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LE MONDE D’APRES, LA FIN DE NOTRE CIVILISATION

Alors que nous nous apprêtons à sortir du confinement, c’est un sentiment de saut dans le vide qui prédomine en chacun de nous dès lors que la situation de crise que nous traversons est tout à fait inédite et que personne ne peut prédire l’évolution de cette pandémie ni son impact tant sur le plan […]

Ecrit par Eric HAN KWAN – le dimanche 10 mai 2020 à 15H51

Alors que nous nous apprêtons à sortir du confinement, c’est un sentiment de saut dans le vide qui prédomine en chacun de nous dès lors que la situation de crise que nous traversons est tout à fait inédite et que personne ne peut prédire l’évolution de cette pandémie ni son impact tant sur le plan économique et social, que sur le plan sanitaire. 

Un petit retour en arrière dans l’histoire nous apprend que l’humanité s’est toujours relevée de graves crises écologiques, sanitaires, économiques qui ont pu décimer des millions voire des dizaines de millions de personnes parfois. (I)

Aussi, nous pouvons penser aujourd’hui qu’en dépit des quelques centaines de milliers de morts, que d’aucuns ne manquent pas d’ailleurs de relativiser par rapport aux millions de morts causés chaque année par les accidents de la route (1.25 million), l’alcool (3 millions), la pollution (4.3 millions), le tabac (7 millions), la faim (9.1 millions) … De la chute des marchés boursiers, des difficultés économiques plus ou moins importantes des populations, l’humanité s’en remettra une nouvelle fois et tout reviendra comme avant ou presque pour la plupart d’entre nous.

Sauf que nous oublions une chose et pas des moindres, c’est que notre système capitaliste et libéral basé sur une croissance économique continue, alimentée par la surexploitation des ressources de la planète risque d’imploser du fait des contraintes et limites environnementales. (II)

I – Ce que l’histoire nous apprend
Si l’âge de Bronze entre 3000 et 1000 avant Jésus-Christ puis l’âge de Fer qui lui a succédé, ont été marqués par les débuts de l’extraction des ressources naturelles des sols (cuivre et étain) et la naissance des échanges économiques globaux entre les pays des différents continents, il a fallu attendre le 18ème siècle et l’invention du moteur à combustion du charbon pour que le monde s’engage sur une trajectoire dont il n’a jamais déviée jusqu’à maintenant : celle d’une croissance économique continue basée sur l’énergie libérée par les ressources naturelles fossiles, les hydrocarbures.

La découverte et l’exploitation du pétrole puis du gaz tout au long du 19ème siècle vont alimenter la révolution industrielle qui va s’accompagner aussi d’une croissance démographique importante liée aux progrès de la médecine et à la révolution agricole caractérisée par un accroissement considérable du rendement des cultures du fait de la mécanisation et l’utilisation d’intrants chimiques, si bien que la population mondiale de 1 milliard de personnes au milieu du 19ème (1850) ne va pas cesser de croître, et ce de manière exponentielle puis qu’entre 1950 et 2016, la planète a gagné 5 milliards d’habitants et qu’entre 2020 et 2050, il faudrait compter au moins 2 milliards d’habitants supplémentaires sur la Terre, si on en croit les projections.

A la sortie la seconde guerre mondiale, les industries, les technologies, le transport aérien et maritime au service de la guerre vont être reconvertis au civil et contribuer à la démultiplication de la production de biens manufacturés et au développement de l’économie marchande dopée par la conteneurisation du transport de marchandises à partir des années 60, faisant passer de 500 millions en 1950 à 10 milliards en 2019, le nombre de tonnes annuel de marchandises transportées par voie maritime.

Bienvenue dans le monde du consumérisme et du capitalisme libéral !

Cette explosion de flux de matières et d’énergie sur la planète et le développement technologique ont conduit alors les Etats à se faire la guerre non plus sur des champs de bataille mais dans la sphère économique de la production industrielle et de la mondialisation des échanges commerciaux.

Cette période que l’on nommait autrefois les Trente Glorieuses est devenue la Grande Accélération.
Dès lors, tout est mis en place par les Etats, le monde de l’industrie et le monde de la finance pour favoriser la consommation des ménages. 

Les séries, les films, les publicités nous convainquent sans trop de peine que notre bien-être et notre bonheur dépendront de tout ce que nous aurons pu accumuler dans notre vie. Et si par malheur nous n’avons pas les moyens de nous procurer ce que nous convoitons, qu’à cela ne tienne, un petit crédit à la consommation saura satisfaire notre continuel désir.

Pour gagner cette guerre, il faut désormais produire plus, construire plus grand et plus haut dans le but d’augmenter son PIB (Produit Intérieur Brut) qui est l’indicateur permettant de mesurer la production économique d’un Etat, et à ce petit « jeu », ce sont les Etats-Unis qui remportent la bataille d’après-guerre, avant de laisser sa place de premier élève de la classe à la Chine devenue experte en matière de capitalisme et de libéralisme économique débarrassés de toute forme de contrainte démocratique et écologique. 

La croissance économique est devenue ainsi l’élément moteur indispensable au bon fonctionnement de notre système de civilisation. 

Mais pour alimenter cette croissance économique, nous avons besoin d’énergie, de beaucoup d’énergie, pour produire des biens et assurer leur transport et leur vente et donc de beaucoup de ressources naturelles que nous extrayons des entrailles de la terre, et ce probablement jusqu’à leur épuisement.

Dans ce système capitaliste conditionné par une croissance économique continue, elle-même dépendante de la production d’énergie fossile et donc de l’exploitation des ressources naturelles, nous nous sommes alors affranchis des contraintes et des limites environnementales en faisant comme si ces ressources étaient illimitées.

Dans cette perspective, nous n’avons plus fixé de limite à cette croissance, et d’une économie basée sur le réel on est passé à une économie virtuelle, permettant aux petits consommateurs que nous sommes de continuer à acheter, aux entreprises de produire, aux Etats d’alimenter tout ce système, sans véritable contrepartie, avec de l’argent que nous n’avons pas.

Bienvenue dans le nouveau monde de la finance et de l’argent virtuel issu de la dette.

La crise sanitaire et économique générée par le COVID-19 a cependant mis le doigt sur la fragilité de notre système et surtout, nous a fait prendre conscience que ce que nous croyions pérenne ne l’était pas et que tout pouvait s’effondrer du jour au lendemain.

Face à cette crise, les plus optimistes nous renvoient aussi au passé et aux nombreuses catastrophes écologiques, sanitaires et économiques qui ont secoué le monde durant ces deux derniers millénaires et qui ont vu à chaque fois l’humanité rebondir et repartir de plus belle.

Les deux plus grandes épidémies de peste au 6ème siècle (peste de Justinien) et au 14ème siècle (peste noire) qui semblent liées à un refroidissement de la planète causé par des éruptions volcaniques, ont provoqué une chute des populations d’un bon tiers voire de la moitié des effectifs initiaux en Europe.

En 1815 l’explosion du volcan Tambora en Indonésie a perturbé le régime climatique sur la terre provoquant une baisse des températures moyennes dans le monde de 1 à 7 degrés, à l’origine de graves crises économiques, alimentaires et de famines causant plus de 200 000 victimes.

A chaque fois, l’humanité s’est relevée de ces catastrophes sanitaires et économiques causées par ces changements climatiques majeurs.

Mais aujourd’hui ce n’est pas un refroidissement de la planète qui nous guette mais son réchauffement progressif et continu dont l’impact catastrophique et à brève échéance dans notre vie risque d’être irréversible.  

II – Ce que les limites environnementales nous imposent

« Nous sommes en guerre » a dit le Président Emmanuel MACRON lors de son discours du 16 mars 2020, et effectivement nous le sommes, sauf que la guerre que l’humanité mène depuis des décennies est dirigée contre la planète et contre le vivant. Et nous risquons bien de la gagner !

Dans notre premier article rédigé en août 2018 intitulé « Demain, la fin de notre civilisation », nous avions évoqué les 2 effets dévastateurs de notre système de civilisation basé sur une croissance économique continue, à savoir la disparition à court terme des ressources naturelles et le réchauffement climatique. 

Or cette question de l’épuisement des ressources et du réchauffement climatique n’a jamais été au centre des préoccupations de tous ceux qui nous dirigent aussi bien sur un plan politique que sur le plan économique et financier.

Pourtant l’humanité devra tôt ou tard se retrouver en face des limites de ce dont la terre dispose comme ressources, et plus tôt que tard, quand on sait que les Etats vont vouloir relancer la machine économique et la pousser à plein régime pour que la croissance ne baisse pas car ce serait alors synonyme d’effondrement du système. « Croître ou mourir, il faut choisir » telle serait la devise qui caractérise notre modèle de civilisation.

Concernant le réchauffement climatique et ses conséquences désastreuses (désertification, montée des eaux, augmentation et intensification des feux de forêt et des phénomènes naturels tels que orages, cyclones, inondations… Sécheresse, érosion et stérilisation des terres agricoles, disparition des écosystèmes et de la biodiversité), d’aucuns n’hésitent pas à dire qu’il est déjà trop tard, car pour atteindre l’objectif fixé en novembre 2015 lors de la COP21 de limiter le réchauffement climatique mondial de 2 degrés d’ici 2020, les Etats devront tripler d’ici 2030 le niveau de leur engagement par rapport à leurs promesses faites, ce qui est tout à fait illusoire, quand on sait que les émissions de CO2 et de gaz à effet de serre dans l’atmosphère n’ont cessé d’augmenter ces dernières années alors qu’elles devraient diminuer de 20% entre 2020 et 2030.

Dans ce contexte, nous vivons une situation inédite également sur le plan climatique car si jusqu’à maintenant, les écosystèmes ont pu se reconstituer à la suite de dérèglement climatique majeur du fait de paramètres climatiques, même s’il a fallu parfois des millions d’années après une extinction de masse pour que la faune se reconstitue partiellement (disparition des dinosaures), cela risque fort de ne plus être le cas aujourd’hui, dès lors que l’émission de CO2 et de gaz à effet de serre à l’origine de ce réchauffement climatique n’est pas prête de s’arrêter et va au contraire s’aggraver irrémédiablement.

En effet, pour réduire notre impact sur l’environnement, nous devons réduire la consommation de pétrole, de charbon et de gaz, ce qui revient à consommer moins et à réduire notre niveau de vie, notre confort matériel… Ce qui est contre notre nature, puisque nos comportements ne sont pas dictés par des valeurs morales, notre réflexion, notre raison, mais par nos instincts, nos pulsions, la satisfaction de nos désirs et de notre plaisir, fût-il vain et éphémère.

Et même si nous nous prenions par la main et décidions à notre petite échelle de faire des efforts, qu’en sera-t-il de tous ceux qui dans le monde, ont les moyens de consommer et à qui les banques accordent généreusement des crédits ?

Si en 1980, les classes moyennes du monde comptaient 500 millions de personnes, l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) estimait à 1.8 milliard en 2009 le nombre de personnes appartenant aux classes moyennes dont plus de 1 milliard vivant dans les pays émergents.

Selon une étude réalisée en 2018 par la Brookings Institution, plus de 3.8 milliards de personnes appartiendraient désormais à la classe moyenne ou à la classe favorisée, et les projections pour 2030 font état de 5.6 milliards de personnes.

Le désir consumériste étant inhérent à l’être humain, il nous paraît alors improbable que la moitié de la population mondiale décide de réfréner sa consommation au motif qu’il faut penser à laisser une planète viable à la future génération, à moins qu’un évènement extérieur comme par exemple cette pandémie actuelle s’impose à elle et la contraigne à n’acheter que ce qui lui est nécessaire pour vivre.

La solution peut-elle alors venir au niveau des pays ? Là encore cela semble utopique, car seule une réduction de leur PIB, et donc de leur croissance économique pourrait amener une inflexion des courbes exponentielles.
Et pour que les choses changent, il faudrait aussi que tous les pays s’y mettent en même temps, mais quel pays accepterait de baser son économie sur un modèle de décroissance dans un monde où la croissance économique est la règle ?

Nous voyons mal en effet des pays comme la Chine et les Etats-Unis renoncer à toute idée d’hégémonie économique et s’unir avec la Communauté européenne et tous les autres pays du monde entier pour faire diminuer de concert leur croissance économique et entrer volontairement en récession économique (on a vu les résultats pour le moins stériles des différentes COP), à moins là encore, qu’un évènement extérieur l’impose…

Et pas d’inquiétude nous disent nos leaders politiques et du monde de la finance, les 5000 milliards d’euros injectés dans le système bancaire par les banques centrales suffiront à faire relancer la machine économique, quand d’autres économistes nous parlent au contraire d’un tsunami économique dont les pays auront du mal à s’en remettre. 

En définitive, l’humanité va sans doute continuer à persister dans ses travers consuméristes jusqu’au drame final où les conditions de sa survie ne seront plus assurées.

Dans ces conditions, la question et la seule préoccupation qui devrait être la nôtre aujourd’hui n’est pas de savoir si nous allons pouvoir retrouver notre vie d’avant le COVID-19, mais de réfléchir dès maintenant aux changements qui nous permettront de nous adapter aux bouleversements dans notre mode de vie, qui nous attendent dans les décennies à venir.

Ne faisons pas comme la grenouille qui plongée dans l’eau froide qu’on porte très lentement à ébullition, s’habituerait progressivement à la hausse de température, la trouverait même agréable mais finirait ébouillantée, alors que si on la plongeait subitement dans de l’eau chaude, elle s’échapperait d’un bond.

Cette parabole de la grenouille qui ne savait pas qu’elle était déjà cuite, traduit notre passivité à réagir face aux conséquences irréversibles du réchauffement climatique qui mettent notre vie en péril, et notre croyance que tout cela n’est qu’une fable.

Devant l’ampleur du désastre, tout le monde s’accorde cependant pour dire que le monde après le COVID-19 ne sera plus le même. Ici et là on voit aussi des personnalités publiques monter au créneau et militer pour un monde nouveau, plus juste, plus solidaire, plus résilient… Nicolas HULOT appelle à transformer cette crise sanitaire en crise salutaire, et le libre-échange par le juste échange. Le psychiatre Boris CYRULNIK, spécialiste de la résilience, fait quant à lui le pari d’un monde meilleur car les cataclysmes (terrorisme, crise économique, catastrophe écologique, pandémie…) provoquent souvent des prises de conscience salutaires pour l’humanité. 

Cette pandémie de COVID-19 sonnera-t-elle pour autant le glas de notre système de civilisation basée sur la croissance économique, qui requiert toujours plus d’énergie pour la soutenir ?

Nous pensons l’avoir suffisamment démontré, nous ne pourrons pas changer notre système à moins d’y être contraint, ou qu’il s’effondre de lui-même.  

C’est pourquoi, l’heure n’est plus à vouloir changer le cours des choses mais à anticiper de manière concrète ce que sera le monde de demain dans lequel nous devrons notamment faire face à une rupture des chaines d’approvisionnement qui nous paraît inévitable à terme, en raison de l’épuisement des ressources naturelles et notamment du pétrôle, d’ici une trentaine d’année au rythme où vont les choses.

L’humanité devra faire face également à des pénuries alimentaires un peu partout dans le monde, du fait de la dégradation des conditions climatiques et de ce qu’il ne sera pas possible de développer une production alimentaire suffisante pour nourrir les 2 milliards d’habitants supplémentaires sur la terre.

Si nous voulons passer du temps à « refaire le monde », ce n’est donc pas au niveau global et mondial qu’il nous faut envisager des solutions mais au niveau local, à échelle d’une Région, d’un Département, d’une île… 

Attendons-nous et préparons-nous ainsi à vivre dans un monde où l’énergie sera beaucoup moins disponible car plus rare et très chère, dans lequel nous devrons revoir notre modèle agricole, et développer la production locale de nourriture en favorisant notamment la permaculture si vous voulons devenir plus autonome sur le plan alimentaire et survivre à la fin de notre civilisation.

Mais « l’homme ne vivra pas de pain seulement » et un autre monde nous attend en effet, mais ceci est une autre histoire…

Eric HAN KWAN

 

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