Beaucoup de thérapeutes pourraient en témoigner : certains patients sont incapables de guérir parce qu’au fond ils tiennent à leur maladie ou même , tellement las qu’ils sont de la vie , se verraient déjà dans l’au-delà , à la condition que tout le monde y trépasse avec eux .
N’en déplaise aux cassandres , et rendant grâce à Didier de Marseille dont les prévisions semblent se confirmer , l’épidémie est presque derrière nous désormais. Il va donc falloir se remettre en route . A dos de chameau ou de dromadaire , nul ne sait pour l’heure si nous devrons nous accommoder des deux bosses du premier ou garder notre équilibre sur la selle de croupe du second .
A l’heure du bilan , certains tenteront d’imposer de cette crise une lecture écologique expiatoire.
Après l’écologie punitive , voici venir l’heure du rachat des péchés du monde par l’ascèse et la flagellation.
Je voudrais dire que l’écologie , – la vraie qui s’appuie sur des données scientifiques rationnellement articulées -, n’appartient à personne et les problèmes qu’elle pose, – et qui sont d’ailleurs incomplètement connus aussi bien dans leurs causes que dans leurs effets – , sont des défis civilisationnels qui n’implique pas de renverser la table , comme certains tenants de « l’écologie politique » le suggèrent .
« L’écologie politique » , celle qui revendique l’accès au pouvoir , n’est qu’une imposture : elle n’est ni scientifiquement écologique ni politiquement cohérente.
Ce que je mets en cause, c’est le caractère fondamentaliste et moraliste d’un certain type de discours écologique qu’on voit fleurir au sortir de la crise et qui essaie de développer un sentiment de culpabilité : la catastrophe qu’on nous prédisait est arrivée !
Le savant qui vit dans le doute et le politique qui fait commerce de certitudes ne font jamais bon ménage
Le coronavirus est complètement étranger au réchauffement de la planète . Cette émergence virale n’est que la manifestation de la « volonté dans la nature » , dont les raisons échappe à notre raison et à nos jugements moraux.
Instrumentaliser cette crise pour justifier on ne sait quelle dictature de la pensée et de l’action relève d’une stratégie du choc augurant la prise de contrôle de la société par une ploutocratie du désastre .
Le désastre nous l’avons désormais sous le nez : ce sera des milliers de chômeurs en plus , un endettement colossal et une étatisation dirigiste de notre société et de notre économie.
Et ces apprentis sorciers en redemandent :
⁃ la décroissance , voilà la voie nous assurent les bobos écolos d’opérette qui ont fui la capitale, qu’ils adorent pourtant , dès la première alerte.
⁃ encore plus d’Etat enchaînent nos énarques délégitimés et en manque d’autorité .
⁃ qu’on ouvre des infirmeries à chaque coin de rue et qu’on ne se déplace plus sans son masque et à distance de l’autre ,exigent désormais les citoyens sidérés par toutes ces histoires de loup qu’on leur a mis dans le cerveau chaque soir avant de s’endormir , depuis plus de deux mois.
Serons nous capable de nous remettre de cette folie qui a gagné toute notre société , y compris et surtout ses élites ?
Ce qu’il nous faut c’est retrouver le bon sens qui nous a fait défaut dans cette panique générale.
Et le bon sens nous commande de ne pas rêver et de revenir au réel. .
Quelques idées en vrac pour lancer le débat ::
⁃ notre Ile , par ses échanges ( largement asymétriques ) de biens et de services , est fortement dépendante de la métropole , de l’Europe , du reste du monde. Vouloir s’enfermer dans un cocon stérile nous exposerait à l’asphyxie économique et sociale. Il existe de multiples outils très souples , qui permettent de sécuriser nos portes d’entrée ( aéroports et port ) à un niveau acceptable, même si on ne peut pas espérer une protection absolue. Il serait raisonnable de concevoir ces dispositifs de contrôle dans le cadre d’un protocole pérenne , indépendamment de l’épidémie;
⁃ la baisse massive du pouvoir d’achat fait des relocalisations , à supposer même qu’elles soient techniquement possibles, une illusion . Les consommateurs attendent des offres au meilleur prix et donc émanant de pays producteurs et d’opérateurs à bas coût . Les circuits courts ne sont possibles que pour un nombre limité de productions;
⁃ nous aurons à faire face , transitoirement on peut l’espérer , à un afflux de chômeurs et il nous faut penser un dispositif du type « congés solidarité » ( pré retraite ) qui a déjà été mis en œuvre dans les années 2000 pour dégager des perspectives professionnelles pour notre jeunesse. Tant qu’à soutenir l’emploi , ce qui sera inéluctable, il paraît plus intelligent et plus efficace d’orienter les aides vers la libération des postes occupés par les seniors que de tenter de contenir à renfort d’allocations la déshérence de notre jeunesse ;
⁃ la population dite « active » doit vite se remettre au travail et il est important que nos « décideurs » , trop souvent plus soucieux de se couvrir que de s’exposer , cessent de donner des alibis pour retarder la reprise de l’activité ;
⁃ notre cadre institutionnel s’est révélé complètement inadapté . Il faut très vite que nous reprenions la maîtrise de notre destin plutôt que de le laisser à l’initiative de Paris et de ses émissaires. Nous n’avons pas plus besoin d’un renforcement de la fonctionnarisation de nos emplois. Ce qu’il nous faut ce n’est pas lutter contre le réchauffement climatqiue mais contre le refroidissement démocratique.
⁃ l’aménagement urbain à La Réunion s’est inspiré du modèle des mégapoles. Or on sait que c’est cette concentration de l’habitat qui a été le principal moteur de l’épidémie. Même si cette option a un coût , il nous faut privilégier l’étalement urbain , à la condition que soient mis en place des moyens de transport , du type tram train , structurant cette nouvelle urbanisation . Dans le même ordre il est impératif de repenser notre carte scolaire en privilégiant les petites unités d’enseignement de proximité et en bannissant désormais les grands complexes des lycées ou de collèges immergés dans les centres urbains.
Cette expérience épidémique a révélé le caractère artificiel de nos constructions mentales , sociales , économiques et institutionnelles .
Au final nous aurons été complètement infantilisés ; privés de toute initiative nous n’avons eu d’autre choix que de subir , d’attendre . Le fameux « complexe du cargo » à l’œuvre .
L’heure est venue de nous réveiller.
La partie n’est pas gagnée
Un conseil : méfions nous des beaux parleurs qui nous font la leçon sur notre addiction au PIB et au gaz à effet de serre et qui ont le nez collé sur leur smartphone et fréquentent trop assidûment les aéroports..
Pierre BALCON