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Je préfère voir se dessiner un monde plus humain

Je préfère imaginer que la forêt continue de pousser en silence, tandis que nous, les Hommes, sommes en train de ployer tel un seul arbre dans un grand fracas. C’est ainsi que je m’exprime en paraphrasant un proverbe africain, pour dire la sidération qui est nôtre face à une situation incontrôlable, face à l’urgence sanitaire devenue, […]

Ecrit par Youssouf OMARJEE – le samedi 04 avril 2020 à 15H54

Je préfère imaginer que la forêt continue de pousser en silence, tandis que nous, les Hommes, sommes en train de ployer tel un seul arbre dans un grand fracas. C’est ainsi que je m’exprime en paraphrasant un proverbe africain, pour dire la sidération qui est nôtre face à une situation incontrôlable, face à l’urgence sanitaire devenue, pour ainsi dire encore, selon certains éminents Professeurs de Médecine, « cet arbre d’impréparation à un risque majeur qui cache la forêt de pénuries tant humaine, matérielle qu’organisationnelle ». Ce coronavirus, est, malheureusement, devenu le meilleur syndicat des revendications portées par le personnel depuis des lustres.

C’est pourquoi, je préfère imaginer ces forêts majestueuses de nos montagnes, ces forêts qu’on traverse pour se rendre sur la « Route des Volcans », contempler tout en méditant sur les spectacles de coulées de laves qui dévalent les pentes à toute vitesse, tantôt accessibles, d’autres fois prenant le temps de se dévoiler aux plus téméraires comme aux moins courageux. Sur ces traversées de feu, aujourd’hui admirables, en mode confinement, qu’à distance, par drone. Autrefois, les uns y venaient parcourir les sentiers d’en haut, tandis que les autres y accouraient à la rencontre des fumerolles d’en-bas. Certes, imaginer cela, c’est imaginer que la Nature poursuit son cours, tandis que nous, les Hommes, avons été contraints de suspendre nos activités pour mieux apprendre les leçons que le « temps libre » est venu nous faire, mieux prendre soin de soi, mieux se cultiver, mieux vivre et mieux apprécier nos moments du quotidien.

Je préfère voir se dessiner un autre monde, dont les contours se précisent, sur fond de confinement, un monde fondé sur le socle de la solidarité, un monde davantage mu par l’entraide que par la seule et exclusive poursuite du profit, un monde qui reconnaît la contribution de chaque être dans la réalisation de prouesses collectives, un monde qui, parce qu’il ne fait plus de distinction entre riches et pauvres face à la maladie, attendrit le regard des uns sur les autres dans une approche réellement humaniste et sur la foi d’un dialogue social constructif, un monde où le moindre bruit nous tient en haleine, sans porter, pour autant atteinte à notre quiétude intérieure dès lors que nous sommes encore en mesure de prier, d’aimer, de remercier et de glorifier le Seigneur.

Je préfère mieux réfléchir à nos interdépendances, en m’imaginant que les journalistes continuent à travailler, encore plus aujourd’hui qu’hier, même si les médias sont moins lus en raison des circonstances limitantes liées au confinement, la plupart demeurant tout de même accessibles sur le Web, et, où chaque contribution nous autorise une espérance nouvelle.

Je préfère m’imaginer que des hommes et des femmes continuent de se réveiller aux aurores pour prendre leur poste, pour servir leur Nation, pour être aux petits soins des malades comme pour entretenir la propreté de nos routes, pour approvisionner nos magasins comme pour encore et toujours continuer à nous débarrasser des déchets provenant de ce que nous continuons à consommer.

Je préfère m’interroger sur la peine de ces artisans forcés de fermer leurs ateliers et sommés de ne plus prendre de commandes, hormis ceux qui sont les « artisans du goût et des saveurs », dont la ténacité est intacte pour produire des chocolats de circonstance, tandis que ni leur moral ni celui des consommateurs ne sont au beau fixe. Mais, tant que ces chocolats font du bien à nos âmes, alors pourquoi s’en priverait-on ? C’est bien l’un des rares petits plaisirs auxquels nous pouvons encore y accéder.

Je préfère voir les quelques rares signes de vie que je croise au hasard de mes rencontres fugaces durant les rares ballades en « centre-ville » accomplies en raison de l’accomplissement des nécessités quotidiennes vitales.

Je ne préfère pas m’imaginer, pour autant, la tristesse énorme de ces petits commerçants qui, pour la plupart, seront en très mauvaise posture, le travail et l’œuvre de toute une vie parfois, partis dans un feu sans fumée. Quant à ceux qui, par miracle, auront la capacité de tenir debout, de résister, de faire face, il leur faudra mieux encore songer à la modernisation digitale de leurs magasins, à être en mesure de réfléchir à un tel scénario inimaginable d’arrêt complet des activités pour une si longue durée. Je ne préfère pas, non plus, être à la place de ces salariés, qui, par milliers, seront mis en difficulté de faire face à leurs dépenses quotidiennes, et, qui pour certains d’entre eux, perdront probablement leur boulot au terme de ce confinement qui a mis à mal tous les acteurs d’un système économique qui tient, in fine, comme un véritable château de cartes, et, dont la mondialisation n’est pas toujours heureuse.

Je préfère voir, cependant, une lueur d’espoir quand notre tendance naturelle nous conduirait au pessimisme, je préfère mesurer la chance de disposer d’un toit là où les « Sans Domicile Fixe » errent dans les rues, en y risquant, à tout moment, de perdre leurs vies comme tout récemment à Saint-Denis.

Je préfère mesurer, enfin, la chance qui est mienne d’avoir reçu une éducation, je préfère admirer le travail formidable accompli par toutes ces associations qui viennent en aide aux plus nécessiteux, je préfère être aux côtés de celles et ceux qui sont à l’écoute de la détresse du monde, qui mettent du baume aux cœurs des autres alors que les leurs sont souvent meurtris (dont les « travailleurs sociaux »). Je préfère remercier les agents de « La Poste » qui assurent, avec dévouement, la continuité de leurs services comme l’assurent celles et ceux de tous les autres services publics et secteurs marchands vitaux à un monde qui tourne au ralenti.

Je préfère vous déclarer la compassion qui est mienne car vous êtes tous et toutes des héros d’un quotidien loin d’être évident, d’un temps où il nous faut réapprendre à vivre en prenant conscience de la qualité de vie plus que de la course incessante à l’accumulation, d’un contexte qui prête à une réflexion sur nos besoins essentiels, sur nos choix placés davantage sous le sceau de la responsabilité que des émotions, sur nos comportements qui doivent nous ouvrir à l’altruisme, sur le changement de nos perceptions sur le monde et sur la relativisation des épreuves que la vie nous conduit à traverser en nous transcendant dans la préservation essentielle de l’unité et la conscientisation de chacun(e) sur sa contribution essentielle à l’édification d’un monde meilleur, sans lequel il n’y aura point d’avenir pérenne possible.

Youssouf OMARJEE

 

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