Deux basketteurs (vice) champions olympiques ont récemment taclé le ministre de l’Éducation Nationale qui avait eu -pour une fois- l’idée de féliciter l’EPS (l’Éducation Physique et Sportive), à travers son apport au sport de haut niveau.
Je n’ai aucune affinité particulière pour ce ministre, par contre je suis professeur d’EPS depuis 25 ans. Bien sûr comme dans toutes les corporations, il y en a qui font plus ou moins bien leur boulot, et vraisemblablement ces deux-là sont mal tombés lors de leur lointaine scolarité en banlieue parisienne, où plus qu’ailleurs les enseignants gèrent la discipline au lieu de transmettre des connaissances. Mais ils sont surtout mal informés, voire pire de mauvaise foi. Car j’ai du mal à croire qu’ils ignorent les 5 années d’études universitaires avec des exigences en sciences biologiques et en dissertation nécessaires pour accéder, sur concours national, à cette profession.
Combien de joueurs de basket savent que l’Éducation Physique a été obligatoire à l’école dès 1869, avant que l’école ne soit obligatoire en 1882 ? Que l’Éducation du corps était déjà présente dans la plupart des civilisations depuis l’Antiquité, avant même l’invention du ballon qui les fait courir ? Sans parler du rôle socialisateur de la pratique de l’EPS, de la contribution de ses enseignants au repérage et à l’orientation des élèves avec des problèmes moteurs ou autres, de son apport à l’éducation du citoyen par les valeurs sportives véhiculées.
Chaque année j’ai des élèves avec des problèmes de sédentarité/obésité qui ont pour seule pratique sportive leurs heures d’EPS. L’acquisition d’une méthode mais aussi d’une volonté de gestion de sa vie physique future est un enjeu majeur dans un contexte de dégénérescence corporelle, entre malbouffe et sur-numérisation de nos modes de vie.
L’EPS est d’ailleurs, pour ces raisons sanitaires, l’une des seules disciplines présentes à tous les niveaux de scolarisation et quasiment dans toutes les filières, des plus techniques aux littéraires, jusqu’aux concours.
L’autre réalité, c’est que la filière française de formation des enseignants d’EPS et des cadres sportifs est l’une des plus exigeantes et renommées au monde, que les bons résultats en sports collectifs cette année viennent enfin de consacrer. Qui sait qu’ailleurs dans le monde pour être prof de sport, il suffit souvent juste d’être sportif, alors qu’en France, c’est surtout des années de formation ?
L’opposition de l’EPS aux bénévoles des clubs constitue une maladresse de plus puisque plus des deux tiers de mes collègues, souvent eux-mêmes anciens athlètes de haut niveau, sont investis tout comme je l’ai été dans le milieu associatif en tant qu’entraîneur, et cela jusqu’à l’élite. Que ce soit dans les staffs techniques des équipes olympiques ou encore à l’INSEP (l’Institut National Supérieur de l’Éducation Physique), base d’entraînement, de tests et d’évaluation de nos champions, les meilleurs cadres sportifs sont issus couramment de la formation universitaire STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), celle qu’ont dû suivre les enseignants d’EPS.
Moi-même au début des années 80, j’ai eu à Saint-Paul des profs d’EPS exceptionnels qui m’ont donné l’amour du volley-ball d’abord en cours, puis en UNSS (club sportif scolaire en collège/lycée) avant de me conseiller un club... où eux-mêmes étaient impliqués bénévolement.
Je ne compte plus le nombre de collègues que j’ai croisés, passionnés, surmotivés, le regard brillant comme des enfants, en UNSS, à l’USEP (club sportif scolaire au primaire), notamment en basket-ball, en handball en volley-ball en rugby ou en football et qui donnaient sans compter, montaient des projets pour amener leurs élèves jusqu’au championnat de France UNSS. Encore aujourd’hui, malgré les contraintes actuelles, j’en croise régulièrement qui s’investissent même en dehors du temps scolaire pour proposer des entraînements supplémentaires, qui accompagnent la vente de gâteaux ou de l’ensachage le soir, le week-end, juste pour faire vivre les rêves de nos enfants.
Alors certes, nous sommes bien conscients que peu d’entre ceux qui ont été repérés en EPS, orientés en UNSS puis en club, finiront sur une marche olympique, mais il y en a ! Et ils sont nombreux aussi parmi nos champions à avoir pour plus anciens souvenirs sportifs leurs pratiques scolaires. Même si ce n’est pas la panacée, et qu’il manque des moyens, l’EPS constitue depuis longtemps un puissant levier de démocratisation sportive, d’autant que sans la masse il n’y a pas d’élite.
Aujourd’hui nous sommes dans un contexte de défiance politique permanent, exacerbé par les réseaux sociaux qui fait que tout le monde applaudit sans réfléchir, du moment que l’on tape sur l’exécutif. Pour ma part, même si le propos du ministre était emphatique, je ne vois aucune gloire dans les réactions de ces basketteurs, et cela ternit non seulement leur image individuelle, mais également la performance de leur équipe, voire de leur discipline, dont les instances demeurent étrangement silencieuses face à cette polémique.
Après, il n’est jamais trop tard pour reconnaître ses erreurs et s’excuser d’une généralisation aussi honteuse. Car malgré leurs tentatives de rattrapage, en voulant se moquer d’un ministre, c’est bien toute une corporation et par-delà l’éducation qui a été humiliée par deux « modèles » sportifs évoluant à l’étranger, alors même que le respect envers l’école et les enseignants en France est en perdition. N’oublions pas, qu’encore pour l’instant, les terrains de sport sont bien moins dégradés que les espaces urbains.
À ce titre c’est plus un carton rouge qu’une médaille qu’il conviendrait de leur attribuer. Même si tout n’est pas parfait, vive l’École, vive le sport, vive l’EPS, et bonne rentrée !
Jean-François Nativel
Conseiller départemental 19e canton St Paul, Réunion
Professeur d’EPS
Je n’ai aucune affinité particulière pour ce ministre, par contre je suis professeur d’EPS depuis 25 ans. Bien sûr comme dans toutes les corporations, il y en a qui font plus ou moins bien leur boulot, et vraisemblablement ces deux-là sont mal tombés lors de leur lointaine scolarité en banlieue parisienne, où plus qu’ailleurs les enseignants gèrent la discipline au lieu de transmettre des connaissances. Mais ils sont surtout mal informés, voire pire de mauvaise foi. Car j’ai du mal à croire qu’ils ignorent les 5 années d’études universitaires avec des exigences en sciences biologiques et en dissertation nécessaires pour accéder, sur concours national, à cette profession.
Combien de joueurs de basket savent que l’Éducation Physique a été obligatoire à l’école dès 1869, avant que l’école ne soit obligatoire en 1882 ? Que l’Éducation du corps était déjà présente dans la plupart des civilisations depuis l’Antiquité, avant même l’invention du ballon qui les fait courir ? Sans parler du rôle socialisateur de la pratique de l’EPS, de la contribution de ses enseignants au repérage et à l’orientation des élèves avec des problèmes moteurs ou autres, de son apport à l’éducation du citoyen par les valeurs sportives véhiculées.
Chaque année j’ai des élèves avec des problèmes de sédentarité/obésité qui ont pour seule pratique sportive leurs heures d’EPS. L’acquisition d’une méthode mais aussi d’une volonté de gestion de sa vie physique future est un enjeu majeur dans un contexte de dégénérescence corporelle, entre malbouffe et sur-numérisation de nos modes de vie.
L’EPS est d’ailleurs, pour ces raisons sanitaires, l’une des seules disciplines présentes à tous les niveaux de scolarisation et quasiment dans toutes les filières, des plus techniques aux littéraires, jusqu’aux concours.
L’autre réalité, c’est que la filière française de formation des enseignants d’EPS et des cadres sportifs est l’une des plus exigeantes et renommées au monde, que les bons résultats en sports collectifs cette année viennent enfin de consacrer. Qui sait qu’ailleurs dans le monde pour être prof de sport, il suffit souvent juste d’être sportif, alors qu’en France, c’est surtout des années de formation ?
L’opposition de l’EPS aux bénévoles des clubs constitue une maladresse de plus puisque plus des deux tiers de mes collègues, souvent eux-mêmes anciens athlètes de haut niveau, sont investis tout comme je l’ai été dans le milieu associatif en tant qu’entraîneur, et cela jusqu’à l’élite. Que ce soit dans les staffs techniques des équipes olympiques ou encore à l’INSEP (l’Institut National Supérieur de l’Éducation Physique), base d’entraînement, de tests et d’évaluation de nos champions, les meilleurs cadres sportifs sont issus couramment de la formation universitaire STAPS (Sciences et Techniques des Activités Physiques et Sportives), celle qu’ont dû suivre les enseignants d’EPS.
Moi-même au début des années 80, j’ai eu à Saint-Paul des profs d’EPS exceptionnels qui m’ont donné l’amour du volley-ball d’abord en cours, puis en UNSS (club sportif scolaire en collège/lycée) avant de me conseiller un club... où eux-mêmes étaient impliqués bénévolement.
Je ne compte plus le nombre de collègues que j’ai croisés, passionnés, surmotivés, le regard brillant comme des enfants, en UNSS, à l’USEP (club sportif scolaire au primaire), notamment en basket-ball, en handball en volley-ball en rugby ou en football et qui donnaient sans compter, montaient des projets pour amener leurs élèves jusqu’au championnat de France UNSS. Encore aujourd’hui, malgré les contraintes actuelles, j’en croise régulièrement qui s’investissent même en dehors du temps scolaire pour proposer des entraînements supplémentaires, qui accompagnent la vente de gâteaux ou de l’ensachage le soir, le week-end, juste pour faire vivre les rêves de nos enfants.
Alors certes, nous sommes bien conscients que peu d’entre ceux qui ont été repérés en EPS, orientés en UNSS puis en club, finiront sur une marche olympique, mais il y en a ! Et ils sont nombreux aussi parmi nos champions à avoir pour plus anciens souvenirs sportifs leurs pratiques scolaires. Même si ce n’est pas la panacée, et qu’il manque des moyens, l’EPS constitue depuis longtemps un puissant levier de démocratisation sportive, d’autant que sans la masse il n’y a pas d’élite.
Aujourd’hui nous sommes dans un contexte de défiance politique permanent, exacerbé par les réseaux sociaux qui fait que tout le monde applaudit sans réfléchir, du moment que l’on tape sur l’exécutif. Pour ma part, même si le propos du ministre était emphatique, je ne vois aucune gloire dans les réactions de ces basketteurs, et cela ternit non seulement leur image individuelle, mais également la performance de leur équipe, voire de leur discipline, dont les instances demeurent étrangement silencieuses face à cette polémique.
Après, il n’est jamais trop tard pour reconnaître ses erreurs et s’excuser d’une généralisation aussi honteuse. Car malgré leurs tentatives de rattrapage, en voulant se moquer d’un ministre, c’est bien toute une corporation et par-delà l’éducation qui a été humiliée par deux « modèles » sportifs évoluant à l’étranger, alors même que le respect envers l’école et les enseignants en France est en perdition. N’oublions pas, qu’encore pour l’instant, les terrains de sport sont bien moins dégradés que les espaces urbains.
À ce titre c’est plus un carton rouge qu’une médaille qu’il conviendrait de leur attribuer. Même si tout n’est pas parfait, vive l’École, vive le sport, vive l’EPS, et bonne rentrée !
Jean-François Nativel
Conseiller départemental 19e canton St Paul, Réunion
Professeur d’EPS