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L’Etat veut s’attaquer aux rentes des huissiers: « Un risque pour les justiciables »

Un rapport commandé par Bercy et confié à l'Inspection générale des Finances prévoit de s'attaquer aux rentes de certaines professions réglementées, dont le métier d'huissier, et de faire baisser jusqu'à 20% les prix des services concernés. A la Réunion, Me Jean-Pierre Michel, huissier de justice et ancien président de la Chambre départementale, évoque, à la découverte de ce rapport, "un risque pour les justiciables", mais également pour la profession elle-même, avec à la clé la suppression de plusieurs postes si la volonté du ministère de l'Economie de déréglementer ces professions était mise en application.

Ecrit par zinfos974 – le jeudi 17 juillet 2014 à 14H47

Zinfos974: L’Etat s’attaque à votre profession, quelle est votre première réaction sur ce rapport ?

Me Jean-Pierre Michel: Il est d’abord assez singulier que la presse ait pu prendre connaissance de ce rapport avant même que les professions concernées, qui sont au nombre de 37, n’aient été en mesure de le consulter et donc encore moins de pouvoir argumenter sur les chiffres avancés. Il faut rappeler que les huissiers de justice, officiers publics et ministériels, exercent une profession strictement encadrée par l’Etat, qui participe de l’égal accès de tous les citoyens à la justice. Notre profession est un élément essentiel du bon fonctionnement de la justice par les actes dont elle a la charge, comme la signification des actes de procédure ou l’exécution des décisions. Remettre en cause certaines de ces activités –dont le monopole qui a été créé pour des raisons de bonne administration de la justice– engendrerait un risque pour les justiciables car le droit n’est pas une marchandise.
 
Le rapport s’est focalisé sur les bénéfices nets avant impôt de ces professions réglementées, en moyenne 20%, êtes-vous dans cette fourchette aujourd’hui ?

Tout dépend du mode de calcul utilisé. Mais à l’heure actuelle, au vu de l’absence d’éléments plus précis, il ne serait pas utile d’entrer dans une discussion sur les chiffres, expertise contre expertise. 

Un exemple est donné : Pour 100 euros versés, un huissier dégagerait 43 euros de bénéfice net. Est-ce vrai ?

Je note que cet exemple est en complète contradiction avec la moyenne de 20% de bénéfice net avant impôt évoqué plus haut. En effet, 43 euros de bénéfice net pour 100 euros versés, équivaut à 43% du chiffre d’affaire. La profession est très loin de ces chiffres. Je sais seulement que, au vu des derniers contrôles effectués, la crise qui persiste depuis 2009 à fait perdre à certaines études de l’île plus de 45% de leur chiffre d’affaire. Aussi, il est difficile de répondre directement à cette question étant donné, encore une fois, que les méthodes de calcul utilisées par l’Inspection générale des finances ne sont pas connues.

Le rapport parle de revenu ni proportionnel au niveau d’études, ni justifié par une prise de risque particulière ?

Il faut rappeler que les huissiers de justice sont des juristes polyvalents et de très haut niveau. L’accès à la profession est subordonné à l’obtention d’un examen professionnel de très haut niveau. La plupart de mes confrères possèdent des diplômes à Bac +5. Or, les huissiers de justice sont non seulement des hommes et des femmes de dossiers, mais sont aussi présents en permanence sur le terrain, au contact direct de nos concitoyens. Ils sont d’ailleurs les seuls professionnels du droit à l’être. Notre profession est ensuite soumise à un contrôle strict, aussi bien de la part de notre ordre professionnel que des parquets généraux.
 
Quelles seraient les conséquences de la mise en application d’une réforme visant à faire baisser les prix dans votre profession (le rapport parle d’une baisse de 10 à 20% des prix) ?

Les huissiers de justice savent très bien que certains tarifs doivent être plus prévisibles, plus lisibles pour les citoyens, sans doute également plus transparents. Ce sont des principes régulièrement mis en avant par l’Autorité de la concurrence, dans d’autres matières. Notre Chambre nationale avait déjà anticipé une telle question avec son Ministère de tutelle, le Ministère de la Justice, en mettant en place un travail de réflexion sur le sujet. En tout état de cause, on ne peut pas comparer le prix d’une lettre recommandée et celui d’une signification, car on ne parle pas de la même chose. Seule la signification garantit à la fois le contenu et la date de remise car son destinataire ne peut s’opposer à la recevoir. Or ouvrir la signification des actes de procédure risque non seulement d’altérer la sécurité juridique des justiciables mais aussi de provoquer une baisse importante de l’activité des offices avec à la clé des suppressions d’emplois. Rappelons que les huissiers de justice emploient près de 14.000 collaborateurs.

 

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