L'intervention de Karine Lebon à l'Assemblée nationale:
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
« Une honte pour la République ! », c’est en ces termes que l’état de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion avait été qualifié lors d’une visite d’une délégation parlementaire, en septembre 1999.
Devant la gravité de la situation, l'Assemblée nationale, suivie par le Sénat, adoptait, à l'unanimité, la création d’une commission d’enquête sur les prisons afin d’engager une réflexion sur notre système pénitentiaire.
Au terme de plusieurs mois de travaux, le constat dressé était sans appel. Les rapports dévoilaient un univers carcéral calamiteux et dénonçaient une « humiliation pour la République ».
Les deux commissions parlementaires révélaient la situation de surpopulation carcérale et les conditions de détention attentatoires à la dignité dans un grand nombre des établissements visités.
Certes Domenjod a remplacé Juliette-Dodu mais, depuis le constat établi en 2000, trop peu de choses ont changé.
L’insalubrité, la crasse, l’absence d’hygiène, la surpopulation, les conditions de vie indignes correspondent toujours à l’état général des prisons françaises.
Au 1er janvier 2021, il y avait 62 673 personnes détenues dans les prisons françaises.
Certes, au début de la crise sanitaire une diminution inédite des incarcérations a créé l’espoir que la France pouvait en finir avec la surpopulation qui gangrène ses prisons, mais cet espoir n’a été que de courte durée, la justice renouant très vite avec ses réflexes carcéraux.
Les établissements pénitentiaires abritent aujourd’hui près de 4 000 prisonniers en plus qu’il y a six mois.
Les condamnations internationales et nationales se sont ainsi implacablement succédées depuis plus de vingt ans. La France fait partie des États européens dont les prisons sont les plus surpeuplées et dont la population carcérale continue d’augmenter.
Les condamnations récurrentes de la France pour « conditions de détentions inhumaines et dégradantes » mettent en exergue une ambition carcérale réduite à la « garde » de détenus au détriment d’une véritable réflexion sur le sens de la peine.
La récente décision, historique, rendue le 30 janvier 2020, par la Cour européenne des droits de l’homme appellent à des transformations profondes.
La Cour a en effet jugé que le surpeuplement des prisons françaises relevait de problèmes structurels et demandé l’adoption de mesures générales visant à garantir aux détenus des conditions de détention conformes à la dignité humaine, notamment par « la résorption définitive de la surpopulation carcérale ». Elle a également invité la France à établir un recours préventif et effectif permettant aux personnes détenues de faire cesser « pleinement et immédiatement » ces atteintes graves à leurs droits fondamentaux.
Après cette condamnation, le Conseil Constitutionnel, avait donné jusqu’au 1er mars pour que la loi soit modifiée.
Or, nous déplorons que cette échéance n’ait pas été respectée. L’inertie du gouvernement n’est pas acceptable alors que les droits fondamentaux sont en cause.
Sur le dispositif lui-même, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement la création de cette nouvelle voie de recours qui permet à toute personne détenue se plaignant de conditions de détention indignes de saisir le juge judiciaire pour qu’il y soit mis fin, y compris en ordonnant sa mise en liberté.
Soulignons cependant comme l’ont fait la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté et l’Observatoire international des prisons que le dispositif prévu « ne peut être regardé comme suffisant pour préserver les droits des personnes détenues. » La solution de laisser à l’administration pénitentiaire la possibilité de transférer les détenus pour mettre fin aux conditions indignes de détentions « risque de dissuader les recours de détenus qui préféreront rester incarcérés près de leur famille qui vient les visiter au parloir. »
En outre, ce recours judiciaire n’apportera pas, à lui seul, une réponse au problème posé par les mauvaises conditions de détention.
La surpopulation carcérale, problème endémique des prisons françaises, est pointée du doigt comme l’une des raisons majeures des conditions de vie déplorables en prison. Leur amélioration suppose de remédier à ce phénomène structurel.
Or, la création de nouvelles places de prison ne permettra pas de résoudre ce problème. L’Observatoire international des prisons souligne régulièrement l’inefficacité de l’augmentation du parc carcéral pour répondre à la surpopulation carcérale. Si près de 30 000 places de prison ont été construites ces 25 dernières années, entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire, celles-ci n’ont eu aucun effet sur la surpopulation, si ce n’est de l’accroître davantage.
Alors que le Gouvernement s’est engagé à ouvrir 7000 places d’ici à 2022 et à lancer les opérations pour l’ouverture de 8000 places supplémentaires à l’horizon 2027, rappelons que le chef de l’État reconnaissait lui-même en mars 2018, dans un discours à l’École Nationale d’Administration Pénitentiaire : « continuer comme nous le faisons en augmentant constamment le nombre de places de prison fait d’un problème politique, social et moral un problème immobilier, ce qui est toujours commode mais ne le règle pas ».
Proposition de loi
tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention
tendant à garantir le droit au respect de la dignité en détention
Intervention générale
Monsieur le Président,
Monsieur le Ministre,
Mes chers collègues,
« Une honte pour la République ! », c’est en ces termes que l’état de la maison d'arrêt de Saint-Denis de la Réunion avait été qualifié lors d’une visite d’une délégation parlementaire, en septembre 1999.
Devant la gravité de la situation, l'Assemblée nationale, suivie par le Sénat, adoptait, à l'unanimité, la création d’une commission d’enquête sur les prisons afin d’engager une réflexion sur notre système pénitentiaire.
Au terme de plusieurs mois de travaux, le constat dressé était sans appel. Les rapports dévoilaient un univers carcéral calamiteux et dénonçaient une « humiliation pour la République ».
Les deux commissions parlementaires révélaient la situation de surpopulation carcérale et les conditions de détention attentatoires à la dignité dans un grand nombre des établissements visités.
Certes Domenjod a remplacé Juliette-Dodu mais, depuis le constat établi en 2000, trop peu de choses ont changé.
L’insalubrité, la crasse, l’absence d’hygiène, la surpopulation, les conditions de vie indignes correspondent toujours à l’état général des prisons françaises.
Au 1er janvier 2021, il y avait 62 673 personnes détenues dans les prisons françaises.
Certes, au début de la crise sanitaire une diminution inédite des incarcérations a créé l’espoir que la France pouvait en finir avec la surpopulation qui gangrène ses prisons, mais cet espoir n’a été que de courte durée, la justice renouant très vite avec ses réflexes carcéraux.
Les établissements pénitentiaires abritent aujourd’hui près de 4 000 prisonniers en plus qu’il y a six mois.
Les condamnations internationales et nationales se sont ainsi implacablement succédées depuis plus de vingt ans. La France fait partie des États européens dont les prisons sont les plus surpeuplées et dont la population carcérale continue d’augmenter.
Les condamnations récurrentes de la France pour « conditions de détentions inhumaines et dégradantes » mettent en exergue une ambition carcérale réduite à la « garde » de détenus au détriment d’une véritable réflexion sur le sens de la peine.
La récente décision, historique, rendue le 30 janvier 2020, par la Cour européenne des droits de l’homme appellent à des transformations profondes.
La Cour a en effet jugé que le surpeuplement des prisons françaises relevait de problèmes structurels et demandé l’adoption de mesures générales visant à garantir aux détenus des conditions de détention conformes à la dignité humaine, notamment par « la résorption définitive de la surpopulation carcérale ». Elle a également invité la France à établir un recours préventif et effectif permettant aux personnes détenues de faire cesser « pleinement et immédiatement » ces atteintes graves à leurs droits fondamentaux.
Après cette condamnation, le Conseil Constitutionnel, avait donné jusqu’au 1er mars pour que la loi soit modifiée.
Or, nous déplorons que cette échéance n’ait pas été respectée. L’inertie du gouvernement n’est pas acceptable alors que les droits fondamentaux sont en cause.
Sur le dispositif lui-même, nous ne pouvons qu’accueillir favorablement la création de cette nouvelle voie de recours qui permet à toute personne détenue se plaignant de conditions de détention indignes de saisir le juge judiciaire pour qu’il y soit mis fin, y compris en ordonnant sa mise en liberté.
Soulignons cependant comme l’ont fait la Contrôleure générale des lieux de privations de liberté et l’Observatoire international des prisons que le dispositif prévu « ne peut être regardé comme suffisant pour préserver les droits des personnes détenues. » La solution de laisser à l’administration pénitentiaire la possibilité de transférer les détenus pour mettre fin aux conditions indignes de détentions « risque de dissuader les recours de détenus qui préféreront rester incarcérés près de leur famille qui vient les visiter au parloir. »
En outre, ce recours judiciaire n’apportera pas, à lui seul, une réponse au problème posé par les mauvaises conditions de détention.
La surpopulation carcérale, problème endémique des prisons françaises, est pointée du doigt comme l’une des raisons majeures des conditions de vie déplorables en prison. Leur amélioration suppose de remédier à ce phénomène structurel.
Or, la création de nouvelles places de prison ne permettra pas de résoudre ce problème. L’Observatoire international des prisons souligne régulièrement l’inefficacité de l’augmentation du parc carcéral pour répondre à la surpopulation carcérale. Si près de 30 000 places de prison ont été construites ces 25 dernières années, entraînant une hausse de 60 % du parc pénitentiaire, celles-ci n’ont eu aucun effet sur la surpopulation, si ce n’est de l’accroître davantage.
Alors que le Gouvernement s’est engagé à ouvrir 7000 places d’ici à 2022 et à lancer les opérations pour l’ouverture de 8000 places supplémentaires à l’horizon 2027, rappelons que le chef de l’État reconnaissait lui-même en mars 2018, dans un discours à l’École Nationale d’Administration Pénitentiaire : « continuer comme nous le faisons en augmentant constamment le nombre de places de prison fait d’un problème politique, social et moral un problème immobilier, ce qui est toujours commode mais ne le règle pas ».