

Alors que la présidence actuelle de l'Université de la Réunion était prête quasiment dès son accession aux responsabilités de franchir le pas de la LRU, trois ans plus tard le tableau se noircit. Le passage à l'autonomie tourne au ralenti, au point de croire selon beaucoup d'observateurs que Mohamed Rochdi a plongé volontairement l'institution vers une mise sous tutelle par le ministère. Les premières indications ne tarderont pas à venir du Rectorat en charge du contrôle du budget 2012 de l'Université.
Prochainement, l'Université de la Réunion sera sous statut à responsabilité et compétences élargies (dite RCE) au 1er janvier 2012. Problème, en n'adoptant pas son propre budget, la présidence de Mohamed Rochdi a rejeté le budget en mode RCE qui devait aller de paire. Les conditions sont donc créées pour une mise sous tutelle par l’État dès le début 2012.
Quelle décision prendra M. Fourar ?
Que va-t-il se passer une fois que la trêve des fêtes sera passée ? En votant il y a moins de trois semaines un budget non conforme à ce fameux statut RCE, la présidence envoie un message au gouvernement. "Nous voulons passer à l'autonomie mais les finances en notre possession ne nous permettent pas d'appliquer cette transition vers l'autonomie" dont le dernier wagon passera le 1er janvier 2013.
Mais avant d'évoquer 2013, l'année qui vient promet des turbulences. Dans les prochaines semaines, le Recteur Mostafa Fourar, en tant que chancelier de l'Université (un peu à la manière du contrôle de légalité de la Préfecture en direction des collectivités et établissements publics), devra se pencher sur un budget qui n'est pas arrivé dans les délais à ses services. Une fois cette condition de forme outrepassée, un menu plus consistant attend le Recteur. Plusieurs possibilités sont envisageables.
Soit le Recteur accepte un budget non RCE pour un établissement qui l'est. Une hypothèse contradictoire qui ne devrait pas vivre très longtemps. Malgré tout, et avec un "oui" approbateur du Recteur, cela voudrait-il dire que le mode RCE est activé (en force) ? Restera à en déterminer l'entrée en vigueur totale (budget conforme au statut). Soit le Recteur n'accepte pas cette situation binaire de budget non RCE pour un établissement censé être en RCE, ce qui amènerait l'Université à passer sous tutelle.
Selon des proches du dossier, le coup de bluff du dernier conseil d'administration de début décembre marque un désengagement de la présidence. En effet, en provocant une mise sous tutelle, la présidence lèguerait une situation délicate au ministère. Les comptes sont dans le rouge alors même que le budget de l'exercice précédent n'incorporait pas le traitement des personnels de l'Université. Or, la réforme LRU, dans sa déclinaison pleine et entière transfère les charges de personnel aux universités françaises.
"Rochdi souhaite faire porter le chapeau de la mauvaise situation à l'Etat" selon des observateurs
"L'équation était pourtant favorable", annoncent les mêmes habitués qui resteront anonymes. L'établissement a bénéficié pour son fonctionnement d'une augmentation de plus de 25% du ministère ces quatre dernières années. Afin de basculer vers l'autonomie, une année de transition devait permettre aux administratifs de la comptabilité de tester la configuration "autonome" de l'institution. Cette simulation n'a pas été faite selon eux. L'Université n'est tout simplement pas prête.
Que se passerait-il dans le cas d'une mise sous tutelle ? Là aussi, la situation frôlerait l'inédit. Un budget de tutelle est composé à 80% du budget de l'année N-1 de la tutelle. Dans le cas présent, l'Université devrait composer avec seulement 80% d'un budget 2011 qui ne comprenait déjà pas la masse salariale !
A la lecture des mesures drastiques qui se profilaient (non renouvellement de contrats, coupe dans les effectifs,…), on comprend mieux pourquoi le président de l'Université préfèrerait laisser au ministère de tutelle (le mot est de circonstance) le loisir de prendre les décisions qui fâchent. "Une manière pour le président Rochdi de se dédouaner et en pointant du doigt le désengagement de l'Etat" avancent les proches du dossier.
Si ce scénario se confirme, l'Université de la Réunion viendrait gonfler les rangs des universités métropolitaines également sous tutelle.
Paris 6, Paris 13, l'université de Savoie, Bordeaux 3 et Limoges sont en effet sous surveillance. S'y ajoutent deux grandes écoles, l'ENS Cachan et l'Insa de Rouen, dans le collimateur pour leur piètre gestion. Les mauvaises langues parlent elles de situation rendues critiques par le seul fait de présidents d'universités qui ne voulaient pas appliquer cette réforme. Ce sabordage est donc le dernier levier en leur possession…