Dans sa synthèse, la Chambre régionale de comptes a indiqué que le choix d’une solution mixte comportant des digues et un grand viaduc, considérée la plus économique, « a entraîné des difficultés importantes dans la conduite du projet, des retards et d’inévitables surcoûts ». Pour la juridiction, la fin des marchés sur les digues fin 2013 et fin 2014, « n’aurait pas dû se faire sans que l’accès administratif aux carrières disposant des roches massives en quantité et qualité suffisantes pour la construction des digues n’ait été mieux anticipé et préparé ».
Concernant les mesures de compensation des dégradations faites à l’environnement, « elles ne sont pratiquement pas mises en œuvre, du fait des retards pris par le chantier », poursuit la Chambre. « Au-delà de la complexité technique du projet qui pouvait justifier un coût initial déjà élevé pour une région de cette taille, ce coût a été révisé jusqu’en 2021 à plus de 2,4 milliards d’euros sans toutefois avoir été clairement affiché, ni même totalement couvert par l’autorisation de programme budgétaire votée par la région d’à peine 2 milliards d’euros ».
La Chambre pointe également l’absence de provision pour risques et charges, et ce « malgré le suivi des risques mis en place ». « Fin 2021, la Région se retrouvait déjà avec une dette de 1,3 milliard d’euros, dont 800 millions d’euros d’emprunts nouveaux pour financer la NRL, sans avoir achevé cette nouvelle route, dont l’ouverture complète est reportée jusqu’en 2028 au mieux », écrit la CRC. Elle ajoute : « Le choix de la Région en 2011 d’une grande digue, qui se voulait au départ le plus économique, aboutit à ce jour, au-delà de l’arrêt du chantier en 2019 en raison de l’inaccessibilité juridique aux matériaux nécessaires pour terminer la NRL, à une prévision de dépassement du budget initial de l’opération de plus de 50 % ».
Ainsi, et compte-tenu du niveau atteint par l’endettement de la Pyramide inversée, la CRC estime que cette dernière n’a plus d’autre choix que de procéder à des arbitrages. À commencer dans la section de fonctionnement de son budget, « essentiellement au niveau des dépenses afin de respecter les cibles d’épargne et de solvabilité que se fixe la collectivité régionale et que surveillent ses bailleurs de fonds, voire en recherche de recettes supplémentaires ».
Enfin, la Chambre régionale des comptes formule cinq recommandations pour l’achèvement de ce projet « hautement stratégique dans des conditions plus transparentes et mieux coordonnées entre ses différents acteurs » afin d’aboutir à une NRL « sécurisée et respectueuse de son environnement ».
Cette réactivation pourrait, selon la chambre, utilement s’accompagner d’un élargissement aux autres collectivités locales et à leurs établissements publics concernés.
La présidente de la région et le préfet, qui partagent l’analyse de la chambre, se sont engagés à réactiver ce comité. Ils font valoir que l’article 5 de l’accord État-région de mars 2022 prévoit la réunion en tant que de besoin et au moins une fois par an d’un comité de pilotage présidé conjointement.
Recommandation n° 2 : réunir le comité scientifique conformément à la fréquence définie par la décision n° 2013- 07 du préfet de La Réunion en date du 20 décembre 2013 et mettre à sa disposition l’ensemble des éléments nécessaires pour remplir son office dans de bonnes conditions.
Les réunions du comité technique composé de représentants de la région, de la direction de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DEAL), et des deux communes de Saint-Denis et de La Possession sont plus régulières et conformes à la fréquence définie dans les arrêtés d’autorisation. Le rôle principal du comité technique est de veiller à la bonne mise en place et à l’application des mesures de réduction, d’accompagnement et de compensation. Les comptes rendus transmis montrent que cette instance fonctionne.
Recommandation n° 3 : Actualiser, d’ici la fin 2022, une trajectoire financière réaliste compte tenu du retard d’achèvement de la NRL et de la réévaluation de son coût final.
Bien que la Région ait identifié et reconnu des risques certains et avérés donnant lieu à contentieux, voire à des transactions, se rapportant aux marchés de travaux, elle n’a constitué aucune provision pour litiges (…) L’instauration d’un dispositif visant à maîtriser les risques s’avère pertinent au regard de la taille du projet d’investissement, même si la chambre relève qu’il n’a été mis en place qu’à compter de 2017 (…) Les provisions à constituer devraient selon la chambre couvrir les risques actuels qui auront un effet sur la section de fonctionnement de son budget, en particulier les condamnations, indemnités et autres frais liés aux contentieux qu’il convient d’évaluer avec fiabilité comme la région le rappelle dans sa réponse. La chambre formule la recommandation suivante :
Recommandation n° 4 : évaluer de manière sincère les risques financiers liés à la NRL et inscrire les provisions comptables nécessaires à leur couverture, conformément aux dispositions de l’article D. 4321-2 du CGCT.
Enfin, la Région a indiqué que les coûts d’entretien et d’exploitation annuels de la route du littoral étaient de 6,1 M€ alors que ceux prévus pour la NRL étaient estimés à 2,7 millions d’euros par an. Ce montant pourrait représenter une diminution annuelle de charges d’environ 3 à 4 millions d’euros. Cependant, le coût d’entretien des acropodes, qui devait être limité en raison du recours à une nouvelle technologie, pourrait être réévalué compte tenu des premiers incidents constatés alors que la NRL n’est pas encore en service et n’a pas subi de houle cyclonique importante. Certes les casses constatées ne concernent que 1 % des éléments posés, mais sont susceptibles de nécessiter le déplacement d’une quantité de blocs plus importante que ceux cassés et pourraient diminuer l’économie ainsi escomptée. Enfin, si l’amortissement des voiries reste optionnel selon l’instruction budgétaire et comptable qu’applique la région, la dépréciation des actifs, y compris de voirie, ne l’est pas. La chambre invite la Région à définir une méthode de dépréciation de ses actifs routiers dont la NRL et sa carapace de protection font partie.
Recommandation n° 5 : Réaliser les mises à jour du dossier d’engagement du maître d’ouvrage afin notamment de permettre l’évaluation des dispositifs sur lesquels il s’est engagé dès que possible.