Nombreux étaient les professionnels venus écouter Josef Schovanec, et le questionner sur leur pratique avec les personnes présentant un trouble du spectre autistique. En effet, l’homme, autiste lui-même, est une sommité dans ce domaine si méconnu, il conseille les gouvernants quant à la prise en charge de l’autisme, mais ne goûte guère ce terme: « le terme de prise en charge est embêtant, les gens ne devraient pas être une charge », s’agace-t-il, en réponse à une de nos questions sur l’état des lieux de l’autisme en France. « La place des gens différents n’est pas dans un lieu spécial, au fond des bois », clame le docteur en philosophie et en sociologie, diplômé de Sciences-Po Paris et de l’EHESS.
Josef Schovanec est considéré comme autiste Asperger, terme qu’il refuse aussi, redoutant une réintroduction des distinctions au sein du spectre autistique: « Il faut faire attention à la tentation de distinguer autisme et trouble du spectre autistique, car il s’agit de la même notion. Cette tentation est due aux mauvais professionnels, ceux qui ne font pas progresser leurs patients, c’est juste une entourloupe. De même, il faut refuser la distinction autisme/Asperger, qui est du pur snobisme, stigmatisant les autistes. »
Dans le monde de l’autisme, il y a une disparité sociale
La prévalence de l’autisme est d’environ 1% de la population, une population invisibilisée, en France métropolitaine comme dans les DOM. Josef Schovanec se bat pour que les autistes soient inclus dans la société, qu’ils suivent une scolarité classique, ou soient accueillis dans des structures adaptées et que leurs différences soient considérées comme un « réenchantement du monde ». « Dans le monde de l’autisme, clairement, il y a une disparité sociale, que vous aimiez Bourdieu ou pas, il s’agit là de faits. Souvent, l’arrivée de l’enfant autiste fait éclater la cellule familiale, le père part à pétaouchnok, et la mère doit cesser de travailler, du fait de l’absence de structures d’accueil. C’est une spirale infernale de paupérisation. », s’insurge-t-il.
Josef Schovanec a quant à lui eu la chance de faire des études, particulièrement brillantes, mais son parcours fut difficile, il a subi l’enfer des neuroleptiques, et se bat aujourd’hui contre la prédominance du médical, selon lui calamiteuse. Interrogé sur la façon dont il a pu se sortir de cet enfer médicamenteux, il répond avec humour que le fait que ses différents psychiatres n’étaient pas d’accord entre eux et se traitaient de noms d’oiseaux a « désacralisé » la parole médicale, malgré « la naïveté et l’obéissance », constitutives de l’autisme. Comme tous les autistes, Josef Schovanec présentait enfant un trouble du langage, il a parlé à six ans, ce qui lui a permis d’entrer à l’école primaire. « J’ai gardé les stigmates de cette difficulté d’apprentissage, j’ai ce qu’on appelle l’accent autistique », explique-t-il, précisant que la plupart des autistes non-verbaux comprennent ce qu’on leur dit.
L’occident est par essence une société excluante
Plaidant pour l’inclusion des autistes, il rappelle leurs capacités particulières, malgré des compétences sociales moindres (les autistes comprennent mal les codes sociaux, ayant une altération des interactions sociales), ils présentent en effet des capacités cognitives et/ou sensorielles accrues. « L’occident est une société excluante par essence, et dans 99% des cas, la société se moque des gens avec des compétences spéciales », regrette-t-il.
« Dès lors que vous êtes un riche couturier, on vous passe toutes vos bizarreries, telles la préférence d’un chat à l’humanité », s’agace Josef Schovanec, évoquant le décès récent de Lagerfeld, qu’il appréciait peu. « Quand vous êtes bizarre chez vous, si vous voyagez ailleurs, vous serez juste un étranger avec ses spécificités d’étranger. Beaucoup d’autistes s’exilent pour être mieux acceptés », dit le grand voyageur, passionné de langues étrangères, curieux du monde, brillant, espiègle et érudit.