
Chapitre 1
Mardi soir. 22 heures. Inutile de vérifier. Il suffit de suivre des yeux la silhouette qui s'engouffre dans le long couloir feutré de "L'Improviste". La houle des cheveux roux ondule un moment, puis avale le regard et l'emporte loin loin. Un battement de paupières, le brouillard se dissipe et redonne forme à la jeune femme qui glisse sur la vieille moquette rouge. Sans le vouloir, les lumières d'un kaléidoscope arrangent la robe noire que sans doute elle a eu du mal à choisir parmi d'autres robes noires. Robe du soir. Talons auguilles. Lorsque dans l'air s'élève l'odeur froide et piquante de tabac consommé, la silhouette a disparu.
(...)
Et la nuit bascule. Devient masculine.
(...)
Alors, Charlotte le voit.
Lui.
Rien que Lui.
Sa chemise blanche absorde la lumière autour.
De la démarche souple et affirmée de quelqu'un qui sait où il va, il traverse l'espace enfumé de "L'Improviste", flirte avec les corps enlacés quelquefois malgré eux, et, sans même que le hasard ait besoin de s'en mêler, s'installe à l'autre bout du comptoir. Juste en face.
Mardi soir. 22 heures. Inutile de vérifier. Il suffit de suivre des yeux la silhouette qui s'engouffre dans le long couloir feutré de "L'Improviste". La houle des cheveux roux ondule un moment, puis avale le regard et l'emporte loin loin. Un battement de paupières, le brouillard se dissipe et redonne forme à la jeune femme qui glisse sur la vieille moquette rouge. Sans le vouloir, les lumières d'un kaléidoscope arrangent la robe noire que sans doute elle a eu du mal à choisir parmi d'autres robes noires. Robe du soir. Talons auguilles. Lorsque dans l'air s'élève l'odeur froide et piquante de tabac consommé, la silhouette a disparu.
(...)
Et la nuit bascule. Devient masculine.
(...)
Alors, Charlotte le voit.
Lui.
Rien que Lui.
Sa chemise blanche absorde la lumière autour.
De la démarche souple et affirmée de quelqu'un qui sait où il va, il traverse l'espace enfumé de "L'Improviste", flirte avec les corps enlacés quelquefois malgré eux, et, sans même que le hasard ait besoin de s'en mêler, s'installe à l'autre bout du comptoir. Juste en face.
Chapitre 2
La première fois faillit se passer dans l'habitacle embué de la GTI. Deux corps coincés entre la boîte à gants et le volant en cuir. Suspendus à la menace constante de l'arête du frein à mains.
On ne rêve pas vraiment à ça pour une première nuit d'amour.
Quand Charlotte réussit à s'extraire des bras, des hanches, de l'emportement d'Etienne, elle remit de l'ordre dans sa robe portefeuille, retrouva discrètement son petit bout de dentelle noire et s'excusa.
- Pas ici. Pas comme ça.
La première fois faillit se passer dans l'habitacle embué de la GTI. Deux corps coincés entre la boîte à gants et le volant en cuir. Suspendus à la menace constante de l'arête du frein à mains.
On ne rêve pas vraiment à ça pour une première nuit d'amour.
Quand Charlotte réussit à s'extraire des bras, des hanches, de l'emportement d'Etienne, elle remit de l'ordre dans sa robe portefeuille, retrouva discrètement son petit bout de dentelle noire et s'excusa.
- Pas ici. Pas comme ça.
Chapitre 3
Du haut de sa colline, lorsque Valentine (la grand-mère de Charlotte) contemple la ville de Grands-Bois, elle ouvre son propre livre d'histoire. Et, lorsqu'elle se penche particulièrement sur l'usine de cannes à sucre, ce lieu qui, finalement avait avalé la grande partie de sa vie, c'est maintenant un livre de ruines qu'elle feuillette avec peine.
En bas, à droite, le squellette d'acier de l'usine sucrière agonise sous les mauvaises herbes. Le toit offre une vue dégagée sous un ciel sans fumée et les fenètres, de larges plaies béantes dans les murs éventrés, ne s'ouvrent plus sur personne.
(...)
Au fil des années, entre la grand-mère et la petite fille, les liens du sang ont tissé un amour qui a vaincu avec panache le chagrin, la mort, la misère et la solitude. Toutes les solitudes. A elles deux, elles avaient appris à vivre avec le manque de tout, se nourrissant l'une de l'autre, comme se nourrit pour survivre. Goutte-à-goutte de mots. Goutte-à-goutte d'histoire.
Du haut de sa colline, lorsque Valentine (la grand-mère de Charlotte) contemple la ville de Grands-Bois, elle ouvre son propre livre d'histoire. Et, lorsqu'elle se penche particulièrement sur l'usine de cannes à sucre, ce lieu qui, finalement avait avalé la grande partie de sa vie, c'est maintenant un livre de ruines qu'elle feuillette avec peine.
En bas, à droite, le squellette d'acier de l'usine sucrière agonise sous les mauvaises herbes. Le toit offre une vue dégagée sous un ciel sans fumée et les fenètres, de larges plaies béantes dans les murs éventrés, ne s'ouvrent plus sur personne.
(...)
Au fil des années, entre la grand-mère et la petite fille, les liens du sang ont tissé un amour qui a vaincu avec panache le chagrin, la mort, la misère et la solitude. Toutes les solitudes. A elles deux, elles avaient appris à vivre avec le manque de tout, se nourrissant l'une de l'autre, comme se nourrit pour survivre. Goutte-à-goutte de mots. Goutte-à-goutte d'histoire.