Les comptes de la CINOR avaient déjà été vérifiés par la Chambre des Comptes. Malgré quelques reproches sévères, la CRC n’avait pas jugé bon de transmettre de dossier au parquet et Gérald Maillot, son président, pensait donc pouvoir dormir sur ses deux oreilles.
C’était compter sans la plainte d’un de ses vice-présidents qui est allé porter un dossier gros comme le bras au procureur Tuffery, en faisant jouer l’article 40 du code de procédure pénale qui impose l’obligation, « pour toute autorité constituée, tout officier public ou fonctionnaire, dans l’exercice de leurs fonctions », de signaler des crimes ou délits dont il a connaissance« .
Cet élu, qui occupait un poste clé à la CINOR, a dénoncé un certain nombre de dossiers, dont certains portant sur plusieurs millions d’euros.
Faut-il faire un lien avec les dénonciations faites par les maires de Sainte-Marie et Sainte-Suzanne, Richard Nirlo et Maurice Gironcel, qui, à l’occasion de la perquisition du siège de la Cité des dirigeants à l’occasion d’une enquête pour savoir où ont disparu près de 3 millions d’euros, avaient dénoncé la gestion de Gérald Maillot, qui en était le président du conseil de surveillance et qui serait intervenu comme garant de Christophe Di Donato soupçonné d’avoir détourné les fonds en question.
Le maire de Sainte-Marie avait également stigmatisé le cabinet ELAN OI, intervenant comme conseil de la CINOR sur les maîtrises d’ouvrages, lequel se serait vu attribuer 5 millions d’euros, soit l’équivalent de la moitié de la maigre épargne nette de l’intercommunalité, sans grands résultats mais surtout, sans réelle transparence sur les sous-traitants avec lesquels ELAN a travaillé…
Faut croire que les éléments apportés par le vice-président de la CINOR à Eric Tuffery étaient suffisamment convaincants pour que le procureur de la République demande aussitôt à la Chambre Régionale des Comptes de retourner au siège de l’intercommunalité pour réexaminer les exercices 2017 et 2018.
Et même si la formule est classique dans ce genre de courrier, un paragraphe a du particulièrement attirer l’attention de Gérald Maillot : « …cette procédure sera close par la notification d’une ordonnance de décharge (NDLR : on aurait dit de non lieu devant d’autres juridictions) dans le cas où le ministère public ne retiendrait aucune charge (…). Dans le cas contraire, le réquisitoire du ministère public et le nom du magistrat chargé de l’instruction vous seront notifiés (…) ».
Dis en langage plus clair, Gérald Maillot risque une mise en examen dans l’hypothèse où les magistrats vérificateurs découvraient quelque chose de louche.
Dans son rapport rendu le 28 juin 2018, la CRC avait rendu un rapport d’observations définitives sévère, portant sur la gestion du président Gérald Maillot pour les exercices allant de 2014 à 2018. Il y était question de statuts « non conformes à l’article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales » qui « ne distinguent pas les compétences optionnelles des compétences facultatives…« , de « relations financières avec les communes (…) pas suffisamment transparentes…« , d’une situation financière en voie de détérioration « malgré le dynamisme de ses recettes fiscales« , l’épargne nette étant divisée par deux entre 2014 et 2016.
Enfin, « les effectifs, 404 agents, et les charges de personnel, 21 M€ » avaient augmenté de plus de 30 % entre 2014 et 2017 « sans que l’évolution des missions de la CINOR ne justifie une telle augmentation. La gestion des ressources humaines apparaît contestable… »
Sur le fond il était précisé que « l’octroi de rémunérations à des agents contractuels non prévue par la réglementation, tels la majoration et l’indexation de leur traitement ainsi que leur régime indemnitaire, pesait à hauteur en moyenne de 0,2 M€ par an sur les charges de personnel« .
Des recommandations précises avaient été émises par les magistrats afin de revenir à des pratiques plus respectueuses des textes.