Il était un immortel, académicien depuis 1973, et nous y croyions un peu, à cette immortalité. Mais Jean D’Ormesson a fini par nous quitter, cette nuit de lundi à mardi, à l’âge de 92 ans.
Il était charmant, charmeur, ses yeux rieurs et d’un bleu délavé disaient tant de l’absurdité du monde, des hommes, et sa conversation, rapide et brillante, faisait de lui le parfait invité des plateaux de télévision, qu’il aimait écumer, pour notre grand plaisir.
Il laisse une oeuvre dense, à l’écriture sensible et lucide, belle aussi, bien qu’il s’en défendît, admirateur qu’il était des grands auteurs.
Jean D’Ormesson est né à Paris, le 16 juin 1925, d’une famille de conseillers d’État, de contrôleurs généraux des finances, d’ambassadeurs de France et de parlementaires, parmi lesquels un chancelier de France et un député à la Convention nationale.
Pour échapper à Sciences Po Paris, il entre en hypokhâgne, puis intègre l’Ecole normale supérieure de la rue d’Ulm, juste après la seconde guerre mondiale. Il passe l’agrégation de philosophie et enseigne dans une université aux États-Unis. Puis il entre à l’UNESCO au Conseil international de la philosophie et des sciences humaines nouvellement créé, et qu’il dirigera plus tard. Il crée la revue de sciences humaines Diogène, puis dirigera Le Figaro entre 1974 et 1977, créant souvent la polémique à gauche avec ses éditoriaux politiques très marqués à droite.
Académicien, il oeuvre à l’entrée sous la Coupole de Marguerite Yourcenar, qui, contre toute attente, est élue en 1980 au fauteuil de Roger Caillois. C’est Jean D’Ormesson qui la reçoit en 1981, avec ces mots : « cette œuvre éclatante écrite dans ce style suprême qui rejette dans la préhistoire les fadaises et les mièvreries de la prétendue écriture féminine ».
Nous restent du facétieux Monsieur ses livres en partage, car, disait-il, « tant qu’il y aura des livres, des gens pour en écrire et des gens pour en lire, tout ne sera pas perdu dans ce monde qu’en dépit de ses tristesses et de ses horreurs nous avons tant aimé. »