Je me suis étranglé, non pas en avalant un noyau de letchi, mais en découvrant dans Le Quotidien (page 17) un article absolument sidérant intitulé : « Saint-Paul : deux tonnes de letchis dénoyautées (sic) ». Mon premier mouvement, je l’avoue, fut de vérifier la date du journal. Non, nous n’étions pas encore le 1er avril mais seulement, parait-il, le 11 décembre !
Dans cet article, en effet, on nous explique sans rire qu’une vingtaine d’intérimaires ont consacré deux jours de leur vie aux « opérations de décontamination, d’épluchage, de dénoyautage et de mise en barquettes » de 2 tonnes de letchis pour assurer le repas de Noël des 14 000 élèves de Saint-Paul !
Comment, les jeunes Réunionnais seraient incapables d’éplucher eux-mêmes leurs letchis et, pour leur mâcher le travail, il aura donc fallu déployer une brigade de 20 spécialistes ? J’espère que les dits spécialistes embauchés pour l’occasion ont reçu une formation ad hoc et qu’ils sont détenteurs d’un diplôme certifiant leur aptitude à l’épluchage du letchi, une opération, comme on sait, particulièrement délicate et qui ne peut être mise entre toutes les mains.
Puis-je suggérer que cette équipe d’assistance à la restauration sans risque voie son embauche ensuite prorogée ? Elle pourra en effet être très utile en de nombreuses autres occasions. Par exemple pour retirer les arêtes du poisson et les os de la viande afin d’éviter à ces pauvres demeurés de s’étrangler en ingérant leur cari sans de suffisantes précautions.
Elle pourra aussi leur venir en aide pour éplucher leur pomme de peur qu’ils ne se coupent en maniant eux-mêmes le couteau, un outil très dangereux, vous savez, si l’on n’y prend garde… Et puis veiller à ce qu’ils ne boivent pas trop vite : ils pourraient, ce faisant, avaler de travers et être victimes d’une « fausse route », ce qui, nul ne l’ignore peut être très grave, voire mortel (j’ai d’ailleurs une tante, moi qui vous parle, qui est morte comme cela).
Mais, une question se présente à mon esprit tenaillé par une terrible angoisse : est-ce qu’à force de prendre les enfants pour des crétins on ne risque pas de finir pour de bon par les rendre tout à fait crétins ? Je crois qu’il serait judicieux de convoquer d’urgence la cellule psychologique du rectorat pour lui soumettre ce grave problème.
André Pouchet, le 11 septembre 2014