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Jean-Jacques Morel : « Il faut savoir lever un barrage »

Tribune libre :

Ecrit par Jean-Jacques Morel Conseiller De?partemental – le jeudi 29 novembre 2018 à 22H52

La Réunion est maintenant bloquée depuis 15 jours. Nous avons tous conscience des grandes difficultés de beaucoup de nos compatriotes surtout les plus modestes. Personne ne peut rester indifférent à leur sort. La fin des emplois aidés a été une mesure inconcevable (pour l’Outre- mer en tout cas) car La Réunion et Mayotte sont les territoires les plus pauvres de l’Union Européenne.

Le coût de la vie, inouï sur l’île, occasionne un souci majeur de pouvoir d’achat pour tous, mais davantage encore pour tous ceux qui n’ont pas d’emploi et qui se retrouvent le frigidaire vide le 15 du mois. L’incapacité des gouvernements successifs, de droite et de gauche, à réduire, enfin, les dépenses de l’Etat, a conduit à une explosion des impôts et des taxes. Ce ras-le-bol fiscal constitue un des moteurs du mouvement des gilets jaunes que j’ai soutenu, à ma façon, avec les collègues de l’opposition à Saint-Denis, en demandant l’annulation symbolique du conseil municipal de vendredi dernier au vu des tensions sociales.

Le second ras-le-bol est celui du chômage qui continue, comme sous le quinquennat socialiste, à augmenter Outre-mer (140 000 chômeurs). Les employeurs, pour la plupart, petits, n’ont jamais été à ce point dans la nasse. Ils n’arrivent plus à payer leurs charges. Ce sont pourtant eux qui font vivre deux, trois ou parfois dix familles.

Ajoutons à cela des retraites qui ne suffisent pas à nos ainés pour boucler le mois. Ici encore l’effort du gouvernement est notable pour les toutes petites retraites. En revanche, les retraites un peu plus élevées ont été scandaleusement ponctionnées par une CSG encore alourdie et qui devient décidément insupportable.

Et voilà les classes moyennes actives qui à leur tour n’en peuvent plus : les employés, les secrétaires, les fonctionnaires, les planteurs, les artisans etc, bref, tous ceux qui se lèvent tôt le matin pour déposer les enfants à l’école avant de prendre leur travail, tous ceux qui passent des heures dans les embouteillages, qui n’ont droit le plus souvent à aucune aide ou presque, ce qui vivent dans le stress des papiers et des contraintes, les mêmes qui n’en finissent plus de payer, payer et payer. Ces travailleurs, les bien nommés, ce sont « monsieur et madame tout le monde ».

Ce sont eux qui font vivre la France. Ils n’intéressent pas Madame Girardin qui a concentré ses annonces ministérielles sur l’augmentation des minima sociaux (minimum vieillesse et allocation handicapée) évidemment bienvenus en ces temps de disette. Le gouvernement s’était engagé là-dessus, et c’est bien qu’il tienne parole. En revanche, la ministre est restée muette sur les classes moyennes, pourtant confrontées, elles-aussi, au coût très élevé de la vie ici. A part l’allégement des cotisations salariales vite gommé par la flambée de la fiscalité, il n’y a rien de rien.

Par ailleurs, aucune mesure non plus pour alléger fortement le coût du travail à la Réunion. Quand comprendra t-on que celle-ci ne peut être traité, de part son éloignement et son insularité, comme un département métropolitain, au cœur du marché européen de 500 millions d’habitants? Au lieu de songer une fois de plus à l’assemblée unique, le gouvernement serait bien inspiré de prêter une oreille attentive aux propositions du président de Région en engageant ce que la Constitution rend désormais possible : un nouveau modèle économique et fiscal.

C’est la voie de l’expérimentation. Elle n’exclue d’ailleurs pas un peu plus de moyens car, à situation exceptionnelle, réponse exceptionnelle. Une parlementaire, Madame Huguette BELLO, faisait d’ailleurs observer à juste titre que si la ministre GIRARDIN traitait La Réunion comme son département d’origine, Saint-Pierre et Miquelon, nous aurions droit à trois fois plus d’argent public !

Les classes moyennes sont le pilier de La Réunion. C’est la majorité silencieuse. Je n’ai pas le monopole de leur représentation. Elles ne m’ont donné aucune procuration si ce n’est celle de mon mandat politique au Département de la Réunion. Parce que je leur parle quotidiennement, je sais qu’elles souffrent beaucoup de ce mouvement qui s’est installé dans la durée et qui doit aujourd’hui prendre fin. Les discussions avec l’Etat doivent bien sûr se poursuivre pour soulager les Réunionnais. Les revendications doivent s’exprimer et le gouvernement doit imaginer des réponses, même partielles. Ce sera toujours ça.

La vie de l’île doit reprendre : les enfants retourner à l’école, les malades doivent pouvoir se soigner normalement, les services publics doivent réouvrir, et les entreprises doivent retrouver la liberté fondamentale d’aller et de venir c’est-à-dire la liberté de travailler. En cette fin novembre, beaucoup de salariés verront les jours d’absences décomptés et beaucoup d’employeurs ne pourront pas honorer, en temps voulu, les salaires. N’ajoutons pas le désordre à l’injustice car le désordre entraine toujours une injustice encore plus grande.

La liberté de manifester est un droit absolu. Les manifestants doivent pouvoir continuer à s’exprimer. Mais qu’est-ce qu’une liberté sans responsabilité ? Barrer les routes revient à empêcher son voisin, son ami, son frère, ou son collègue, de travailler. Chacun doit pouvoir décider pour soi sans subir des heures de blocages (parfois 4 heures !) en plein soleil dans un barrage soit disant filtrant mais en réalité bloquant.

Attention à ne pas saborder notre économie déjà fragile comme un verre de cristal. S’il se brise, la Réunion se brisera avec. Il faut un temps pour tout. Le temps de la protestation a eu lieu. S’ouvre aujourd’hui le temps de la libération des routes et des énergies. Il faut savoir lever les barrages avant qu’il ne soit trop tard. Faisons le un peu pour nous et davantage encore pour nos enfants.

 

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