cour, des « dépassements des effectifs autorisés par les crédits budgétaires, dépassements qui constituent la cause majeure de cette dégradation« .
Recrutement d’administratifs plutôt que de personnels soignants
Les recrutements montrés du doigt par les magistrats financiers ont « essentiellement concerné des postes administratifs, alors que les enveloppes accordées par l’agence régionale d’hospitalisation (ARH) étaient destinées, notamment dans le cadre d’un plan de santé mentale, au renforcement des effectifs de personnel soignant« .
Trois protagonistes sont la cible des magistrats financiers. Emmanuel Bouvier-Muller a exercé, du 6 mars 2006 au 14 mai 2007, parallèlement à sa fonction de directeur du centre hospitalier Félix Guyon, celle de directeur par intérim du GHSR. La conduite générale de l’établissement est assignée, par délégation, à Alex Lysandre (directeur délégué*) puis en cas d’absence à Gérard Lassays, directeur des ressources humaines*.
Problème, conconmitamment à cette redistribution de postes, le compte financier définitif pour l’exercice 2007 a été arrêté avec un déficit de 9.317.736 €, soit 3,5 % des recettes de fonctionnement de l’hôpital. L’année suivante, et malgré la mise en œuvre d’un plan de retour à l’équilibre, ce même déficit s’est établi à 8.284.248 € (exercice 2008).
Cette envolée des déficits du GHSR est étonnante aux yeux des magistrats financiers, « alors même que l’équilibre financier du GHSR était, lors de l’exercice 2005, attesté par de nombreuses sources émanant de la direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins et de la mission d’expertise et financière du Trésor public« .
Un poste budgétaire en particulier interpelle l’institution financière. Morceaux choisis : « Cette dégradation de la situation financière de l’établissement résulte en grande partie d’une augmentation des charges de personnel ; qu’en effet, des recrutements d’agents au-delà des effectifs autorisés par les crédits budgétaires ont été réalisés ; qu’ainsi les charges nettes de personnel sont passées de 148,9 M€ en 2005 à 157,9 M€ en 2006 et 168,2 M€ en 2007 ; que cette augmentation de près de 20 M€ en trois ans représente les deux tiers de l’augmentation des dépenses sur la même période ; Considérant qu’une grande partie des déficits des comptes 2007 et 2008 du GHSR est la conséquence directe et certaine du recrutement d’agents en méconnaissance de la régularité budgétaire et des règles de gestion des ressources humaines« .
Des responsabilités disparates
Le rôle des trois protagonistes est disséqué par la Cour de discipline budgétaire et financière. Des nuances apparaissent sur le niveau de responsabilité de chacun.
Selon la Cour des Comptes, si Emmanuel Bouvier-Muller (directeur par intérim du GHSR), « a donné à Alex Lysandre, directeur délégué, une délégation de signature « aux fins d’assurer la conduite générale du groupe hospitalier Sud Réunion », (…) elle n’exonère pas Emmanuel Bouvier-Muller, autorité déléguante, de sa responsabilité« . Cependant, sa lettre de mission, qui consistait essentiellement à la conduite du projet de centre hospitalier régional (CHR), a été reconnue comme circonstance atténuante par la Cour. Il a été relaxé de toute amende suite à la décision du 9 décembre.
En revanche, en sa qualité d’ordonnateur responsable de la préparation et de l’exécution du budget ainsi que de la présentation des comptes, Alex Lysandre « a une responsabilité directe dans les graves anomalies constatées en matière de suivi budgétaire et comptable » poursuit l’arrêt de la CDBF. L’arrêt le condamne à verser une amende de 10.000 €. Bien légère, diront certains, au regard des écarts financiers engagés.
Enfin, pour le troisième protagoniste, Gérard Lassays, la Cour n’est pas tendre. Directeur des ressources humaines jusqu’au 3 septembre 2007, il disposait d’une délégation de signature pour « la gestion des crédits budgétaires affectés aux ressources humaines » ainsi que pour « la gestion des recrutements des personnels titulaires et non titulaires » qui l’obligeait à référer des éventuelles difficultés rencontrées dans l’application de sa délégation. « En ne rendant pas compte de recrutements au profit des services qui ne correspondaient pas aux mesures nouvelles accordées par l’ARH, il n’a pas respecté les termes de la délégation que lui avait consenti le directeur de l’hôpital« , complète l’arrêt. En plus de cette absence de vigilance, une « comptabilisation insincère des engagements financiers » est reprochée à l’ancien DRH. Le tableau prévisionnel des effectifs rémunérés ne correspondait pas aux autorisations données par le conseil d’administration. Il est lui aussi condamné à 10.000 euros d’amende.
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* Alex Lysandre a exercé les fonctions de directeur délégué du GHSR du 28 mars 2006 au 14 mai 2007, puis de directeur par intérim du 14 mai 2007 au 2 février 2008.
* Gérard Lassays a exercé la fonction de directeur des ressources humaines du GHSR du 6 août 2001 au 1er août 2007
L’arrêt complet de la CDBF du 9 décembre 2011 :