Maître Lucie Karachni représentait le plaignant et a argumenté la position de son client face à la décision de la mairie : « Cet arrêté porte atteinte à la survie des personnes qui n’ont que cela pour vivre ainsi qu’à la dignité et au principe de fraternité. Ce sont des personnes qui sont exclues, des invisibles et venir au centre de Saint-Pierre leur permet de garder un lien avec la société. Cela ne porte aucun trouble à l’ordre public. Il n’y a aucune agressivité dans cette démarche. Les éléments qui font état d’un trouble manifeste font état de pièces en date de 2018. » Elle ajoute : « Mon client fait la manche de façon pacifique. »
L’avocate du sans-abri interpelle le président du tribunal : « Jusqu’au 31 août mon client ne se rend plus au centre ville de Saint-Pierre. Il y a une atteinte à sa liberté de mouvement. Je compte sur votre humanité. »
L’avocat conteste les raisons de la tenue de l’audience aujourd’hui : « Monsieur Dumas vous saisit dans le cadre d’un référé et doit caractériser le caractère d’urgence de cette requête. Or selon nous, l’urgence n’est pas démontré. L’arrêté datant du 12 juillet. Par ailleurs monsieur Dumas se dit sans revenus, hors il bénéficie du RSA et de l’allocation adulte handicapé selon le CCAS de Saint-Pierre. Donc quelle est l’urgence ? Il n’est pas privé de ressources. »
Il insiste aussi sur le périmètre limité défini par l’arrêté, autrement dit le centre-ville de Saint-Pierre. Ensuite il fait valoir les incivilités qui résultent de la mendicité et cite un fait divers criminel en date de 2019 où un sans abri avait trouvé la mort. L’avocat a demandé à ce que l’instruction de l’affaire soit repoussée en début d’après-midi pour faire parvenir au tribunal des plaintes pénales de commerçants.
Le président du tribunal prend le temps d’écouter toutes les parties. Le plaignant a eu longuement la parole. Il demande ensuite à la mairie de Saint-Pierre si d’autres pistes que cet arrêté ont été explorées et si des PV ont été dressés en 2020 ou 2021 à l’égard de la mendicité.
En plus de l’opinion publique, l’arrêté municipal a fait vivement réagir l’opposition municipale. Jean Gaël Anda affirme avoir accompagné « Vévin », le plaignant, dans ses démarches auprès du tribunal administratif. « ‘Vévin’ est heureux d’avoir pu faire entendre sa voix devant un tribunal dans une affaire dans laquelle il est victime d’une décision pour le moins inhumaine et infondée en ce qui le concerne », souligne le chef de l’opposition saint-pierroise.
Jean-Gaël Anda s’est déplacé pour apporter son soutien au sans abri qui a saisi le tribunal.
Pour l’écologiste Emmanuel Doulouma, « cet arrêté porte atteinte à la liberté d’aller et venir des plus précaires au bénéfice de la commodité de passage des mieux lotis. Cette volonté de faire disparaître la misère réelle résonne comme une agression supplémentaire faite aux plus précaires. Dans une ville classée parmi les 20 plus pauvres de France, c’est la pauvreté que nous devons combattre et non les pauvres. »
Enfin, Imrhane Moullan a condamné cet arrêté, mais regrette les tentatives de récupération politique de certains. Il a surtout fait part de son inquiétude de voir les commerçants et la communauté musulmane de Saint-Pierre être accusée d’être à l’origine de cet arrêté.